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Ahoua Don Mello dit tout

Don Mello
Don Mello

Invité de La Rédaction de l’Intelligent d’Abidjan, le vendredi 17 septembre 2010, le Dr Ahoua Don Mello, Directeur général du BNETD (Bureau national d’Etudes Techniques et de Développement), a, sans faux fuyants, répondu aux questions des journalistes. Du bilan de sa gestion à la tête du BNETD après dix ans, de la conquête des marchés sous-régionaux, de la formation de l’Ivoirien nouveau, de l’Economie, en passant par ses rapports avec le FPI, son parti politique, Ahoua Don Mello dit tout.
Les objectifs du BNETD
Comme vous le savez, le Bnetd était la Direction du contrôle des grands travaux qui a été créée en 1978. Avant, chaque ministère avait un bureau d’études et assurait le suivi des travaux. Mais vous savez quand un projet est grand, comme par exemple le transfert de la capitale à Yamoussoukro, il est difficile de le rattacher à un seul ministère. Parce qu’il y a tellement d’aspects. L’aspect route qui relève du ministère des Infrastructures, l’aspect bâtiment qui relève de la Construction, l’aspect de l’électricité qui relève d’un autre secteur, l’assainissement relève aussi d’un autre secteur. Il fallait donc créer une structure unique, pour piloter les projets complexes. Et c’est ainsi qu’en 1978 a été créée la Direction et du Contrôle des grands travaux. Ce sont des travaux qui touchent plusieurs ministères à la fois. C’est bien spécifié, grands travaux. C’est pour cela que ça été rattaché à la présidence de la République. Les grands travaux ont donc pour rôle, de piloter les grands travaux de Côte d’Ivoire en matière de développement. Et au départ, c’était un établissement public national. Qui avait le monopôle de tous les grands travaux de Côte d’Ivoire. C’est-à-dire qu’aucun chantier, en matière de développement ne pouvait s’ouvrir sans le contrôle de ladite société. Ce monopôle a permis à la Côte d’Ivoire de se doter de toutes les infrastructures que vous connaissez. Aussi bien dans le domaine des routes, du bâtiment, de l’électricité, des écoles, des universités, de l’agriculture, des télécommunications et tous les secteurs étaient concernés. De 1978 jusqu’au début des années 90, lorsque nous sommes rentrés dans le tourbillon des privatisations et des libéralisations, les bailleurs de fonds ont estimé qu’un tel monopôle en matière d’études et de contrôle des travaux, empêchait les bureaux internationaux de contribuer aux études et de contrôle des travaux et empêchait l’émergence des bureaux privés d’études et de contrôle. Il fallait donc supprimer les grands travaux. C’était la recommandation. Mais l’Etat de Côte d’Ivoire au lieu de cela, a tout simplement changé le statut des grands travaux. De 1990 à 1994, il y a eu le processus de restructuration du Bnetd et des grands travaux, qui est passé d’un (EPN), établissement public national ayant le monopôle, à un bureau national d’études techniques et de développement, qui n’a plus le monopôle et qui est maintenant en concurrence avec aussi bien les bureaux locaux que les bureaux internationaux. Voilà la première restructuration qui est intervenue en 1994 avec l’arrivée de Thiam à la tête du Bnetd. C’est lui qui a conduit cette restructuration. C’est ainsi que le Bnetd a évolué de 1994 à 2000. Il y a eu tous les directeurs que vous connaissez. Thiam, ensuite Adou Antoine et en 2000 il y a eu Don Mello.

L’Etat des lieux
En 2000 ; quel était l’état des lieux ? En termes de chiffres d’affaires, on était passé de 10 milliards en 1999, à une chute de 5 milliards de chiffres d’affaires en 2000, parce que c’était la période de crise. Vous vous souvenez, c’était la période du régime militaire. Et donc vous comprendrez que dans cette période là, les grands travaux ne font plus fortunes puisque nous sommes en crise. Le chiffre d’affaire a donc chuté. Quand j’ai pris la tête du Bnetd, il était question dans un premier temps si on voulait continuer à vivre avec les 1200 agents que nous avions et de pouvoir les payer. Or, la masse salariale dépassait déjà les 5 milliards de recette. Parce que notre travail est très simple. On fait une étude, on la facture et l’Etat nous paye. Pour faire un contrôle, on facture et l’Etat nous paye. C’est donc l’ensemble de ces facturations qui constitue notre revenu. C’est comme vous, vous produisez les journaux, on les achète, et c’est ce qui constitue votre revenu. Si vos revenus sont inférieurs à votre masse salariale, vous êtes déficitaire. Il va falloir diminuer le nombre de salariés pour pouvoir tenir votre enveloppe. C’était la recommandation qui m’avait été faite en 2000. Mais pour un parti socialiste qui venait d’arriver au pouvoir, vous comprenez très bien que renvoyer la moitié du personnel des salariés pour pouvoir rester dans l’enveloppe financière, était une décision assez douloureuse pour un socialiste dont le rôle est de donner du travail à la jeunesse et de créer une société de travailleurs.

La restructuration du BNETD
Pour donc régler ce paradoxe, il a fallu procéder à une réorientation de nos activités. C’est ainsi que nous avons proposé la restructuration du Bnetd. Cette restructuration en cours, est tombée dans la crise de 2002. Où on est passé de 5 milliards de chiffre d’affaires à 3,8 milliards de chiffre d’affaires. C’est-à-dire au bord de la chute. Pour pouvoir s’en sortir, il fallait complètement réorienter la dynamique. Puisqu’en Côte d’Ivoire, on ne pouvait plus faire les grands travaux étant donné qu’en 2002 la crise était présente. C’est sur instruction du Président Laurent Gbagbo après plusieurs échanges avec lui et sur instruction du premier ministre d’alors Pascal Affi N’guessan et du ministre de l’Economie et des Finances d’alors, Bohoun Bouabré, que nous avons pris la décision de conquérir le marché Africain, étant donné l’expertise et le potentiel qui existe, et étant donné que c’est inutile de vider la moitié des agents du bnetd et bien, il fallait les redéployer. Il fallait les utiliser au profit des autres pays africains compte tenu de l’expérience accumulée à l’extérieur. Voilà ce qui a justifié la deuxième grande restructuration du bnetd et la réorientation de l’ensemble de ses activités. Aujourd’hui, en termes de bilan, c’est claire, parce qu’entre tant on n’était bien obligé de ne plus recruter de 2000 à 2004. Et donc, tous ceux qui partaient à la retraite n’étaient plus remplacés. On était donc descendu à 1000 agents. Et en 2002, on a commencé la restructuration jusqu’à ce que ce soit approuvé en 2004. Puis, il y a eu une réduction progressive de l’équipe. A partir de 2004 on a amorcé la pente lorsqu’on a attaqué le marché Africain. En 2004 on rattrape nos pertes. En 2005, nous sommes passés à 13 milliards de FCFA de chiffres d’affaires. En 2006, on est passé à 15 milliards de FCFA de chiffres d’affaires. En 2007, 17 milliards et en 2008 on est passé à 19 milliards. En 2009, on est passé à 25 milliards de FCA. Cela a permis au Bnetd de multiplier par cinq en moins de 5 ans, son chiffre d’affaires. Voilà la réalité en termes de chiffres d’affaires. Conséquence, on n’a donc pas licencié, ça c’est la première conséquence, la deuxième, c’est qu’on a utilisé pleinement les 1000 agents qui étaient restés, la 3ème conséquence c’est que depuis 2004, chaque année, on recrute des jeunes qu’on va chercher dans toutes les universités et grandes écoles aussi bien en Côte d’Ivoire qu’à l’extérieure de la Côte d’Ivoire, les plus brillants dans le domaine de l’ingénierie qu’on recrute chaque an. Ce qui fait qu’on recrute pratiquement une trentaine par année. Parce qu’aujourd’hui on est à plus de 1200 agents et nous pensons pouvoir maintenir la tendance. Maintenir d’abord l’idéologie, c’est-à-dire, créer une société de travailleurs, ensuite, créer de la richesse et assurer l’intégration économique des pays Africains. Voilà un peu, les raisons qui ont justifié les différentes restructurations du bureau national d’études techniques et de développement.

