by Le Magazine de la Diaspora Ivoirienne et des Ami(e)s de la Côte d’Ivoire | 1 août 2011 15 h 42 min
Dr Claude Koudou vit en France depuis plus de deux décennies. Vice-président chargé de la Coordination extérieure
du Réseau Côte d’Ivoire Diaspora, membre de la Coordination des Intellectuels d’Afrique et des Diasporas africaines
et analyste politique. Dans cette interview, il a abordé entre autres les questions de l’Etat de droit en Côte d’Ivoire,
de la réconciliation, de la démission du Pr Mamadou Koulibaly et des problèmes au niveau de la diaspora.
Comment avez-vous vécu les bombardements de la résidence du Président Gbagbo et sa capture ?
la question que vous posez mérite d’être approchée dans plusieurs dimensions. C’est la première fois que conflitsélectoraux éclatent de cette façon. Mais parlons plutôt (car c’est de cela qu’il s’agit, bien que l’habillage qu’ont imprimé des « va-t-en guerre » veuille nous montrer ce qu’ils veulent) de contentieux électoral. je ne peux voir dans ces agissements que de l’injustice. d’abord conformément à leur stratégie d’imposteur, la France et l’Onu principalement ont sorti du chapeau une résolution sur la base d’allégations mensongères. Mon dernier livre porte le titre : «Côte d’Ivoire Quand ces grands pays et l’Onu nous mentent ». Quand cette résolution 1975 adoptée sur des bases fausses a été adoptée, l’imposture et la forfaiture sont encore venues travestir son application. Cela pose de grandes questions sur le droit international que les donneurs de leçons – sur ceci ou sur cela – nous brandissent. en fait, l’Onu et son droit international sont un écran, un masque. C’est ce masque que les ivoiriens avec à leur tête le leader laurent
Gbagbo ont enlevé. Au total, pour répondre directement à votre question. j’ai eu très mal. Pendant trois jours, j’ai u mes intestins noués. Mais je n’ai pas été surpris qu’on en arrive là, lorsque j’ai suivi la gradation des évènements. C’est à nous aujourd’hui d’en tirer toutes les leçons.
On vous a vus sur le plateau de France 24, défendre le Président Gbagbo, à ce moment précis, aviez-vous des raisons de croire que la France et l’Onu seraient capables d’opérer le renversement du Président de la République ?
déjà, je dois dire que le 11 avril 2011 – après l’enlèvement du Président Gbagbo –, en sortant du plateau de la chaîne de télé lci, j’ai failli être lynché par les gardes du corps et autres qui accompagnaient Aly Coulibaly qui devait entrer sur le plateau après nous. C’est grâce à la vigilance des agents de sécurité qui ont été à la hauteur que je n’ai pas subi la brutalité et les violences qui caractérisent les élèves qui bénéficient du coup d’etat de leur
maître de l’elysée. Comme je le disais tantôt, tous les éléments, malgré quelques apparences, étaient réunis pour qu’il en soit ainsi. Car c’est depuis 2001 que la France voulait de la peau de laurent Gbagbo. les autorités françaises ont vu à l’occasion de
“Alassane Ouattara
et tous ses soutiens
agissent toujours
comme des pêcheurs
en eau trouble”.
la crise de 2010/2011 que leurs poulains – les rebelles – n’étaient pas à la hauteur. ils ont tenté beaucoup de hoses en tendant différents pièges dans les coulisses. Puisque ces pièges ne prenaient pas, évidemment, il fallait dans leur logique passer à la vitesse supérieure. Pendant une réunion réunion qui s’est tenue à Bruxelles, le 19 novembre 2010 soit à neuf jours du second tour de l’élection présidentielle en Côte d’ivoire, tout avait été préparé. le dossier tpi pour intimider le « camp Gbagbo » par exemple était scellé. le comment et le pourquoi il
ne fallait pas que ce soit laurent Gbagbo qui sorte vainqueur ; Compaoré et Wade ont été mis à contribution pour faire du lobby dans cette forfaiture. Remarquez bien: avez-vous déjà vu que le procureur de la Cpi a brandi la
menace de poursuivre un des candidats au moment où sont proclamés des résultats d’élections ?
