Le camp présidentiel et, plus singulièrement, la galaxie patriotique, sont en crise. Et ce n’est un secret pour personne. Une crise à plusieurs nœuds, qui a profondément affecté l’état de santé du camp présidentiel. Dans une enquête approfondie, ‘’Le Mandat’’ a fait une incursion dans l’univers belliqueux du camp présidentiel, et dénoue un par un, tous ces nœuds. Il vous dévoile la vraie origine de la galaxie patiotique.
La notion de ‘’ jeunes patriotes’’ est apparue dans le vocabulaire ivoirien avec l’attaque de la République par une rébellion venue tout droit de la Côte d’Ivoire septentrionale. Devant les difficultés liées à l’insuffisance des hommes et des armes auxquelles l’Armée nationale était confrontée dans le cadre de sa mission régalienne de défense des Institutions, feu Tapé Koulou Laurent et Moïse Lida Kouassi, avaient appelé d’urgence des jeunes ivoiriens à la rescousse. L’ordre du jour était, ‘’comment mobiliser tous les jeunes de Côte d’Ivoire pour la défense des Institutions de la République face aux agresseurs’’. Le principe avait été unanimement accepté, mais la grande question était, qui mettre à la tête de ce mouvement des jeunes. Il y avait Konaté Navigué, leader de la jeunesse du Fpi, Charles Blé Goudé, ex-secrétaire général de la Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI) et bien d’autres noms. De commun accord, tous les participants à la rencontre, et sur proposition de Tapé Koulou, avaient décidé de ne pas mettre à la tête du mouvement patriotique qui venait de naître, une personne estampillée FPI. Pour la toute simple raison que les initiateurs du projet, Tapé Koulou et Lida Kouassi, voulaient en faire un mouvement national au sein duquel, tous les jeunes Ivoiriens devaient se retrouver pour défendre leur pays agressé. C’est ainsi que le choix sera porté sur la personne de Charles Blé Goudé, pour conduire la résistance patriotique en Côte d’Ivoire. Le mouvement constitué, il fallait chercher un financier, plutôt, un mécène. C’est ainsi que des démarches ont été entreprises auprès du Directeur Général du Port Autonome d’Abidjan (PAA) Marcel Gossio. Celui-ci n’a fait aucune difficulté à accepter de soutenir financièrement la résistance. Le choix de l’appellation ‘’jeunes patriotes’’ avait tout simplement des visées fédératrices. Il fallait un nom sous lequel tous les jeunes Ivoiriens pouvaient se retrouver, sans distinction politique, sociale ou religieuse.
C’est ainsi que la machine patriotique sera lancée, avec comme chef de bord, Charles Blé Goudé.
Election de Serges Kuyo, la première fissure de la galaxie patriotique.
Il est à rappeler que personne ne peut diriger la FESCI, si elle n’est pas du FPI et le choix de la direction de ce parti politique. Jusqu’avant les élections à la tête de la FESCI en 2002, tout allait apparemment bien entre les leaders de la jeunesse patriotique qui se retrouvaient main dans la main, sur le champ de bataille. Mais tout va se compliquer pendant ces élections qui ont porté Serges Kuyo à la tête de la fédération. Alors que celui-ci était le choix de la Direction du FPI et qu’il avait été demandé à toute la galaxie patriotique d’apporter son inconditionnel soutien au candidat du FPI, Charles Blé Goudé va se démarquer pour apporter son soutien à la candidature d’un certain Boga, actuel président communal de la jeunesse de cocody. En tant que choix de la direction du FPI, Serges Kuyo bénéficiait automatiquement du soutien de la JFPI et celui de son président, Konaté Navigué. A partir de cet instant, un fossé venait de se creuser entre ces deux leaders de la galaxie patriotique que sont, Charles Blé Goudé et Konaté Navigué. Pendant ce temps, Idriss Ouattara qui était l’homme de main de Blé Goudé, avait également réussi à intégrer le bureau national de la Jfpi dirigée par Konaté Navigué. Sa mission était de récupérer tous les secrets et toutes les stratégies de Navigué et son bureau pour les transmettre au président du COJEP. Ce dernier, en très bon espion, va réussir à capter tous les secrets de la Jfpi qu’il va régulièrement livrer au président du Cojep, Charles Blé Goudé, devenu le nouvel adversaire de Navigué. Le BEN de la JFPI n’arrivait plus à comprendre comment ses secrets sortaient à chaque fois pour se retrouver dans le camp adverse. Alors, le