La conséquence du marché extérieur
Si le Bnetd n’avait pas de soucis financier, on ne se serait pas ouvert à l’extérieur, mais si ! On l’aurait fait, mais peut être un peu plus tard. C’est vrai que la crise a été un élément accélérateur de notre ouverture sur l’extérieur, mais il faut savoir qu’il y avait deux attitudes à tenir pendant cette crise. Ou on prenait la crise comme prétexte pour ne rien faire, ou on la défiait pour dire que nous sommes capables. Voilà un peu les deux situations qui s’offraient à nous. Et en philosophe, j’estime qu’une crise est le laboratoire d’une vie nouvelle. Je me suis donc dit qu’il fallait saisir cette opportunité pour accélérer notre renaissance. Mais il faut dire que dans le plan global du Front Populaire Ivoirien, la question de l’intégration des pays Africains était fondamentale, que chaque structure devait intégrer dans son plan de développement. Parce qu’on estime qu’avec l’ouverture des marchés Africains, les sociétés Africaines ne devaient pas être repliées sur elles mêmes, étant donné que si vous n’allez pas vers les autres, eux, ils viendront vers vous. Donc il faut prendre la décision d’aller vers les autres, puisqu’ils viennent vers vous. C’est dire qu’on a perdu le monopôle des grands travaux avec la première grande restructuration de 1994. Ce qui a permis aux bureaux étrangers de venir en Côte d’Ivoire et de partager le marché avec nous. Donc la logique d’aller vers les autres s’inscrivait dans cette reforme. Il fallait l’accélérer et la crise en a été un élément accélérateur. Les complexes étaient vraiment le plus gros handicap. Parce qu’on doute sur la capacité des Africains à épouser la science et la technologie. Alors, si un pays veut régler ses questions scientifiques et techniques, son regard se tourne automatiquement vers l’occident supposé être les dépositaires de la science. Mais la Côte d’Ivoire avait deux avantages. En premier, c’est que sous l’impulsion de son premier président, la Côte d’Ivoire a créé une direction de contrôle des grands travaux. Et le monopole en matière d’études et de contrôle et qui formait des Ivoiriens capables de maitriser les sciences de la technique. Et comme les universités et les grandes écoles Ivoiriennes formaient beaucoup d’Africains, donc qui connaissaient la puissance et le poids des grands travaux, cela nous a facilité notre pénétration dans les pays Africains parce que chaque fois on découvrait quelqu’un qui, soit a été formé par le Bnetd ou qui connait le Bnetd. Et donc si on a pu faire quelque chose d’excellent en Côte d’Ivoire, on peut donc la répliquer ailleurs. Donc décomplexer en Côte d’Ivoire vis-à-vis de la science et de la technique, trouver des Africains qui connaissent cet instrument, nous a facilité la tâche. Il y avait un pays dont je ne citerai pas le nom, pour ne pas créer d’incident diplomatique, avait choisi de réaliser un échangeur. Mais le choix a été fait par des gens qui connaissaient très bien la Côte d’Ivoire et qui savaient exactement ce qu’ils voulaient tout en sachant que c’était le Bnetd qui avait réalisé ce travail. Quand ils nous ont appelé, ils nous on dit qu’ils voulaient exactement le travail que nous avons réalisé chez nous en Côte d’Ivoire. « Tel ouvrage, c’est ce que nous voulons comme échangeur chez nous ». Donc voyez que cela a participé à notre pénétration dans ce secteur. Une autre anecdote, il y a un pays qui voulait réaliser une centrale thermique. Et quand on a déposé notre candidature, les gens ont estimé que c’est tellement complexe, pour un bureau Africain de réaliser l’ouvrage. Alors, ils n’ont même pas examiné notre candidature. Et ils l’ont confié à un bureau étranger, puisqu’ils sont supposés être les seuls à maîtriser la science et la technique. Nous sommes partis voir le ministre pour dire qu’on va réaliser gratuitement l’étude pour lui. Ce qu’on a fait. Et quand il a comparé les deux études, au lieu de choisir celle qu’il a payée à grands frais, il a préféré choisir la nôtre, qui prenait en compte toutes la réalité nationale du projet et qui par conséquent facilitait sa mise en œuvre. ‘’Ça, c’est le meilleur projet, a-t-il dit, ‘’parce que visiblement vous semblez maîtriser votre sujet et par conséquent, je vous confie le projet’’. Voilà comment on a su souvent contourner le complexe d’infériorité en faisant gratuitement certaines études pour prouver notre savoir faire. C’était du marketing nouvelle formule. Donner gratuitement l’échantillon de ce que nous savons faire, nous permet de pénétrer facilement les marchés. Sachez qu’aujourd’hui le Bnetd est présent physiquement en Afrique centrale et dans plusieurs pays Africains dont notamment les deux Congo, la Guinée Equatoriale, le Gabon, la Centrafrique. Ce qui fait que nous sommes bien positionnés en Afrique centrale, et pour ce qui est de l’Afrique de l’ouest n’en parlons pas parce que nous sommes partout. Nous sommes présents dans tous les pays d’Afrique francophones, nous sommes aussi présents au Libéria et nous cherchons à nous étendre dans les pays anglophones. Nous continuons notre extension vers l’Afrique de l’Est et du Sud. C’est pourquoi, M. Obou Armand a été chargé de développer ce portefeuille de projets. Nous n’avons donc plus de complexe, bien au contraire, nous cherchons à décomplexer tous les Africains afin de montrer que nous sommes aussi capables de science et de technique.

Ce que les partenaires
doivent au BNTED
Aujourd’hui, il faut dire que nous avons trois catégories de clients. L’Etat de Côte d’Ivoire, il y a les opérateurs privés Ivoiriens pour lesquels nous réalisons des travaux et puis l’international (les marchés Africains). Au niveau Africain, ce que nous faisons est payé intégralement chaque année. C’est notre chance parce qu’au moins, cela nous permet de financer nos activités. Au niveau intérieur, l’Etat, est notre plus gros partenaire, et également compte tenu de ses difficultés financières actuelles, l’Etat paye ce qu’il peut. Pour vous donner une idée, l’an dernier sur 15 milliards que nous devait l’Etat, c’est seulement la moitié qui a été payé ! Cela nous fait des tensions de trésorerie. Et ce n’est pas fait pour nous arranger, mais avec les ressources extérieures, nous réussissons tant bien que mal à pouvoir couvrir toutes nos charges, y compris la masse salariale qui est très importante. Mais nous sommes dans une logique de solidarité avec notre propre Etat. Donc nous allons chercher à l’extérieur pour pouvoir survivre. Et nous laissons tranquillement l’Etat sortir de la crise pour que nous puissions lui présenter nos factures et qu’on soit payé pour réinvestir. Imaginez-vous un seul instant que l’Etat paye toutes ses factures ? Demain on sera présent dans tous les pays Africains ! Plus on a les moyens, plus on va vite. Moins on en a, moins on va. Mais ce n’est que partie remise, nous allons au rythme de nos moyens, mais nous sommes certain d’une chose, c’est que nous avons de l’expertise à revendre.

Etat de santé du BNETD
On vit tant bien que mal avec les impayés de notre principal client, mais on essaie de faire face à nos engagements vis-à-vis de nos agents. C’est vrai qu’il y a eu quelques fois des tensions, car si vous attendez de l’argent de la Guinée Equatoriale par exemple et que cela retarde, vous comprenez que ça peut entraîner des mécontentements, mais nous faisons en sorte que tout le monde soit payé. Et ce genre de tensions, nous les gérons. Et comme nous sommes dans une logique de cogestion avec les agents, souvent, en expliquant beaucoup, ils comprennent. Mais si vous n’expliquez pas, ne vous attendez pas à ce qu’ils vous comprennent. Parce qu’ils présument qu’avec notre position en Afrique, ils ne comprendraient pas pourquoi on n’a pas les moyens pour les payer. Mais nous n’avons pas encore atteint une vitesse de croisière à l’extérieur, pour nous permettre de financer l’ensemble de nos projets.

Réhabilitation du palais des sports
Nous sommes un bureau d’études et de contrôle des travaux. C’est-à-dire que si l’Etat me demande de faire telle étude, je vais lui présenter une facture. Comme n’importe quel bureau d’études. Mais l’avantage du bnetd, c’est que ces études là, on les fait souvent gratuitement, parce que nous savons que l’Etat a des difficultés, ou soit même si nous initions une facture, l’Etat paye ce qu’il peut payer. Mais une fois que vous avez fait les études, il vous reste à faire les travaux ! Cela demande que l’Etat mobilise les fonds pour les travaux. Nous attendons donc qu’on nous fasse signe et nous réhabiliterons le Palais des Sports.