Maintenant que Laurent Gbagbo et ses camarades sont arrêtés, jetés en prison, d’autres en résidences
surveillées ou en exil, quelle image faites-vous désormais de la France et de l’Onu en termes de démocratie ?
depuis que je suis un acteur de la vie associative et politique et cela date quand même depuis année 1989, je ne me suis jamais fait d’illusion sur la politique française en Afrique ou la politique africaine de la France. la démocratie est un terme que les occidentaux instrumentalisent. le problème des grands pays n’est pas qu’il y
ait la démocratie en Afrique. Car la démocratie implique la transparence. Ce n’est pas à leur avantage. ils « prêchent donc le vrai pour faire du faux ». C’est cela la réalité. Quiconque pense que ces pays dominants sont pour le développement des pays africains se leurre. Pour tous ceux qui sont victimes de ces injustices et de
cette imposture à quelque titre que ce soit, nous avons tous mal pour eux. et cela ne peut pas durer puisqu’il n’y a pas de mobiles objectifs qui soutiennent cet état de fait.
Alassane Ouattara, a engagé une campagne de réconciliation nationale ; qu’en pensez-vous ?
déjà pour parler réconciliation, il faut en créer les conditions avec en amont une réelle volonté de réconcilier. Alassane Ouattara et tous ses soutiens agissent toujours comme des pêcheurs en eau trouble. Si l’on en revient au forum de réconciliation nationale qu’avait organisé d’octobre à décembre 2001, on voit bien la différence
entre ceux qui sont réellement pour un apaisement pour diriger le pays vers le recouvrement d’une paix durable et ceux qui encore une fois prêchent le vrai pour faire du faux. Rappelonsnous qu’avant le forum de réconciliation nationale de 2001,Henri Konan Bédié et Alassane dramane Ouattara étaient en exil. les deux s’étaient fait exiler
mutuellement l’un par l’autre.Mais laurent Gbagbo avait accédé à toutes leurs demandes qu’ils avaient posées comme préalable pour venir au forum. Alassane Ouattara ne fait pas de la politique, il fait de la communication
comme son mentor et ami manipulateur et communicateur de l’elysée.
Quel est selon vous, ce jour, la situation de l’Etat de droit en Côte d’Ivoire ?
vous voulez reconnaître avec moi que la Côte d’ivoire n’est plus cet etat de droit qu’il a été. La conférence à Hambourg a été une bonne occasion pour recentrer les choses à leurs places. j’en profite ici pour remercier et féliciter les initiateurs. je pense que la situation qui nous est imposée aujourd’hui aujourd’hui mérite que nous revisitions nos pratiques. je trouve dommage que nombre des nôtres continuent de se comporter comme si rien ne s’était passé. le constat que personne ne peut nier aujourd’hui est que la terre de nos ancêtres est investie comme un no man’s land. des barbaries inqualifiables ont libre cours dans ce pays et ils se trouvent des gens pour accompagner de tels actes. C’est l’Histoire qui nous jugera. il me semble qu’il faille identifier clairement
les enjeux, travailler sur des éléments objectifs en mutualisant
Des barbaries inqualifiables
ont librecours
dans ce pays et ils
se trouvent des gens
pour accompagner
de tels actes”.
nos efforts – du moins – les républicains et les démocrates. Personne ne peut accepter ce qui se passe dans notre pays. Même dans l’exécutif français, beaucoup d’autorités commencent à réaliser qu’il y a une impasse à la place de ce qu’on croyait pouvoir résoudre en enlevant laurent Gbagbo.
Expliquez-moi un peu les objectifs de l’opération « 1 Million de bougies pour la Côte d Ivoire » ; Comment entendez-vous vendre ces Bougies ?