BEN a mis des stratégies de surveillance en place. Celles-ci vont s’avérer payantes au bout de quelques semaines. Puisque Idriss Ouattara sera identifié plus tard, comme la taupe au service de ‘’l’ennemi’’ dans leurs rangs. Pour corriger ‘’le traître’’, une descente musclée organisée par des éléments de la FESCI proches de la JFPI, a été menée contre Idriss Ouattara dans sa cellule à la résidence universitaire de la cité rouge de cocody. Là-bas, il a été copieusement passé à tabac, et s’en est sorti avec une bouche totalement vidée de toutes ses dents. C’est dans une grande clinique de la place, et par le soutien financier de Blé Goudé, qu’Idriss s’est fait soigner et a vu sa dentition remplacée par une prothèse. Pendant ce temps, Blé Goudé et son groupe savaient d’où venait l’épée. Ils ruminaient secrètement leur vengeance, mais la lutte était politique et stratégique. Il fallait faire son trou et s’imposer. En lieu et place d’une riposte à la mesure de l’agression, Charles Blé Goudé et son camp ont opté pour une lutte stratégique de positionnement afin de réduire Konaté Navigué et sa bande à leur plus simple expression. Une lutte qui tournera indiscutablement en faveur du leader du COJEP qui réussira à mettre Navigué et la JFPI sous l’éteignoir, si bien que beaucoup croyaient que Blé Goudé était le leader de la jeunesse du FPI. La témérité, le charisme et son activisme ont été les armes qui ont permis à Blé Goudé d’envoyer Navigué au purgatoire. La galaxie patriotique ne s’exprimait pas seulement dans les rues, elle s’était également créé des espaces dits de libre expression appelés ‘’parlements’’ et ‘’Agoras’’. Bénéficiant désormais de la sympathie et du soutien financier du palais présidentiel, le génie du kpô pouvait librement lancer sa croisade contre son adversaire. Pour mieux contrôler ces instruments à vocation propagandiste que sont les Parlements et Agoras, Blé Goudé aura l’ingénieuse idée de créer la Fédération Nationale des Agoras et Parlements de Côte d’Ivoire (FENAPACI). En reconnaissance pour services rendus, Blé Goudé a placé à la tête de cette nouvelle fédération des Agoras et Parlements, son poulain Idriss Ouattara. Des candidats de la trempe de Zokou du parlement d’Abobo, Lena et Tapis du parlement d’Anono, avaient été priés de se désister au profit d’Idriss Ouattara. En contrôlant la rue et tous les espaces prétendus de libre expression, Blé Goudé montait en puissance et en notoriété au détriment des barons du parti qui se voyaient à la traîne. Blé avait occupé tout le terrain, il s’est même emparé du combat de la JFPI à laquelle il a définitivement rabattu le caquet. Ne pouvant plus s’exprimer, Navigué était obligé de vivre sous l’aisselle du Général Blé Goudé, son ami-ennemi.
Idriss Ouattara, comme une chenille dans un fruit
Le tout nouveau et puissant président de la fédération des Agoras et Parlement, va pleinement abuser des nombreux privilèges attachés à son nouveau statut pour semer la zizanie dans la famille frontiste. Avec la bénédiction de Blé, Idriss Ouattara va se retrouver à l’Ecole Nationale d’Administration d’où, après sa formation, il va être affecté à la Direction générale des Impôts. Après l’installation du bureau fédéral composé de quinze (15) membres, celui-ci bénéficie chaque mois, de 1 million de francs comme soutien de la part de Charles Blé Goudé, somme à partager entre les membres du bureau. Malheureusement, aucun des autres membres du bureau ne percevra un seul sou de cet argent pendant plus de deux ans. Les 24 millions vont rester la propriété exclusive d’Idriss Ouattara. Outre cet argent, Idriss Ouattara ira émarger auprès de plusieurs personnalités du régime et des Institutions de la République. Nos sources révèlent plusieurs dizaines de millions de francs qu’il aurait recueillis auprès de ces personnalités, et gardés par devers lui. Se sentant suffisamment riche, Idriss Ouattara s’est soudainement découvert le profil d’un député dans sa circonscription de Doropo. Ambition qu’il va soumettre à son parrain Charles Blé Goudé qui, à son tour, va le présenter au chef de l’Etat Laurent Gbagbo. Devant le chef de l’Etat, Idriss Ouattara va demander une voiture de type 4X4 pour lui permettre de battre sa campagne à Doropo. Séance tenante, le président Laurent