La réhabilitation des routes
Nous n’avons même pas d’argent pour réparer les routes qui existent déjà. Parler de financer de nouvelles études, c’est vraiment chercher trop loin. Ce n’est pas l’expertise qui fait défaut, mais plutôt les finances. Parce que imaginez-vous un pays comme la Côte d’Ivoire qui a augmenté ses recettes fiscales, qui ont été multiplié depuis 2000 jusqu’à nos jours. C’est-à-dire qu’on est passé de 1200 milliards à près de 2500 milliards de revenus de l’Etat. Mais sur les 2500 milliards de FCFA, il y a une bonne partie qui sert à financer la dette, et l’autre partie sert à financer la sortie de crise qui coûte chère. Ce n’est pas uniquement les élections. Mais il n’y a pas que ça ! Lorsqu’il y a une crise quelque part, il va falloir mobiliser l’armée, les forces de l’ordre, pour qu’elles s’y rendent. Et cela coûte cher. Donc il faut pouvoir résister à la crise. Si bien qu’il y a une bonne partie de l’argent qui est allouée à la sortie de crise. Ce qui reste à l’Etat, c’est pour financer son fonctionnement. Et je dirai Dieu merci que la Côte d’Ivoire ait pu financer son fonctionnement. Les ressources qui restent pour faire les investissements sont très maigres. Vous comprendrez que même quand il y a des routes qui se dégradent, on fait toutes les études de réhabilitation, parce qu’au niveau du Bnetd on peut se permettre de travailler sans être payé, car nos prestations de l’extérieures nous font vivre. On travaille à l’extérieur pour pouvoir mieux faire les études en Côte d’Ivoire. La chance c’est qu’une fois que l’argent est là, on ne perd plus le temps pour faire les études. La preuve, quand la banque mondiale a mis à exécution son projet d’urgence, on a vu des travaux qui ont démarré mais ce n’est pas par magie. Parce qu’il fallait qu’un bureau d’étude ait au préalable identifié toutes les études et là on ne perd pas du temps. On fait même des bonds en avant. Ce n’est pas antinomique que d’aller à l’extérieur, travailler pour la Côte d’Ivoire. Le problème en Côte d’Ivoire, ce n’est certainement pas à cause des études. Mais c’est parce qu’il faut avoir l’argent pour les réaliser et financer les projets. C’est là qu’il y a problème. Mais comme nous sommes en train de sortir de la crise politique qui permet de financer tous les projets, et comme nous sommes en train de sortir de la crise économique qui permet d’annuler la dette, la Côte d’Ivoire va disposer de moyens pour réaliser toutes les études. Le palais des sports a été étudié, mais il faut le financement pour le réhabiliter. Notre slogan c’est : « la Côte d’Ivoire, nous y sommes, l’Afrique nous attend, le monde nous intéresse ». Nous sommes dans une logique de mondialisation des économies. C’est pour vous dire qu’aujourd’hui dans une vision de compétition mondiale, si vous n’allez pas vers les autres, eux, ils viendront vers vous. Il faut donc vous donner suffisamment de raisons pour aller vers les autres et nous ne comptons pas nous arrêter seulement à l’Afrique. Nous comptons apporter notre expertise même aux pays européens jusqu’aux pays Asiatiques et Américains. Voilà notre stratégie, notre vision. C’est pour cela qu’on a créé une représentation aujourd’hui en France qui est en train de prospecter le terrain pour voir quelle est la stratégie de pénétration. Mais ce qu’on a découvert, c’est que même en France, il y a des appels d’offres à destination de la Côte d’Ivoire ou des autres pays Africains. C’est-à-dire qu’ils font des recrutements pour venir faire des études pour les pays Africains. Nous aussi nous nous sommes inscrit. Donc on soumissionne et on gagne des marchés. C’est pareil pour le Canada où on a aussi une représentation qu’on a fédérée avec des Ivoiriens qui travaillent dans de grandes structures avec qui nous sommes en partenariat. Eux aussi ont identifié des marchés qu’on pourrait acquérir. On est en train de faire une formation en énergie solaire dont le financement nous vient du Canada. Voilà comment on pénètre. Mais ça veut dire quoi ? Comme nous sommes en partenariat avec la diaspora Africaine, nous sommes à mesure d’obtenir des marchés. Ce ne sont pas les idées d’un rêveur éternel, mais c’est une réalité que nous sommes en train de mettre en œuvre. Pour que demain, le bnetd soit une multinationale de référence mondiale. Telle est notre ambition et nous le ferons.

Les conseils du BNETD
Mieux, on élabore des dossiers techniques pour chiffrer le coût de nos conseils. Maintenant, il vous revient de rechercher le financement pour faire les travaux. Sinon on continue de faire des dossiers techniques, tout en donnant toujours des conseils à l’Etat, pour que l’Etat ait une idée du coût. Mais comme je vous l’ai dit, il faut pouvoir mobiliser les ressources pour réaliser les travaux. En réalité ce n’est pas toujours facile. Voila pourquoi nos routes se dégradent, voila pourquoi nos écoles, notre électricité connaissent des crises. C’est ce qui explique la détérioration de tous les secteurs. Mais je pense qu’en sortant de la crise, la Côte d’Ivoire disposera suffisamment de ressources. On ne paiera plus la dette, on ne paiera plus la crise et donc la moitié des ressources de l’Etat va être affectée à la réhabilitation des infrastructures par exemple.
Comment résoudre
le problème de l’Indénié
En ce qui concerne l’Indénié, l’Etat Ivoirien nous avait consulté en son temps à travers le ministère des Infrastructures économiques pour deux gros problèmes. Il y avait la corniche et l’Indénié. Lorsque le Bnetd a été contacté, nous avions proposé des solutions pour ces deux points critiques. Pour la corniche, nous avions fait l’étude complète, prenant en compte la corniche, elle-même et allant jusqu’au ‘’carrefour de la vie’’, là où on a fait un barrage écrêteur pour retenir l’eau. Le ministère des transports à travers l’Ageroute a pu mobiliser le financement total pour réaliser la corniche. Donc si vous voyez bien, la corniche a été relevée. Il y a eu un canal bétonné qui est venu depuis le ‘’carrefour de la vie’’ qui est passé en dessous pour évacuer l’eau dans la lagune. Vers ce carrefour, on a créé un barrage écrêteur pour retenir l’eau qui vient de part et d’autre du carrefour de la vie puisque, c’est un point bas pour ne pas que l’eau arrive à débit non contrôlé à la corniche. Pour l’indénié, il fallait mobiliser le financement et c’est ce qu’on n’a pas pu trouver. Ensuite, il y a eu la restructuration et Mel Eg Théodore est venu. Il a donc décidé de faire une partie du projet, c’est là le gros problème, parce que n’ayant pas de ressources, il a donc commencé par la fin, au lieu de commencer par le début. En tant que ministre, il a le choix de le faire en fonction des ressources qu’il dispose. En conclusion, on n’a pas réglé le problème parce que pour régler ce problème, il faut construire un barrage écréteur à Williamsville. Puis contrôler l’eau qui vient de williamsville par une canalisation bétonnée et que cette canalisation se prolonge dans la lagune pour évacuer l’eau et curer régulièrement cet endroit. Voilà un peu, la solution globale au problème. Mais ça coute très cher. Je dirai même trois fois plus que la corniche. Aujourd’hui, avec la reprise des relations avec les bailleurs de fonds, la Banque mondiale a décidé d’apporter le financement nécessaire pour réaliser les travaux. Il y a un appel d’offre qui a été lancé pour faire les études détaillées parce que dans notre métier, il y a les études préliminaires qui permettent de chiffrer le coût de l’ouvrage. C’est la deuxième étape qui va être faite et étant donné que les bailleurs de fonds ont décidé de financer, c’est un problème qui va être réglé. Une fois de plus, ce n’est pas un problème techniquement insoluble. Mais ce qui a manqué, ce sont les moyens pour financer la totalité du projet. Voilà un peu, la situation de l’indénié.

Voilà comment le BNETD veut remodeler le Grand Abidjan
‘’Le grand Abidjan’’, comme vous le savez, c’est un gros projet, parce qu’aujourd’hui quand vous voyez Abidjan, c’est une ville qui se développe d’une manière non contrôlée or ce n’était pas le cas avant. Quand Abidjan se développait, vous aviez déjà dans les quartiers les routes, l’eau, l’électricité et l’assainissement. C’était au temps de la SETU. Ensuite, les opérateurs immobiliers viennent pour construire. Aujourd’hui, on n’a pas les moyens de faire les routes, d’apporter l’électricité, d’apporter l’eau et de faire l’assainissement. Les gens viennent s’installer et après les infrastructures les trouvent là bas. Ce qui engendre la création de plusieurs bidonvilles autour d’Abidjan. Toute chose qui a un impact négatif sur le développement de la ville d’Abidjan. Le projet du Grand Abidjan consiste à apporter dans un périmètre suffisamment grand autour d’Abidjan, qui part de Jacqueville jusqu’à Grand Bassam, en passant par Anyama. L’ensemble des grosses infrastructures nécessaires permettent de décongestionner le Grand Abidjan. Ainsi, les opérateurs pourront s’installer et produire des logements avec toutes les commodités nécessaires. Voilà le projet du Grand Abidjan, lancé en partenariat avec le Bnetd et l’opérateur. Il y a l’ouvrage fondamental qu’il faut réaliser. C’est le quatrième pont et puis l’autoroute qui traverse la voie express de Yopougon et qui va réjoindre l’autoroute du Nord. C’est la première branche qui sera également suivie par d’autres pour ceinturer tout le Grand Abidjan. Ce projet a commencé par le quatrième pont et les études préliminaires sont achevées tout comme les études techniques. Nous allons maintenant donner l’ordre de démarrer les travaux. La dernière réunion avec mon département technique, était de préparer l’ordre et démarrer les travaux du quatrième pont qui ouvre en même temps le démarrage des travaux du Grand Abidjan. Concernant le troisième pont , toutes les études techniques avaient été faites: avant-projet sommaire pour déterminer le coût, étude détaillée pour l’exécuter et l’ordre de démarrer avait été donné lorsqu’il y a eu la crise de 1999. Le coup d’Etat a freiné la mise en œuvre de ce projet qui était un contrat de concession à l’opérateur Bouygues. Ce dernier ayant estimé que les conditions n’étaient plus réunies et que ses partenaires financiers ayant suspendu leur coopération avec la Côte d’Ivoire, il n’avait plus les moyens de continuer. Il fallait donc attendre la sortie de crise pour rappeler tous les bailleurs de fonds qu’il avait contacté afin qu’il puisse lancer le démarrage effectif des travaux. Avec cette sortie de crise, l’opérateur a été rappelé et nous sommes en négociation avec les bailleurs de fonds pour qu’il revienne. Comme vous le savez, certains bailleurs de fonds sont encore réticents. Et c’est cette réticence qui a justifié la prise en main du projet par la Côte d’Ivoire en lançant un appel public. Cet appel doit permettre de démarrer le troisième pont sans attendre d’appuis extérieurs, question de responsabilité nationale. La Côte d’Ivoire a donc décidé de prendre ses responsabilités. Voilà un peu, l’historique du troisième pont. En conclusion, sachez que cet ouvrage va démarrer. L’ordre de service n’a pas encore été donné mais ça ne saurait tarder puisqu’on attend qu’on nous signifie les ressources qui ont été mobilisées pour qu’on puisse donner la décision de démarrer les travaux.