l’idée est d’allumer cette bougie un même jour, à une même heure dans le monde entier. Cela sous entend que dans chaque famille, de tous ceux qui veulent avoir une pensée pour la Côte d’ivoire, ivoiriens ou non-ivoiriens, de quelle que couleur qu’ils soient, chacun doit avoir sa bougie afin de l’allumer à ce moment-là. Cette bougie qui porte l’écriteau «Pensée pour la Côte d’Ivoire » est une initiative que l’association effort Humanitaire. un allumage
solennel devra se faire le 7 août à 18 heures « française ». tous les relais à travers le monde qui peuvent se rendre disponibles pour la vente de ces bougies sont les bienvenus. l’objectif est de lever des fonds pour venir en aide aux orphelins, aux exilés, en un mot à des déshérités induits par cette machine qui appauvrit nos pays en se cachant derrière des valeurs nobles – démocratie, droit humanitaire, aide, … -. en tout état de cause, cette bougie « pensée pour la Côte d’Ivoire » est pour une pensée à l’endroit de toutes les victimes. nous voudrions que tout le monde se rassemble autour de cette idée pour continuer de vendre les bougies qui ont une portée
symbolique. il faut que chacun l’ait chez lui. elles doivent donc être achetées même après le 7 août pour ceux qui n’auront pas pu s’en procurer avant.
Certains patriotes regrettent des mésententes au niveau de la Diaspora, des conflits de personne ommageables à l’ensemble de la lutte ; qu’est-ce qui ne va pas ?
je commencerai par dire que la diaspora fait un grand travail dans la lutte depuis plusieurs années. Il y a les manifestations – qu’il faut par exemple réguler pour qu’elles aient aujourd’hui une réelle portée politique -. il faut l’en féliciter. ensuite, je dirai mais de façon brève une chose et ce pour ne pas gêner ce qui se fait au niveau politique et/ou diplomatique. Par exemple, la proposition de résolution visant à créer une commission d’enquête sur le rôle de la Force licorne en Côte d’ivoire est faite par une de mes connexions. C’est un type de travail
que nous allons poursuivre entre autre. il faut dire tout d’abord qu’il y a un gros problème de formation politique ici et là. notre problème c’est qu’on ne sait pas valoriser l’autre. On ne sait pas reconnaître la place de l’autre et la sienne. Quelle que soit l’éducation, la formation de chacun, je suis porté sur la conviction que nous devons et
pouvons apprendre des uns et des autres. Croire qu’on sait tout et qu’on n’a besoin pas de l’autre est une grave erreur. Beaucoup de ceux qui s’affichent comme leaders refusent d’apprendre et se font passer pour ce qu’ils ne sont pas en réalité. ils sont des chefs ou des présidents – d’associations – et un point c’est tout. Mais il faut dire à ceux qui font le procè de la diaspora – en étant d’accord que cette catégorie des ressortissants ivoiriens devrait vraiment transcender – que le comportement que j’évoque plus haut a été importé de certains leaders
du pays. Au moment où nous luttons contre l’imposture, il me semble que chacun d’entre nous doit faire attention. Une introspection doit se faire au niveau de chacun de nous. Pour être complet, je dois dire que les problèmes existent partout. il n’y a pas que dans la diaspora. Certains de nos aînés transposentmême leurs conflits à l’échelle de la diaspora en commandant des âmes légères à saboter du travail qui pourrait nous servir tous. Il faut effectivement déplorer le comportement de suivisme qui est parfois cultivé ici et là sans réfléchir mais simplement pour le jeu de servir la cause de perturbateurs locaux dont certains sont malheureusement aujourd’hui emprisonnés ou exilés. en clair, devant des élans nostalgiques et la propension à cultiver le moi, il y a un dépassement de soi et du soi que chacun doit faire. La méchanceté a marqué la période de notre passage aux affaires. La solidarité et la transparence n’ont
“On ne se réconcilie pas avec des
personnes qui sont en prison. Il faut donc
qu’à la base, on en vienne à un minimum
de bonne foi et à respecter l’engagement
de respecter les Droits de l’Homme
pas été notre point fort. il faut sans tabou s’en souvenir. et je militerai pour que plus rien ne soit comme avant. A mon avis,nous sommes collectivement en train de comprendre des choses, après cette période où l’absence de repères a meublé l’espace. il y a un adage qui dit que lorsque deux frères se querellent, ils souhaitent qu’il y ait la pluie. Les bruits des toitures pendant la pluie évitent que les voisins entendent la dispute ou ce qui s’est dit endant les engueulades. il faut donc que nous apprenions à laver notre linge sale en famille. les points de ésaccord qu’on peut avoir avec un tel ou un tel autre ne nous autorise pas à étaler des vilénies sur la place
publique au détriment de tous ceux qui cultivent la même obédience. en gros, je ne vois pas de problèmes majeurs. il y a à mon sens de la frilosité – injustifiée – liée à la peur de l’autre. tout ceci génère des nuances ou des différences d’approches qui peuvent être vécues durement ou avec du fair-play suivant le degré de formation
qui motiverait à prendre du recul devant une situation donnée. je pense que notre diversité, avec un minimum de discipline
“Il faut qu’Alassane Ouattara se souvienne que Laurent Gbagbo
ne l’a pas traité comme il le fait aujourd’hui à son endroit”.