Gbagbo leur aurait recommandé d’approcher le DG du port pour satisfaire la demande du patriote. Gossio à son tour, aurait saisi un concessionnaire qui a remis à Idriss, une 4X4 flambant neuve. Mais, en être jamais insatisfait, Idriss Ouattara va, en plus de la 4X4, exiger une autre voiture, cette fois automatique. Ce qui aurait mis Gossio dans tous ses états, parce que lui, voulait rester absolument discret dans cette histoire. Quand au niveau de la galaxie patriotique, certains barons du FPI ont constaté que Blé Goudé était en train de devenir super puissant en contrôlant les agoras et parlements, ils ont décidé de créer la Fédération des Orateurs des parlements et agoras de Côte d’Ivoire, par le biais du groupe de Navigué. Un groupe à qui de gros moyens seront octroyés pour dit-on, affaiblir Blé Goudé. Parmi les barons qui soutiennent le groupe de Navigué, figure au premier plan, le premier ministre et président du FPI, Pascal Affi N’Guessan. Avec lui, plusieurs autres barons qui voient en Blé, celui qui veut leur ravir leur place après Gbagbo. Le sens de leur combat, le retour au FPI originel avec tous les avantages à ceux qui y étaient hier. Quand la crise Tagro-Koulibaly a éclaté, il a été demandé à la galaxie patriotique dans toutes ses composantes, de soutenir Tagro. Ce qu’a fait Blé Goudé à travers sa déclaration largement reprise dans la presse. Pendant ce temps, discrètement, Idriss Ouattara apportait son soutien à Mamadou Koulibaly à qui il soutirait de l’argent avec promesse de mener son combat. Dans la logique de Idriss Ouattara, il n’est pas question de soutenir Tagro qui est avec Navigué qui se trouve être son ennemi juré. Il a donc fait sien, le dicton « l’ami de mon ennemi est mon ennemi ». Ses va-et- vient réguliers, ont attiré la curiosité de la présidence de la République qui a mis des espions à ses trousses. Quelques jours seulement ont suffi pour découvrir la double face de l’enfant de Doropo. Ce qui aurait mis le chef de l’Etat dans une colère noire. Celui-ci ne veut pas admettre que des éléments de la galaxie patriotique apportent leur soutien à un déstabilisateur du régime de la trempe de Mamadou Koulibaly. Cette ‘’guerre’’ Koulibaly-Tagro va davantage fissurer la jeunesse patriotique, en ce sens que Idriss Ouattara, Eugène Djué, Watchar Kédjébo, Diabaté Bêh et bien d’autres jeunes gens, se sont rangés derrière le président du Parlement ivoirien, Mamadou Koulibaly. Ce qui donne aujourd’hui à la galaxie patriotique, une crise à trois (3) têtes ; le clan Navigué, celui de Blé Goudé et l’autre, des Djué et Idriss Ouattara. Le poison de la division est tellement fort que tout le camp présidentiel s’en trouve entièrement contaminé. Trois grands groupes se livrent une guerre sans merci. D’un côté, le groupe conduit par Pascal Affi N’guessan et qui comprend des noms comme Navigué, Damana Pickass, etc. De l’autre, celui conduit par Charles Blé Goudé et ses proches. Et enfin, le groupe de Mamadou Koulibaly. Dans cette guerre de positionnement pour l’après Gbagbo, que se livrent ses héritiers, le chef de l’Etat n’a malheureusement pu se mettre au-dessus de la mêlée. Ce n’est même pas une information de dire qu’il a pris fait et cause pour Tagro, à qui tous les soutiens de la République sont apportés. Quant à Blé Goudé, il demeure l’homme à abattre dans le camp présidentiel et par le camp présidentiel. Il est suspecté de lorgner le fauteuil présidentiel après le président Laurent Gbagbo, avec des moyens du FPI. A la direction du FPI, des personnes avaient fait la proposition de lâcher Blé Goudé au profit de Konaté Navigué ou Damana Pikass qui sont des produits de l’écurie FPI. Mais cette proposition a été battue en brèche par un autre groupe qui estime qu’aucun de ces deux « jeunes »n’a la carrure de Blé. Ce dernier groupe se veut raisonnable et demande au contraire, que Blé soit encore plus soutenu. « Il a pris trop de risques pour sauver la République pour être, négligé. Il aurait pu mourir dans cette lutte, et pendant ce temps, où étaient les autres ? Grâce à Blé Goudé, nous avons pu sauver notre pouvoir, il mérite bien les dividendes qu’il récolte actuellement », nous a confié un baron du FPI qui, a requis l’anonymat, ouvrant ainsi, les vannes d’une autre guerre en gestation.
Rodolphe Flaha