Le pont De Gaulle est en bonne santé, mais le pont Houphouët est vieillissant et malade
Pour le pont De Gaulle, il n’y a aucun problème. Pour le pont FHB, il est vieillissant mais il n’est pas encore mort. Parce que dans notre jargon, un ouvrage est adulte, vieilli et meurt. Nous sommes donc dans la phase vieillissante du pont FHB. Une équipe technique d’anticipation a été à cet effet, mise en place pour ne pas attendre la mort de cet ouvrage. Cette équipe, a actuellement mission de retrouver tous les documents techniques relatifs à ce pont parce qui a été réalisé avant les grands travaux. Nous n’avions donc pas les plans. Nous ne pouvions pas aller à 70 mètre sous l’eau pour savoir l’état de santé de cet ouvrage. Il vous faut les plans et les notes de calcul. Parce qu’à partir des notes de calcul, vous pouvez prévoir l’année de décès de cet ouvrage et voir les travaux nécessaires pour sa rénovation. On peut ressusciter un ouvrage, on peut rajeunir un ouvrage vieillissant. Ce qui n’est pas encore le cas chez l’homme. Cette équipe technique travaille et aujourd’hui, on a retrouvé tous les plans. Pour les retrouver, ça été pénible. Nous avons eu accès à l’un des ingénieurs par l’intermédiaire d’un conseiller du Président Félix Houphouët-Boigny, Ivoirien d’origine européenne qui nous a permis d’avoir accès à son père qui, lui était chef de chantier lors de la construction du pont. Il nous a dit que le reste des informations étaient dans le plafond d’une ancienne villa occupée par le service d’électricité en Zone 4. Vous voyez on était obligé d’aller chercher en zone 4 la villa en question et dégager le plafond pour trouver les plans qui étaient à moitié foutu mais par chance on a pu recomposer l’essentiel et aujourd’hui, on connait à peu près l’état de santé de cet ouvrage et ce qu’il faut faire. Les études techniques sont engagées pour sa réhabilitation et sa renaissance. Espérons qu’une catastrophe ne passe pas par là. Puisque même quand on vieillit et qu’on a encore du temps à vivre, on peut faire un accident.

Le géopavé reste une opportunité à mettre en oeuvre
J’aime bien cette question parce que c’est comme si on vous disait, votre enfant, vous l’avez abandonné. Le géopavé pour moi, c’est d’abord la passion d’un jeune chercheur et en même temps, une volonté d’indépendance dans le secteur technique et une volonté de démocratisation. C’était une recherche personnelle, un défi personnel qui avait été encouragé en son temps par l’ENSTP à travers le ministre Akélé Ezan. C’était donc un défi qu’il fallait relever et comme je travaillais beaucoup sur le géobéton pour le bâtiment, à un moment je me suis dis pourquoi ne pas l’adapter à la route. C’était une simple idée que tout le monde avait trouvée farfelue en son temps y compris les enseignants européens. Mais en science, il s’agit de prouver que tel élément est possible ou pas. C’est donc avec mes étudiants que j’ai fait mes premières recherches. Tenez vous bien, sur ressources propres. Quand je suis parti voir le banquier pour qu’il me fasse un prêt pour faire de la recherche, il a d’abord ouvert les yeux pensant que je suis fou. Les gens prennent des crédits pour construire des maisons, faire des plantations et moi je venais prendre un crédit pour faire de la recherche. Je lui ai dit que le produit que je vais trouver, c’est ma maison. C’est ainsi que mon banquier a fini par financer ce projet de recherche. Crédit qu’on me coupait à la source d’ailleurs. Pour la petite histoire, quand on m’avait chassé de l’ENSTP où on m’a rétrogradé comme ingénieur stagiaire. (Celui qui enseignait les ingénieurs étaient revenu au niveau de ses étudiants pour faire un stage. Ça c’est l’histoire du multipartisme en Côte d’Ivoire.) Ce produit quand il est né, nous avons fait toutes les expériences de laboratoire, ça été parfaitement concluant. Evidemment, la question qui nous était souvent posée, était de savoir si le produit allait durer? Alors pour attester de sa durabilité, j’ai fait des expériences pilotes à Yamoussoukro, Abidjan, et Akoupé. Aujourd’hui, ce produit a 20 ans. On a fait le point au BNETD et on a vu que ça dure parce que la durée de vie normale d’une route , c’est 15 ans. Ça veut dire qu’on a tous les éléments aujourd’hui pour encourager les plus sceptiques de tous les Ivoiriens à l’utilisation de ce matériau. Il n’y a plus de complexes, ni d’arguments contre ce produits aujourd’hui. Si vous allez à Issia, une route dans cette ville est en géo pavé. Elle existe encore et les populations pourront vous la montrer. C’est une belle route, je puis vous le confirmer. Et en même temps, le lancement de ce projet va nous permettre de le généraliser. C’est pour vous dire que la Recherche et développement ne sont pas un travail facile dans un pays complexé. Il faut pouvoir d’abord briser toutes les résistances, réticences et tous les complexes par ailleurs prouver que la technique et l’expérience s’imposent aux plus sceptiques. C’est dans cette phase que nous sommes. Je crois qu’aujourd’hui, sur le plan technique, sur le plan scientifique, sur le plan de l’expérimentation, il n’y a plus d’arguments contre le géopavé. Avec la sortie de crise et la décentralisation, ce sera une belle opportunité y compris même pour les communes rurales d’avoir un village propre et une ville propre avec des routes et pistes faites dans ce matériau. C’est la contribution que j’ai pu faire pour mon pays. Peut être que ça va encore tarder à cause des résistances, mais n’empêche que les conditions sont réunies pour faire son petit bonhomme de chemin.

Ce qu’il y a eu de positif dans la crise
Comme j’entends beaucoup de choses! Eh bien, il faut aussi qu’on m’entende. Parce que « Qui ne dit rien, a toujours tort et consent ». Concernant le 19 septembre 2002, je ne suis pas de ceux qui sont pessimistes et qui voient le mal dans toutes choses. Pour moi, l’histoire d’un individu, l’histoire d’une société, d’une nation est faite de période faste et de période néfaste. Elle est faite de prospérité et de crise. Mais comme le disait, mon plus grand idéologue, Karl Marx, toute crise est le laboratoire d’une vie nouvelle. Voilà ma philosophie. Dans chaque crise, il faut chercher les éléments nouveaux qui vont donner naissance à la société nouvelle pour avancer puisque vous ne pouvez pas éviter les crises. Il faut positiver. Je prends les choses telles qu’elles sont venues en 2002. On peut certes spéculer sur les raisons mais l’histoire est l’histoire. Je ne spécule pas sur les raisons. Je retiens que de 2002 jusqu’en 2010, premièrement, la Côte d’Ivoire a résisté sans aides extérieures. Ce qui est rare en Afrique et même ailleurs. C’était inimaginable en Côte d’Ivoire, qu’on fasse un budget sans prendre en compte ce que les amis de la Côte d’Ivoire pouvaient apporter dans la cagnotte. On pensait même que c’était impossible de vivre sans eux. Aujourd’hui, nous avons pu vivre sur ressources propres pendant 8 ans. Nous avons conquis notre indépendance budgétaire. Pour moi, c’est un acquis important parce que cela a un impact dans l’esprit de l’Ivoirien. Puisque finalement, il se rend compte qu’il peut compter sur lui même et qu’il n’a pas besoin de l’extérieur pour vivre. C’est la première grande leçon que je tire. Et pendant cette période de crise, on a vu nos amis de tous les jours, non seulement nous abandonner mais au pire, nous combattre. Cela nous a ouvert la porte d’autres amitiés. Aujourd’hui, la Côte d’Ivoire peut avoir des relations avec n’importe quel pays sans qu’il demande l’autorisation de qui que ce soit. C’est vraiment l’indépendance totale. En conclusion, ce que je tire de cette crise, c’est que la Côte d’ivoire toute entière a pris conscience de sa responsabilité et de son indépendance. Et c’est sur cette fondation qu’il faut bâtir la nouvelle Côte d’Ivoire. Et la Côte d’Ivoire de demain ira en se renforçant au niveau national en terme d’indépendance collective mais aussi en terme d’indépendance individuelle. On sait désormais que nous devons compter sur nous mêmes et nous avons prouvé que nous pouvons le faire. Mon sentiment est que la Côte d’Ivoire a acquis son indépendance, disons sa deuxième indépendance qui va permettre de conquérir totalement son indépendance économique. Mais attention, indépendance économique ne veut pas dire isolement ni rupture. L’indépendance économique veut dire tout simplement que je peux m’allier à n’importe quel pays de la planète sur le plan économique. L’indépendance veut dire tout simplement que je fais mon choix sans consulter qui que ce soit. C’est important. En Même temps, la contrepartie de l’indépendance, c’est que nous devons mobiliser nos ressources intérieures. Et c’est ce que la Côte d’Ivoire a fait. De 2000 jusqu’à 2010, les recettes de l’Etat par les régies financières telles que les impôts, sont passées de 1200 milliards de FCFA à 2500 milliards FCFA. En comptant uniquement sur les ressources internes en pleine crise. C’est pour dire que ce pays comporte un gisement important de ressources qui était jusque là inexploité, et tenez vous bien! Ce qui a été mobilisé n’est qu’une fraction de ce qui est mobilisable encore. Au Bnetd, en tant que Bureau d’études, nous avons fait tous les calculs pour déterminer tout le potentiel mobilisable sur l’étendue du territoire. Du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest. Je puis vous dire que c’est énorme. Ça veut dire que nous pouvons compter sur cela. Voilà un peu la leçon fondamentale que je tire de cette crise. Donc je ne suis pas de ceux qui pleurnichent. Et c’est parce que je ne suis pas de ceux qui pleurnichent que j’ai fait du Bnetd, un bureau de référence mondiale en pleine crise. Je pouvais passer mon temps à dire, on va attendre la sortie de crise mais on aurait peut être dissout la structure. Voilà un peu ce que je voulais ajouter.