devrait enrichir notre « camp » ;et être orientée dans le sens d’un rassemblement et d’un épanouissement
mutuel et collectif. Mais en ayant à l’esprit que l’unité est utile, il faut aussi savoir qu’il y en a qui lutteront contre la formation de cette unité. et eux seuls en connaissent les vraies raisons. l’essentiel est que le maximum de gens soit conscientisé pour être rassemblé. Mais c’est illusoire de croire que nous aurons tout le monde. C’est le ropre même d’une telle phase de l’histoire de tout pays.
Avez-vous été surpris par la démission de Mamadou
Koulibaly du Fpi ?
Surpris ou pas, il faut être lucide devant les différentes péripéties qui vont rythmer la vie politique qui se déroule (ra). Ce que je peux dire, c’est que ce n’était pas souhaitable que le Président Koulibaly parte à ce moment-là.
le champ politique n’étant pas un paysage linéaire, il faut arrêter d’avoir des observations tranchées sur des gens. il faut partir de la trajectoire originelle de Mamadou Koulibaly ; il a fait un certain nombre d’ouvrages. Par exemple,
dans la collection que je dirige «Afrique Liberté », il a publié trois livres. Le leadership et le développement africain » ; « La souveraineté monétaire des Etats africains » et « Eurafrique ou Librafrique L’Onu et les non-dits du pacte colonial ». et puis, il y a eu ses différentes prises de position avant les élections. et nous
avons eu enfin ses prises de position et des actes qu’il a posés dans l’ère que nous vivons. l’un dans l’autre, l’un à côté de l’autre ou l’un avec l’autre, il faut sagement observer pour ne pas insulter l’Histoire. Ce sur quoi il
faut se concentrer, c’est la libération de laurent Gbagbo et de ses co-détenus pour que la Côte d’ivoire s’engage sur la voie de la construction d’une paix durable.
Quel message de réconciliation pourriez-vous lancer au Président Alassane Ouattara ?
déjà, il faut qu’Alassane Ouattara se souvienne que laurent Gbagbo ne l’a pas traité comme il le fait aujourd’hui à son endroit. On ne se réconcilie pas avec des personnes qui sont en prison. il faut donc qu’à la base, on en vienne à un minimum de bonne foi et à respecter l’engagement de respecter les droits de l’Homme. Si on n’est pas sincère avec le peuple de Côte d’ivoire, je crains que toute cette mise en scène ne réussisse pas à abuser des ivoiriens. je voudrais ensuite inviter les ivoiriens à se rendre véritablement compte de ce que le pays vit. C’est un gâchis tout ce que nous vivons. je pense que nous n’avions pas besoin de ça. Comment au 21è siècle des
Africains peuvent encore se laisser manipuler à ce point jusqu’à se tuer entre eux pour avoir le pouvoir que le peuple est le seul à devoir donner ? Après les artifices qui sont cultivés ici et là, nous sommes tenus de revenir à la raison. et nombre de ceux qui sont impliqués dans cette crise se rendront bien compte que les ivoiriens ’accepteront pas que les choses soient ainsi. je voudrais donc inviter chacun à faire en sorte que ce pays sorte de là où il a été plongé par la myopie de quelques irresponsables et la méchanceté des égoïstes. je me limiterai à ces propos. Que la raison prenne le dessus.
Interview réalisée par
Yacouba Gbané
Source URL: https://www.ivoirediaspo.net/arrestation-et-gel-des-avoirs-des-pro-gbagbo-claude-koudou-interpelle-le-regime-ouattara/6305.html/
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