by Le Magazine de la Diaspora Ivoirienne et des Ami(e)s de la Côte d’Ivoire | 27 décembre 2010 4 h 17 min
Ancien officier de renseignements et ex-cadre de la Direction du renseignement militaire, Vladimir Tozzi suit de près la situation en Côte d’Ivoire. Travaillant actuellement avec l’Institut de prospective africaine que dirige Philippe Evanno, chercheur à la Sorbonne, il estime qu’une solution pacifique peut encore émerger. À la condition que les Ivoiriens retournent aux urnes… Interview.
Pourquoi vous intéressez-vous spécialement à la situation en Côte d’Ivoire ?
J’ai connu la Côte d’Ivoire dans une fonction officielle, cette pratique se doublant d’une expérience concrète de conception et de conduite d’opérations sur le terrain, liée à du renseignement sans lequel rien ne peut se faire. Je suis également en contact avec de nombreux acteurs présents en Côte d’Ivoire. Ils me permettent de disposer en temps réel d’une vision globale et, je l’espère, pertinente de la situation.
Quels sont les éléments les plus inquiétants à vos yeux ?
Je suis frappé par la contradiction entre la réalité sur le terrain et la perception qu’on en a à l’extérieur.
Mon souci n’est pas de prendre parti, mais la communauté internationale défend bec et ongles Alassane Ouattara qui, sur le terrain, a perdu la partie. Que cette situation soit morale ou pas n’est pas la question : si on ne prend pas en considération cette réalité, on emprunte une voie sans issue. La journée de jeudi a été symptomatique. À rebours de ce qu’on a souvent pu lire, la situation a été plutôt calme à Abidjan. Il y a eu certes des affrontements localisés, mais très peu de manifestants, avec des affrontements pour l’essentiel circonscrits autour de l’Hôtel du Golf. Il reste à vérifier si des morts n’ont pas été provoquées par des tirs fratricides entre militants de l’Alliance du Nord.
Les témoignages des journalistes et des diplomates présents sur place ne vont pas dans ce sens…
À mes yeux, la bataille de la rue engagée par Alassane Ouattara et Guillaume Soro (ex-Premier ministre de Laurent Gbagbo rallié à Ouattara, Ndlr) est perdue. Cette journée de vendredi s’est déroulée sans manifestation. J’en tire pour conclusion que la situation est sinon calme, du moins sous contrôle. On peut ajouter qu’un débat semble se développer en ce moment autour de l’écart entre le taux de participation constaté dimanche soir à la fermeture des bureaux de vote et celui qui apparaît lors de la proclamation des résultats jeudi 2 décembre. Les anomalies sont manifestes.
Quel bilan tirez-vous de ces deux journées ?
Au moins temporairement, Laurent Gbagbo en sort vainqueur, même si les représentants de la communauté internationale ne veulent pas en tenir compte. Il est plus urgent que jamais que le Conseil de sécurité de l’Onu se saisisse de cette situation qui a surpris tout le monde, puisque le processus électoral n’a pas fonctionné. Du coup, chacun choisit la position la pire, en se rigidifiant, donc en risquant le recours à la violence.
Pourquoi dites-vous que le processus électoral n’a pas fonctionné ? La Côte d’Ivoire n’a-t-elle pas élu un nouveau président, Alassane Ouattara?
De fait, on se retrouve avec deux prétentions à la victoire. La première, celle de Laurent Gbagbo, est légale, et la seconde, celle d’Alassane Ouattara, est légitime, puisqu’elle est soutenue par la communauté internationale. Aujourd’hui, trois voies sont ouvertes. La première est celle du blocage qui déboucherait sur la violence de rue, inacceptable et qu’il convient de rejeter. La deuxième voie laisserait les pays étrangers (États-Unis, France, Russie, Chine, Libye, Afrique du Sud, etc.) intervenir sur ce dossier et aboutir à un point d’équilibre ménageant leurs intérêts économiques. Enfin, une troisième voie se présente, que je préconise : il faut rappeler les électeurs et recommencer le second tour de la présidentielle, qui a posé un problème. Mais cette fois dans des conditions telles que les erreurs ne se reproduisent pas. La communauté internationale doit absolument reprendre la main et aider à sortir de cette situation.
Pourquoi la Côte d’Ivoire représente-t-elle un tel enjeu?
Alors que les économies du Nord stagnent, l’Afrique est une formidable zone de croissance potentielle. La situation dans ce pays n’est pas un problème ivoiro-ivoirien, c’est celui de la sous-région, et celui de toute l’Afrique « utile ». Il convient de regarder les effets à long terme de cette situation, donc en sortir par le haut. Un nouveau second tour serait une bonne solution, pacifique et réaliste. Ça peut heurter aujourd’hui, mais dans un mois, ça choquera moins !
Vous avez été militaire et officier de renseignements. Quel est votre avis sur le rôle que devraient ou que pourraient jouer les forces françaises de l’Opération Licorne, dans ce processus que vous appelez de vos vœux ?
Vous comprenez bien que ma situation d’ancien officier français m’interdit de répondre à cette question !
In Le Point
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