Personne ne pensait que le FPI allait prendre le pouvoir compte tenu du poids de Guéi
Est-ce que Don Mello a broyé du noir, avec son parti la Renaissance? D’abord pour vous les journalistes. Quand vous faites une analyse, prenez les documents. Parce que très souvent, des analyses sont faites sur la base de rumeurs. Une fois les documents sous la main, vous pouvez savoir ce qui s’est réellement passé. Et quand vous savez ce qui s’est réellement passé, vous pouvez mieux expliquer parce ce qu’on vient en politique différemment. Il y a ceux qui viennent en politique parce que leur frère est dedans. Moi je suis rentré au FPI en 1983. Je n’avais pas de frères au FPI. Puisque nous étions les premiers en pleine clandestinité. On ne se connaissait pas du tout. C’était la clandestinité avec des pseudonymes. Moi, j’ai découvert des personnes avec leurs véritables noms par la suite et ça me faisait rire ! Quand nous sommes sortis de la clandestinité, en tout cas, avant 1990, on ne venait pas en politique parce qu’on pensait prendre le pouvoir. On venait simplement sur une base idéologique. C’était la seule raison qui pouvait amener quelqu’un à militer. Sinon il n’y en avait pas d’autres. On ne payait pas quelqu’un, et quand tu militais, on t’arrêtait et on te renvoyait ou on t’éliminait. Donc, ce n’est pas pour la recherche d’un poste que j’ai choisi de militer au FPI. Avant de militer au FPI, j’étais au parti communiste an France. Mon rêve était de créer une société socialiste en Côte d’Ivoire. Et nos premières rencontres avec Gbagbo, c’était ça. Et des nuits durant, nous avons discuté à bâton rompu pour s’accorder sur l’idéologie qui a fondé le futur parti qu’il voulait créer avant que je n’accepte d’y militer. C’était ça mon rêve politique. Attention, j’étais quand même l’un des premiers ingénieurs-docteurs de Côte d’Ivoire qui était aussi bien recherché par la France que par les Américains qui proposaient monts et merveilles pour travailler à des postes que vous voulez. Je n’avais pas mal de proposition à l’extérieur où c’est moi qui devait fixer mon salaire. Mais ce n’était pas ça mon objectif sinon je serais retourné en France ou aux USA ou au Canada où j’avais déjà des propositions. Ce n’est pas ça qui a motivé mon existence. Deuxièmement, je suis venu en Côte d’Ivoire, ce n’est pas parce que je cherchais un poste. Je suis venu en Côte d’Ivoire parce que j’avais deux raisons. Premièrement sur le plan idéologique, je voulais créer une société socialiste et sur le plan technique, je voulais prouver qu’on est capable d’inventions. On est capable de sciences et de techniques et, on est capable de moderniser. Voilà les deux raisons qui ont fait que je suis revenu en Côte d’Ivoire et que je n’ai pas choisi d’aller dans n’importe quelle boîte. Je suis allé directement à l’ENSTP où j’avais le temps de faire mes recherches et le temps de faire de la politique. Créer une société socialiste sur la base d’un programme. C’était en 1990. Avant 1990, l’adhésion à un parti politique se faisait sur la base d’un programme. On est d’accord ou on n’est pas d’accord. Si on n’est pas d’accord, on ne vient pas. Si on n’est d’accord, on se bat pour ce programme. Voilà pourquoi, j’ai adhéré au FPI. Evidemment, contre l’avis de tout le monde. Puisque pour tout le monde, c’était dangereux, c’était risqué. On parlait d’un poste juteux qui m’attendait au PDCI. Donc si je cherchais un poste, c’est en ce moment précis, puisque premier docteur ingénieur, j’allais courir pour être ministre. Les postes, je pouvais en avoir dans n’importe quel pays développé. Partout où je dépose mon CV, j’ai un poste avec un revenu discuté. Maintenant pourquoi, j’ai adhéré au FPI? Pour créer une société nouvelle. Pourquoi, j’ai par la suite quitté le FPI? J’ai été élu en 1990 comme président du comité de contrôle du FPI. Parce qu’il fallait quelqu’un qui veille au respect de la ligne du parti, de l’idéologie du parti et du programme du parti, adopté en 1990. C’était mon métier. Evidemment, avec le vent de la mondialisation, de réglementation et du triomphe du libéralisme (Vous vous souvenez des grands débats sur la privatisation), c’était l’évoque du libéralisme qui couvrait le monde entier. Ce qui a fait qu’à un moment donné certains ne croyaient même plus au projet socialiste comme possible. C’était vraiment le triomphe du libéralisme. Moi, j’étais convaincu que c’était une fausse route alors quand le débat à l’intérieur du FPI s’était engagé pour modifier le programme de gouvernement en tant que d’abord président du comité de contrôle, c’était mon rôle de dire non. Il fallait respecter le programme que nous avons adopté. Lorsqu’en 1992, il ya eu les arrestations de Laurent Gbagbo suite aux événements du 18 Février 1992; à la sortie de prison, les discussions se sont engagées pour modifier le programme de gouvernement compte tenu du contexte libéral dans lequel tous les pays s’étaient engagés. Le débat a eu lieu, moi j’avais ma position. J’ai estimé qu’il ne fallait pas changer de programme parce que l’environnement change et que le socialisme ne peut mourir. Un jour ou l’autre, il va revenir et que nous sommes dans une période appelée la restauration du libéralisme. C’est une phase qui va passer. Mais il y avait deux thèses en face. Il y avait certains qui estimaient que tactiquement il fallait adopter la ligne mondiale de ce moment pour ne pas avoir à affronter toute l’humanité. Moi, j’ai estimé qu’il fallait plutôt maintenir sa position pour accélérer l’avènement et le triomphe du socialisme à travers le monde. J’étais contre ce changement jusqu’à ce qu’il y ait eu la création du Front Républicain qui consacrait l’alliance FPI-RDR et qui consacrait en même temps, le changement du programme de gouvernement. Donc tous les secteurs stratégiques qu’on protégeait parce qu’on les considérait comme étant des secteurs essentiels pour l’Etat de Côte d’Ivoire et qu’ils devaient rester propriétés d’Etat; tous ces secteurs stratégiques dans notre nouveau programme pouvaient faire l’objet de privatisation. Pour moi, c’était la dernière décision qu’il ne fallait pas prendre. Le thème socialiste veut dire, faire renaître le programme socialiste à l’intérieur du FPI. Le thème n’était pas choisi au hasard. Evidemment, c’était un débat de sorcier que seuls les initiés pouvaient comprendre mais pour la population, c’était plutôt un akan qui avait des alliances avec Bédié pour casser le FPI. Bref, c’était tout sauf les raisons qui ont guidé la naissance du mouvement. Cette interprétation a empoisonné l’atmosphère à l’intérieur du parti. Et donc certains militants ont commencé à s’en prendre physiquement-je dis bien physiquement- à certains militants de la renaissance. Au nom de la paix, j’ai demandé à ce qu’on quitte momentanément la maison, étant convaincu que le socialisme allait revenir. Si vous prenez les textes de sortie du FPI pour créer le parti ”La Renaissance”, vous verrez qu’en dernière phrase, c’est écrit. « Ce n’est qu’un au revoir ». Donc même dehors, on a continué à mener le combat à l’intérieur du FPI jusqu’à ce qu’au congrès de 1999, on revienne sur la grande ligne du socialisme. C’est là que Gbagbo m’a dit, « ce n’était qu’une démarche tactique. L’adoption du libéralisme, cette phase là est terminée. J’ai