by Le Magazine de la Diaspora Ivoirienne et des Ami(e)s de la Côte d’Ivoire | 23 mai 2011 17 h 18 min
Officiellement, 60 000 hommes sont, grosso modo, considérés comme des « ayants droit », c’est-à-dire ayant un statut militaire ou une légitimité à être récupérés dans la nouvelle armée voulue par Alassane Ouattara. Environ 50 000 appartiennent aux FDS, les ex-Forces de défense et de sécurité (armée proprement dite, gendarmerie, police, anciennement fidèles au président Laurent Gbagbo), et 10 000 font partie des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI), autrement dit les ex-rebelles des Forces nouvelles, fidèles au nouveau chef de l’Etat.
Sur le papier, ces 60 000 hommes sont la matrice de la future armée unifiée qu’Alassane Ouattara appelle de ses vœux. Dans la réalité, le paysage militaire ivoirien est un patchwork inquiétant. Revue de détail.
Le petit noyau ayant bénéficié d’une formation militaire classique est constitué en grande partie de soldats ayant participé au coup d’Etat du 24 décembre 1999, qui avait porté le général Robert Gueï au pouvoir. Courant 2000, ils avaient constitué des groupes qui faisaient la loi à Abidjan sous le nom de « Camorra », « Brigades Rouges » ou « Cosa Nostra ». Une partie d’entre eux a fui la Côte d’Ivoire vers le Burkina Faso ou a été arrêtée, après des accusations de tentative de coup d’Etat contre le général Gueï, en septembre 2000.
La plupart étaient des sous-officiers, par la suite montés en grade à la faveur de la rébellion entamée en 2002. Certains sont devenus les fameux « com’zone » (commandants de zone), véritables chefs de guerre, qui avaient tout pouvoir sur les territoires sous leur compétence, dans la partie nord du pays, sous contrôle des insurgés après le début de la guerre en septembre 2002. « On a assisté à une féodalisation de ce qui allait devenir l’armée de Ouattara, avec des fiefs régionaux organisés sous la direction de chefs qui sont à la fois militaires, entrepreneurs économiques et qui maîtrisent tout ce qui passe dans leur région, en étant parfaitement branchés sur les réseaux économiques modernes à travers le trafic de cacao, de coton, de poudre d’or ou de diamants », explique le sociologue Michel Galy, spécialiste des groupes armés et guérillas en Afrique de l’ouest.
Parmi ces commandants, Cherif Ousmane, qui a mené la bataille d’Abidjan, Issakia Ouattara dit Wattao, Zacharia Koné ou Morou Ouattara, contrôlent actuellement chacun un secteur de la ville d’Abidjan. « Quelques-uns ont de vraies qualités militaires et, pour certains, ont déjà bénéficié d’une formation militaire par les Français », confie un ancien des services de renseignements français.
Le problème, souligne l’expert en sécurité que nous avons interrogé, c’est qu’« on a aussi assisté à une prolifération de petits chefs de guerre enrichis. Pas mal de capitaines des FRCI ont plusieurs gros véhicules et leurs gardes du corps ». Beaucoup de combattants des ex-Forces nouvelles n’ont par ailleurs aucune expérience d’une véritable hiérarchie militaire et sont pour partie illettrés. Difficile dans ce contexte de les faire rentrer dans le rang et cohabiter avec les soldats des Forces de défense et de sécurité.
Autre écueil de taille : de nombreux civils, souvent des militants du RDR (parti d’Alassane Ouattara), dont le nombre est difficile à déterminer avec précision, ont été armés pour mener l’offensive vers Abidjan. Autant d’hommes, parfois très jeunes, qu’il va falloir désarmer.
Parmi ces 50 000 hommes, deux unités sortent du lot :
Le Cecos (Centre de commandement des opérations de sécurité), unité d’élite d’environ 1000 hommes regroupant des gendarmes et des policiers, dirigée par le général Guiai Bi Poin. Le Cecos a joué un rôle clé après le second tour de la présidentielle du 28 novembre 2010, menant notamment les opérations contre les insurgés pro-Ouattara à Abidjan, en particulier dans le quartier d’Abobo. Le Cecos est accusé par le gouvernement du nouveau président ivoiren et l’ONU d’avoir commis exactions et meurtres (ce qui est aussi le cas des insurgés pro-Ouattara, selon Amnesty international).
La Garde républicaine, garde présidentielle obéissant au seul président de la République du temps de Laurent Gbagbo, dirigée par le général Dogbo Blé, aujourd’hui détenu dans le nord de la Côte d’Ivoire. La « GR », composée d’environ 1200 hommes bien équipés, a mené jusqu’au bout la résistance autour de la résidence du président déchu.
Immédiatement après la chute de Laurent Gbagbo, la plupart des généraux (dont le chefd’état-major des armées, le général Mangou, le colonel-major Kassaraté, patron de la gendarmerie, et le patron du CECOS) ont fait allégeance à Alassane Ouattara, hormis le général Dogbo Blé qui s’est rendu et a donc été arrêté.
Mais de nombreux membres des FDS, manquent aujourd’hui à l’appel. « Parmi les gendarmes, beaucoup ne veulent pas rejoindre Alassane Ouattara car ils ont peur, certains ont déchiré leurs papiers, affirme Michel Galy. Il y aussi des policiers qui se cachent, idem pour les FDS, dont beaucoup ne sont pas prêts à rejoindre les FRCI. » Une situation que confirment des témoignages recueillis par la rédaction Internet de RFI. Leur nombre reste cependant indéterminé.
Le 8 mai 2011, l’opération d’identification des militaires des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) a démarré, à l’initiative du président Ouattara. Elle doit se prolonger jusqu’à la fin du mois de mai à Abidjan, puis concernera l’intérieur du pays. A ce propos, dès la fin du mois d’avril dernier, le porte-parole du gouvernement, Patrick Achi, avait prévenu que les éléments de l’armée, de la police et de la gendarmerie qui ne rejoindraient pas leurs bases seraient radiés des effectifs. C’est sans doute, en partie au moins, pour l’aider à mener cette tâche à bien qu’Alassane Ouattara a décidé de reconduire, Guillaume Soro, ex-chef politique des Forces nouvelles, au poste de Premier ministre et ministre de la Défense.
Restent enfin les nombreux miliciens armés par l’ancien pouvoir, après 2002 puis au début de l’avancée des FRCI en 2011, qui devront être désarmés.
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