Elle s’appelle Nadiana Bamba mais dans son pays en Côte d’Ivoire, on l’appelle Nady Bamba. Elle est la seconde épouse de Laurent Gbagbo avec qui elle a un adolescent de 12ans. Nady Bamba est aussi propriétaire des deux quotidiens Le Temps et LG Infos, en Côte d’Ivoire. Et c’est d’ailleurs, à travers ces quotidiens qu’elle a décidé de répondre aux allégations de Pascal Affi, président du FPI, l’accusant de comploter contre lui pour prendre les rênes du parti.
Nady Bamba, extraits d’interview
« Je suis toujours restée silencieuse face aux multiples attaques dont j’ai été souvent l’objet parce que la plupart des articles écrits sur moi relevaient de la sphère du privé. Et je pense que tout ce qui a trait à la vie privée doit rester privé. Je n’allais donc pas suivre les personnes qui n’avaient aucun respect pour ma vie privée, en m’étalant dans les médias, sur des sujets qui ne concernent que moi. Cependant, j’ai souvent réagi par l’intermédiaire de mes avocats quand ma réputation était souillée sur le plan politique, un domaine qui n’est pas mon champ de prédilection. Quand j’ai été accusée par l’union européenne, j’ai réagi en portant plainte auprès de la cour européenne et j’ai gagné mon procès. Une deuxième fois, j’ai réagi par le biais de mon avocat et par voie de presse quand le ministre ivoirien de l’intérieur m’a accusée sans fondement d’être derrière un projet de déstabilisation de la Côte d’Ivoire. J’ai pensé qu’en apportant ce démenti, j’aurais prouvé ma bonne foi. Mais je constate, malheureusement, avec ces nouvelles accusations très graves, qu’on me prête des pouvoirs et des moyens dont je ne dispose pas.»
Selon vous, pourquoi êtes-vous toujours citée? Ne dit-on pas qu’il n’y a pas de fumée sans feu ?
« Je pense que dans mon cas, il y a fumée sans feu. Et cette question, vous devez la poser à mes accusateurs. Je ne sais pas ce qu’on me reproche réellement. Dans quel but, me salit-on injustement? Tous autant qu’ils sont, ils savent que je ne fais pas de politique. Je ne dispose pas d’un parti politique ; je n’ai pas de militants, je n’ai jamais été attirée par la politique par le passé. Je le suis encore moins aujourd’hui, après avoir pu constater, malheureusement, ce que cela pouvait entraîner comme destruction morale, psychique et physique. Pourquoi s’évertuer donc à me coller des objectifs ou des projets que je n’ai pas ? Ce sont des questions auxquelles je ne trouve toujours pas de réponses. La seule leçon que je tire de tout cela, c’est qu’un matin, on peut te coller une histoire totalement fausse. Et je pensais qu’on ne voyait cela que dans les films.»
Quand êtes-vous sortie de la Côte d’Ivoire ?
« Je suis sortie de la Côte d’Ivoire le 16 avril 2011.»
Mais, il avait été dit et écrit dans la presse que vous avez fui avant la chute du régime Gbagbo ?
« Vous savez, la presse écrit souvent ce qu’elle veut bien écrire. Vous constatez avec moi que je suis, à mon corps défendant, un aimant à fausses rumeurs (rires). Non, je n’ai pas fui et je n’avais aucune raison de fuir. Aujourd’hui encore, je ne me considère pas comme une personne en fuite. Vous savez, quand j’ai vu que certains proches du Président Gbagbo, y compris lui-même, étaient arrêtés les uns après les autres, j’ai spontanément pris mon téléphone et j’ai appelé un proche du Premier ministre d’alors, Guillaume Soro (il se reconnaîtra) pour lui signifier ma volonté de me rendre si j’étais aussi recherchée. Il m’a fait savoir qu’il était inutile que je me rende au Golf Hôtel. Je suis donc restée chez une amie parce que ma maison a été bombardée le 4 avril. Un de mes gardes de corps a été tué au cours de cette offensive. Mes parents (père, mère, frères et sœurs) avaient quitté le pays parce que leurs maisons avaient été aussi attaquées. Le matin du 16 avril, ma sœur et un très cher du couple ghanéen, ami de la famille, m’ont demandé de bien vouloir venir me reposer à Accra, le temps que les choses se calment. En allant donc au Ghana, je ne fuyais pas la Côte d’Ivoire, j’y allais pour me remettre de mes émotions.»
Finalement, vous y êtes restée…
« Oui. Et quand j’ai vu que certains de mes proches continuaient à être traqués du fait de leur lien avec moi, j’ai préféré rester.»
Pourquoi le Ghana ?
« Je m’y suis sentie bien. Et, comme je sais que je suis amenée à revenir au pays, le déménagement sera plus aisé du fait de la proximité (rires).»
Quand comptez-vous mettre fin à votre exil ?
« Quand Dieu le permettra. Je ne pense pas que mon absence pose problème à la Côte d’Ivoire dans la mesure où je n’ai aucun rôle à y jouer. Cependant, si mon pays a besoin de moi pour apaiser, consoler, soulager, alors je le ferai avec plaisir. Mais à condition que cela se fasse dans la vérité et sans exclusion.»
« Je voudrais dire que je suis une femme et une mère. Je sais donner la vie par la grâce de Dieu et mon rôle n’est pas d’ôter la vie. Je ne crois pas en la lutte armée, mais j’ai foi en la justice. Même si celle des hommes est souvent défaillante, celle de Dieu triomphe toujours. La justice divine triomphera un jour ou l’autre et elle permettra aux enfants de Côte d’Ivoire de savoir la vérité. Cette vérité sera le socle de notre réconciliation. Je reste persuadée que nous nous aimons encore un peu mais la colère et les ressentiments nous empêchent de faire le premier pas vers notre prochain. Qu’on laisse chacun, bon ou mauvais, faire son deuil, son mea-culpa, taire ses rancunes dans la quiétude. Pour faire la guerre, il faut être deux. Pour faire la paix, il faut aussi être deux. Si tu penses que je t’ai fait du mal, tu dois aussi te dire que tu m’en as aussi fait. Partant de ce fait, je te demande pardon et tu dois aussi faire pareil .Mais, il faut qu’on arrête les procès d’intention, en considérant qu’un tel a fait ceci parce qu’on le croit capable de le faire. Enfin, je demande qu’on cherche à prendre contact avec moi quand on a des doutes sur des actions que je pourrais mener afin que j’apporte ma part de vérité, avant de me condamner et de me livrer à la vindicte populaire. Ce à quoi j’aspire, c’est de vivre dans la tranquillité et dans la discrétion. Je n’en veux à personne parce que j’estime que tout ce qui nous arrive est la volonté de Dieu. Dois-je m’en prendre à Dieu qui permet tout ? Evidemment non! Il fait ce qu’il veut et quand il veut. Que ce Dieu en qui nous croyons tous, nous apporte la sérénité et fasse germer en chacun de nous les graines de la tolérance et du pardon. Que Dieu apaise, panse les blessures de chaque Ivoirien, qu’il soit du Sud, du Nord, de l’Est, de l’Ouest ou du Centre, afin que nous puissions retrouver ce qui n’aurait jamais dû nous quitter: notre fraternité. Que Dieu éloigne de nous tous les démons de la division et de la haine. Que l’âme des personnes qui nous ont malheureusement quittés du fait de cette guerre puisse reposer en paix et que Dieu soit un réconfort pour chaque famille éplorée.»
[LG Infos n° 262 du mercredi 10 octobre 2012 ]
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