rompu avec le RDR et j’ai restauré le programme initial du FPI dans ses grandes lignes. Par conséquent, on peut se réconcilier. Donc ce n’était qu’un au revoir. » Voilà comment je suis revenu. J’étais contre le front républicain dans son rêve qui était d’avoir un programme commun de type libéral. Donc ma démarche, ce n’était pas celle de quelqu’un qui a vu un marabout pour lui dire que le FPI allait prendre le pouvoir. D’ailleurs personne ne pensait que le FPI allait prendre le pouvoir compte tenu du poids de Guéi. Je suis revenu parce que le FPI a restauré son programme initial et j’ai accompagné le FPI dans la bataille pour la prise du pouvoir en mettant en place, un système informatique qui a permis aux Ivoiriens de découvrir la victoire de Laurent Gbagbo. Je n’ai pas pris la tête du Bnetd parce que je voulais un poste. D’abord quand j”arrivais au Bnetd, tous les rapports disaient que le bnetd devait disparaître mais j’ai accepté parce que pour moi, idéologiquement, les sociétés d’Etat avaient leur raison d’être. Il fallait le prouver, il fallait aussi le démontrer parce que l’une des raisons qui amenaient les dirigeants à la suppression des sociétés d’Etat était la mauvaise gérance. Voilà pourquoi, de toutes les propositions qui m’ont été faites, j’ai accepté d’aller au Bnetd qui était une société d’Etat en voie de disparition. Pour relever le défi qu’une société d’Etat peut vivre. Je n’ai même pas discuté de mon salaire parce qu’un idéologue, c’est avant tout, atteindre un objectif. C’est sa principale motivation. C’est cet objectif là que j’ai essayé de démontrer à travers mes dix ans à la tête du Bnetd. Que j’ai insufflé à tous les agents du bnetd. Aujourd’hui, je peux dire qu’on n’a pas besoin de dissoudre une société d’Etat. On peut développer une société et une économie socialiste sur les fondations de ce que nous avons comme société d’Etat. Et créer des emplois. L’espoir du socialisme renait et nous sommes sur le chemin de la sortie de crise qui va permettre de traduire dans la réalité ce programme. La réalité et la globalité de ce programme va se traduire avec la sortie de crise. Ce que vous voyez n’est qu’un échantillon. Le FPI, c’est une idéologie, c’est un programme-Notre ambition, c’est de faire en sorte que chaque citoyen de ce pays puisse travailler lorsqu’il finit sa formation. Pour créer une société socialiste où le droit à la santé est garanti, le droit à l’éducation est garanti, le droit au logement est garanti et que la prospérité se développe d’une manière équilibrée. Voilà un peu mon ambition politique et pourquoi je milite au FPI.
Idéologiquement, j’ai été cohérent du début jusqu’à la fin. C’est-à-dire depuis que j’ai adhéré au FPI, je n’ai jamais changé d’idéologie. Ni tactiquement ni stratégiquement. Je suis donc tellement à l’aise pour parler de socialisme que je suis prêt à tous les débats sur les questions liées au développement et à l’idéologie. Beaucoup ne croient pas en l’idéologie, certains même croient que c’est mort et que ce n’est plus la peine. Je crois que le moteur de la politique ,c’est l’idéologie. Je pense que cela devrait être le moteur de tout individu et toute société. Quand vous êtes sur un bateau et que vous ne savez pas où allez, vous n’arrivez nulle part. Il n’y a pas de boussole. Je me bats pour que la Côte d’Ivoire soit un pays socialiste.
Ma nomination par Bédié au CES
S’agissant du CES (Conseil économique et social), nous parlons ici de la démocratisation de l’appareil de l’Etat, ce qui était notre objectif. Aujourd’hui, personne ne s’offusque d’être RDR et au gouvernement. Est-ce que ça veut dire qu’il a trahi son parti ? Il continue de militer dans son parti et d’être au gouvernement parce que l’Etat n’est pas la propriété de quelqu’un. Le gouvernement est celui de tous les Ivoiriens et les structures sont celles de tous les Ivoiriens. Et c’est tout à fait normal que l’Etat ivoirien travaille sur la base des mérites et des compétences de l’ensemble du pays. Ce serait une démocratisation hémiplégique que de croire que lorsqu’un parti a le pouvoir, il peut exclure de l’appareil d’Etat toutes les autres compétences de la société. C’est cette leçon-là, qui fait parti de notre programme de gouvernement. C’est-à-dire, comment démocratiser l’appareil de l’Etat ? Comment partir d’un parti-Etat, tel que le PDCI l’avait conçu et mis en œuvre. En ces temps là appartenir à l’Etat, c’était appartenir au parti ou vice-versa. C’est bien un Etat qui est la propriété de tous les citoyens, recrutés sur la base de leurs compétences. Voila comment il faut comprendre mon intégration au CES. J’étais depuis longtemps dans cette logique idéologiquement et politiquement parlant. Être au CES, c’est adhérer à une institution de l’Etat de Côte d’Ivoire, et non à un parti politique. Aujourd’hui au gouvernement, vous avez des militants RDR, PDCI, MFA, société civile, etc. C’est mieux ! Lorsque le Président Laurent Gbagbo a été élu, son directeur de cabinet n’est pas du FPI. Mais comme il était imprégné de la culture démocratique et par sa volonté de mettre fin au parti-Etat, le Président Laurent Gbagbo a pris une compétence pure pour gérer la présidence. Évidement, cela a suscité des remous au sein de ceux qui étaient dans la culture du parti-Etat. Mais, ce n’était pas du tout en contradiction avec le combat qu’il a mèné jusque-là. Quand il a appelé les autres partis politiques à venir avec lui, ce n’était pas parce qu’il n’avait pas les compétences dans son parti, mais il fallait qu’il mette fin au parti-Etat et qu’il crée un Etat démocratique. Parce que si on ne crée pas un Etat démocratique, eh bien on ira d’hémiplégie en hémiplégie. C’est-à-dire qu’on change de parti-Etat en parti-Etat dans une logique d’exclusion permanente et il faut mettre fin à cela. Voici les raisons idéologiques qui m’ont permis d’entrer au CES. Mieux, pour ne pas tomber dans le piège, j’ai renoncé à mes revenus qui étaient attachés à ma fonction de conseiller économique et social. Que j’ai transformés en bourse pour les étudiants, pour montrer que mon combat était idéologique à l’intérieur d’une structure de l’Etat. Aujourd’hui, ça ne choque plus personne. Il fallait des pionniers pour montrer que l’appareil de l’Etat est la propriété de tous les Ivoiriens. C’est une leçon qui est comprise par tout le monde maintenant. En 1990, il suffisait qu’on identifie que vous avez fréquenté Laurent Gbagbo pour que le lendemain vous perdiez votre poste. Est-ce cela la démocratie ? Non ! On ne va pas prendre le pouvoir pour répéter cela. On a pris le pouvoir pour faire autre chose, pour démocratiser l’appareil administratif. L’un des acquis de nos jours, c’est qu’on a appris à travailler ensemble dans les structures de l’Etat. Ça ne choquera personne qu’un parti politique arrive au pouvoir et fasse appel aux autres compétences pourvu que ça permette à la Côte d’Ivoire d’avancer. On aurait ainsi réalisé l’unité dans la diversité, dans une société démocratique. Parce que la démocratie est le droit à la différence, à la liberté d’expression et l’égalité devant les services publics. On ne peut renvoyer un individu parce qu’on n’est pas du même parti politique. De même, on ne peut employer un individu parce qu’on est du même bord politique. Voila la leçon de démocratie.

Roger Banchi est mon beau frère, mais il est le seul responsable de ses actes.
A propos de Roger Banchi, c’est ce que j’appelle les survivances. C’est dire que dans le parti unique, le seul Dieu est le président. Tous nos actes doivent plaire au Président. Si ça ne lui plaît pas, on ne le fait pas. Mon beau-frère est mon beau frère. Mais, il a le droit de militer dans n’importe quel parti de son choix. C’est un combat démocratique. Quand je l’ai connu, j’étais au FPI. Il n’était militant d’aucun parti. Après, il a adhéré au RDR. On continuait de mener le débat. Ce débat que nous menions, était un débat d’intellectuels basé sur la conviction de chacun. Nous avons continué à mener ce débat. Puis, je l’ai retrouvé dans la rébellion. J’en étais surpris. Je me suis dit qu’il a fait un choix dans sa vie. Que je n’approuvais évidemment pas puisque c’est une rébellion contre le pouvoir FPI. Cependant, n’importe quel membre de ma famille est seul responsable de son choix.

Je ne suis pour rien dans les revirements de Banchi
On dit que je suis intervenu pour qu’il revienne. Non ! Il a fait son choix à un moment donné et plus tard il a estimé que son choix a été une fausse route. Et il a changé de route. Je n’exclue pas aussi le fait qu’on avait discuté de tout cela aussi. Mais chacun a toujours gardé ses convictions. Ça ne changeait pas la nature de nos rapports. Chacun est responsable de son choix. De même que je ne l’ai pas poussé à la rébellion, je ne l’ai pas poussé non plus à quitter la rébellion. Je ne lui ai jamais rien dit concernant ses choix. Je respecte le choix de chacun des Ivoiriens. Je gère le BNETD dans le respect des bords de chacun. A l’intérieur de ma famille, je respecte le choix de mes frères et sœurs. Je ne suis responsable du choix de personne. Roger Banchi est responsable de ses choix. Il assume les conséquences de ses choix. Parce que moi, j’en ai souffert du fait de mon appartenance au FPI, mais je me suis battu pour imposer aujourd’hui la liberté d’expression.

Ma position dans la guerre Koulibaly-Tagro
Les premiers militants du FPI sont venus par conviction ou par croyance. Ils n’ont pas fait ce choix pour d’autres raisons. Quand ils constatent que leurs convictions sont en bute avec la réalité, ils l’expriment librement. Et c’est ce que Mamadou koulibaly a fait. Delà, à croire qu’il n’est plus du FPI, c’est qu’on le connait mal. Les gens disaient que peut-être Mamadou Koulibaly est en alliance avec Alassane Ouattara, c’est archi faux. J’ai retrouvé un peu ce que j’avais vécu à l’époque et avec le recul ces insurrections m’ont fait sourire. Ce sont ceux qui ne connaissant pas le FPI, qui se comportent comme ça. Le débat démocratique et de droit à la différence sont comme un fétiche au FPI, on ne touche pas à ça. Tu es libre de t’exprimer et tu assumes les conséquences de ta liberté d’expression. Si à un moment donné, tu décides de te taire, tu te tais. Si tu veux parler, tu parles dans le strict respect des statuts et règlement intérieur et lois du parti. Voilà, ce qu’on demande dans une société démocratique. Ma position sur cette affaire, c’est que cela m’a rappelé ma propre situation quelques années plutôt. C’est ça le FPI. C’est ça qui fait sa force.

La seule chose positive à tirer de cette guerre
J’aimerais vous dire que les militants votent pour plusieurs raisons. Il y en a qui vont voter par rapport au bilan. D’autres voteront par rapport à l’idéologie. Il y en a encore qui voteront parce que leur frère appartient à tel ou tel parti politique, etc. C’est leur choix. Ceux qui ne vont pas juger notre bilan négatif, ne vont pas voter parce qu’ils jugent par rapport au bilan. En revanche, ceux qui vont trouver le nôtre positif le feront. Il y a quelque chose de fondamental qu’on ne peut pas chiffrer malheureusement. C’est le fait que la Côte d’Ivoire soit libre aujourd’hui de toute soumission néocoloniale. Cela n’a pas de prix. Le fait que la Côte d’Ivoire soit libre de choisir ses partenaires, a multiplié par autant de pays dans le monde les possibilités de ressources internes comme externes potentielles pour bâtir ce beau pays. Auparavant, on n’avait qu’un seul choix, aujourd’hui on a de choix multiples. Cela nous donne le temps de choisir le meilleur de chaque pays pour construire notre belle Côte d’Ivoire. Si on doit parler de bilan, c’est ce bilan-là qui doit être mis en avant. Et aussi le fait qu’on est pu résister à cette crise. Il faut montrer aux gens que malgré tout, la Côte d’Ivoire a pû réaliser un certain nombre de choses. Les recettes de l’Etat ont été multipliées par deux au niveau public. Les enseignants et les fonctionnaires ont vu leurs salaires s’améliorer. C’est ça aussi le socialisme. Je prends le cas du BNETD, on a multiplié nos chiffres d’affaire par cinq. C’est un bilan positif. Et en même temps, on a recruté des jeunes dans les plus prestigieuses universités du monde et ouvrir la Côte d’Ivoire à l’extérieur. Et nous avons aussi montré la compétence scientifique et technique de notre pays. Cela fait la fierté de la Côte d’Ivoire. Partout en Afrique, on sait que les Ivoiriens ne sont pas n’importe qui. Ils ne viennent pas en tant que chercheurs de petits boulots, mais en tant que des individus qui apportent leur expertise à un pays frère : ça n’a pas de prix. C’est une fierté pour chacun de nos citoyens. Je pense que cela mérite de placer le FPI et son Président à la tête du pays. Et qu’on expérimente le socialisme sur un mandat sans rébellion et partition du pays et vous verrez le résultat.

La vision de l’Ivoirien nouveau
Nous sommes à l’image de ce que nous nous représentons chaque jour dans notre tête. C’est ce qui motive notre action pour réaliser l’image que nous avons dans notre tête. Si nous changeons de représentation de notre futur nous changerons d’orientation pour réaliser notre futur. Si nous voulons donc une société nouvelle, il faudra nécessairement des Ivoiriens nouveaux pour créer cette société nouvelle. Je dirai même que c’est une vérité évidente. Mais alors quel est le type de société que nous voulons ? Et quel est cet Ivoirien là, capable de réaliser cette société ? Pendant mon premier développement, j’ai dit que ma vision de notre société, c’est une société socialiste. Une société où le droit de tous les droits c’est le travail. Une société de travailleurs. Et donc si nous voulons une société de travailleurs, cela exigera de nous un certain nombre de comportements. Parce que pour travailler, il faut que certains créent l’emploi et d’autres qui en cherchent. Il faut donc des créateurs d’entreprises et des chercheurs d’emplois qui sont embauchés. Et dans ma vision des choses, aujourd’hui l’objectif fondamental que la Côte d’Ivoire doit atteindre, c’est le plein emploi. Le plein emploi, parce que nous avons formé beaucoup de jeunes qui n’ont pas d’emplois. Pour réaliser donc ce plein emploi, il faut créer les conditions macroéconomiques et microéconomiques pour pouvoir le réaliser. Aujourd’hui où en sommes nous ? Après huit (08) ans de crise, nous avons conquis notre indépendance économique dans nos têtes. C’est-à-dire que nous avons compris que nous devons compter sur nous-mêmes. C’est cette leçon donnée du sommet de l’appareil d’Etat qui doit être enseignée à tous les Ivoiriens. Et si chacun assimile ses leçons de la volonté d’indépendance, de cette nécessité d’être responsable de son propre destin, nous créons alors l’Ivoirien nouveau. Voilà pourquoi ce livre parle des acquis de la Côte d’Ivoire qui a conquis aujourd’hui son indépendance.

Payer ses impôts pour conquérir l’indépendance économique
Il va falloir renforcer cette indépendance sur le plan économique, sur le plan social et sur le plan culturel. Tous les problèmes d’infrastructures qui se posent aujourd’hui sont connus, recensés, étudiés et se trouvent dans les conclusions. Ce qui manque pour aménager d’une manière parfaite notre espace de vie, ce sont les moyens financiers. Or nous sommes dans un pays où très peu d’individus payent leurs impôts. Le propriétaire terrien ne paye pas d’impôt en Côte d’Ivoire. On cherche toujours à frauder. Nous avons fait des calculs pour dire que si chacun payait son impôt sur le territoire ivoirien, ce n’est pas 200 milliards de FCFA qu’on récolterait mais plutôt 2300 milliards de FCFA qui restent non collectés. Si nous étions capables de collecter même la moitié, c’est-à-dire à peu près 1100 milliards de FCFA, nous pourrions réaliser beaucoup d’investissements pour éviter tous ces problèmes de développement que nous avons aujourd’hui. L’Ivoirien nouveau est donc celui qui prend conscience que nous sommes capables de mobiliser nos ressources internes pour financer notre développement. Maintenant les autres aides peuvent venir en appoint. Je vais vous donner quelques chiffres. Quand les bailleurs de fonds ouvrent leurs vannes, le maximum qu’ils puissent mobiliser pour nous, chaque année, c’est à peu près 200 milliards de FCFA. Mais je vous dis que pour les 200 milliards de FCFA, il suffit qu’on regarde dans notre pays pour se rendre compte que nous sommes capables d’en collecter dix fois plus. Ce qui veut dire qu’on n’a plus besoin de tendre la main pour se développer. On peut nous- mêmes mettre la main à la poche pour notre développement. L’Ivoirien nouveau, c’est d’abord cela. Il faut créer le citoyen sur le plan de la fiscalité. Nous sommes dans un pays comme dans une association. Quel est le seul critère d’appartenance à une association ? C’est d’avoir sa carte et de payer ses cotisations. Quel est le critère de citoyenneté dans un pays ? C’est d’avoir sa carte d’identité mais de payer aussi ses cotisations c’est-à-dire ses impôts en fonction de ses revenus. Si chacun montre sa citoyenneté à la Côte d’Ivoire et adore véritablement ce pays, nous n’avons pas besoin de tendre la main. C’est aussi cela l’Ivoirien nouveau. Deuxièmement, voilà un pays où la population est pauvre à 48%. En milieu rural, la situation est plus grave parce que c’est 62% de la population qui est pauvre. Généralement dans cette zone, chaque famille est assise sur des centaines d’hectares de terre. Il suffit tout simplement de faire un titre de propriété de ces cent hectares et le convertir en argent dans une banque. Et donc brusquement le fait de détenir un titre de propriété, permet de passer du statut de pauvre au statut de riche. L’Ivoirien nouveau, c’est tout simplement cela. On posera la question habituelle : « Où on va prendre l’argent pour faire un titre foncier ? » Pourtant quand il y a des funérailles, on trouve de l’argent. Et là, on ne se pose pas la question.

Sortir du cycle des dépenses improductives
Si on est capable de trouver de l’argent pour enterrer ceux qui sont morts, faisons encore mieux pour ceux qui sont vivants. C’est-à-dire si on économisait ce qu’on utilise pour enterrer le mort, on développerait les cent hectares sur lesquels on est assis et nous allons sortir des familles de leur pauvreté. C’est tout. Nous n’avons pas besoin de tendre la main à l’extérieur pour chercher de l’argent pour investir. On a besoin tout simplement de changer de comportement et d’utiliser au mieux les mêmes ressources que nous utiliserons autrement. C’est ça l’Ivoirien nouveau. Pour réaliser un hectare de cacao c’est autour de 250 000 FCA. 10 hectares feront 2 500 000 FCFA. Il y a des funérailles qui coûtent plus que cela. Donc chaque fois que vous faites des funérailles de 2 500 000 FCFA, c’est comme si vous vous priviez de dix hectares de cacao. Donc en changeant de comportement, chaque année, vous gagnez dix hectares de cacao ou dix hectares d’hévéa, ou dix hectares de café. Et vous sortez de la pauvreté. Voilà l’Ivoirien nouveau. C’est comme les mariages. Pourquoi investir tant de milliards pour aller signer un contrat. Cela n’ajoute rien à la valeur du contrat. Mais nous préférons dépenser des dizaines de millions pour organiser une cérémonie pour manger et danser. Et puis après ça, on tend la main pour payer ses factures. Ce n’est pas normal. Parce que ces dix millions pouvaient créer à peu près 50 hectares d’hévéa qui peuvent rapporter environ 50 millions de FCFA. Avec 100 hectares, on peut avoir 100 millions de FCFA. En changeant de comportement, on est capable d’atteindre cet objectif. Il faut arrêter d’attendre tout de l’Etat. Nous sommes capables de créer de la richesse et de mettre tout le monde au travail. Voilà l’Ivoirien nouveau. Je ne dirai pas plus. Il y a beaucoup d’éléments dans mon livre, « L’Ivoirien nouveau », vous lirez tous les aspects de ce livre et vous verrez que l’Ivoirien nouveau, c’est celui qui est capable avec ses ressources propres d’assurer son développement. On parle de changement et rien ne change, il faut toutefois persévérer. Parce qu’un changement de mentalité prend toujours du temps.

Les conditions du changement de mentalité
Cependant, on ne peut pas dire que rien n’a véritablement changé. Parce qu’aujourd’hui, il y a beaucoup d’Ivoiriens qui parlent français. Ce qui veut dire qu’il y a quelque chose qui a changé quand même. Il y a beaucoup d’Ivoiriens qui sont allés à l’école, qui savent lire et écrire. Il y a beaucoup d’Ivoiriens qui sont capables de lire ce livre, (NDLR : L’Ivoirien Nouveau), et d’en tirer quelques leçons. Donc quelque chose va changer dans l’avenir. Il suffit tout simplement qu’on croit à la pédagogie. Qu’on estime que c’est l’éducation, la sensibilisation et l’information qui permettent le changement de mentalité. Il n’y a pas autre chose. Chacun à son niveau doit jouer le rôle qui lui revient. Aussi bien les écoles, les journalistes, parce que vous détenez l’information, vous êtes capables de diffuser l’information, de sensibiliser, les Eglises, les Mosquées, les musiciens, les artistes…Tout le monde doit contribuer à faire évoluer les mentalités. Pour que l’Ivoirien en changeant de mentalité soit responsable et crée de la richesse. C’est tout. Nous avons réalisé ce livre parce que nous voulons une société nouvelle et il faut des Ivoiriens nouveaux pour créer cette société là sans compter sur qui que ce soit mais en comptant uniquement sur soi-même. Parce que c’est la leçon de la crise de 2002. Si nous n’appliquons pas cette leçon au sortir de cette crise, cela veut dire qu’on a rien compris de la crise.

La vérité sur la villa de 90 millions à Cocody-Riviera
C’est la même confusion. De même que Roger Banchi est parti à la rébellion parce qu’on estime que c’est moi qui l’ai poussé, en plus c’est moi qui l’ai fait sortir de là, j’ai expliqué que, je n’ai rien à voir avec Roger Banchi. Il agit en toute responsabilité. De même, un petit frère, este en justice parce qu’il est en transaction financière et s’appelle Don Mello, DG d’une société on fait la confusion. La leçon que je tire de cette information, c’est qu’il faut sortir de la logique communautariste ou de la logique d’amalgame. Lorsqu’un membre de la famille pose un acte, il le pose en toute responsabilité. Parce que chaque matin, il n’y a pas une réunion de famille pour dire à chacun ce qu’il doit faire. Chacun se lève de la maison et va faire ce qu’il veut. Donc chacun est responsable de ses actes. Evitons les confusions. Lorsqu’un membre d’un parti politique pose un acte, on dit automatiquement qu’au FPI, ils sont comme ça. Un acte posé par un membre de la famille ne concerne pas forcément les autres membres de cette famille notamment le plus connu. Ce n’est pas parce que quelqu’un vient d’un pays étranger, qu’il pose un acte, qu’il faut faire l’amalgame en condamnant tout ce pays. Non ! Dans ce pays là, il y a des gens qui sont bien, il y a des personnes correctes. Donc chacun doit assumer ses actes. Voilà un peu la leçon. Il faut qu’on aille beaucoup plus vers la responsabilité individuelle que la responsabilité collective ou communautariste. Ce n’est pas une logique qui crée les conditions de la liberté d’expression. Parce que dès lors qu’un membre d’une famille biologique ou politique ou même d’une famille nationale va poser un acte et en disant que si je pose cet acte on dira que c’est mon frère ou mon parti ou mon pays qui a posé l’acte, cela étouffe l’initiative privée. Ça étouffe la liberté d’expression. Il faut que chacun soit libre et assume son acte. C’est la première lecture qu’on doit faire d’une telle situation. La deuxième lecture qu’il faut faire est à l’endroit des journalistes. Voilà quelqu’un qui escroque une personne. Le juge condamne l’escroc et le journaliste condamne celui qui a été escroqué en le livrant à l’opinion publique. Or, l’escroquerie est un acte puni par notre société.

Le journaliste et la construction d’une société de justice
Le bon journaliste, c’est celui qui prend le pari de faire justice. Et donc de défendre la justice. Mais condamner la victime et puis laisser le bourreau, c’est une attitude que j’ai trouvée trop curieuse. La responsabilité des journalistes est très grande dans une société démocratique. Le journaliste a pour rôle d’éduquer. Il devait donc se saisir de cette affaire pour condamner toutes les nouvelles formes d’escroquerie qui se développent dans nos sociétés. Nous sommes tous victimes chaque jour d’escroquerie. Celui là vient « j’ai perdu mon père, donne moi l’argent » or son père est mort, il y a dix ans ou il est bien vivant au village. Et vous lui donnez l’argent, il disparait. Chacun de nous vit cette situation au quotidien. Il faut Condamner cela au lieu de condamner les victimes. Ces modes d’escroqueries se multiplient. C’est même devenu un métier en Côte d’Ivoire. « Oui j’organise une cérémonie pour soutenir Gbagbo, il faut m’aider ». Vous lui donnez l’argent et il disparait. Il n’y a pas de cérémonie, Gbagbo n’est pas soutenu quelque part par celui qui prend l’argent. Je crois que les journalistes ont un rôle important à jouer dans la société. La lecture que je fais donc de cette affaire, c’est qu’il faut qu’on aille vers une société où le journaliste avec sa plume éduque. Ce ne sont pas les journalistes qui doivent aller contre la justice. Si la justice a pris une position, il suffit d’analyser objectivement sa position et d’en tirer les leçons pour tout le monde. Sans ça, lorsqu’une personne sera demain escroquée, il va se dire : « si je poursuis l’escroc, peut- être qu’on dira dans les journaux que l’escroc a raison et moi j’ai tort. Donc je ne vais pas le poursuivre ». On développe donc une société d’escrocs où les journalistes défendent les escrocs contre les honnêtes gens. Ce phénomène va donc se multiplier. Puisque pour moi, c’est un encouragement à l’escroquerie, parce des gens se diront qu’ils peuvent escroquer n’importe qui et ils seront protégés. Parce que les victimes n’en parleront pas pour ne pas que les journalistes tirent sur eux. C’est donc les deux grandes leçons à retenir, à savoir, il faut éviter l’amalgame et il faut éviter d’encourager l’escroquerie. Aussi, chacun de nous est-il responsable de sa vie. Chacun de nous assume ses actes. Quelle que soit leur appartenance familiale, politique ou nationale, il faut laisser les individus s’exprimer et assumer leurs actes.

S: L’Intelligent d’Abidjan-20/9/2010

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