Accusées de massacres massifs par des organisations internationales impartiales (le CICR et Amnesty International notamment), les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI), constituées majoritairement par les rebelles qui occupent la moitié nord du pays depuis plus de huit ans, ont été armées par l’Etat français. C’est en tout cas ce que révèle Le Canard Enchaîné, hebdomadaire satirique et d’investigation français, dans sa parution de ce mercredi 6 avril. Extraits.
“Selon plusieurs témoignages d’officiers supérieurs au “Canard”, la France a appuyé la conquête du sud du pays par les forces de Ouattara. L’un d’eux, proche de l’Elysée, se félicite de “notre efficacité dans l’organisation de la descente sur Abidjan.” (…) Un autre galonné, membre des services de renseignements, confie : “On a fourni des conseils tactiques aux FRCI”, mais aussi “des munitions et des Famas (fusils d’assaut). De son côté, le contingent militaire français est porté, le 4 avril, à 1 700 hommes. Les 900 hommes du dispositif permanent Licorne ont été notamment renforcés par des Rambo de la Direction des opérations (ex-Service action) de la DGSE et des Forces spéciales.
Quelques-uns, parmi ces derniers, se sont retrouvés en contact direct avec l’entourage de Ouattara. A 19h30, quatre hélicos PUMA, soutenus par des MI 24 de l’ONUCI, commencent leur pilonnage, frappant au passage des objectifs aussi stratégiques que le CHU et un supermarché du quartier de Cocody. Pour la seconde fois en sept ans, “l’ancienne puissance coloniale” bombardait des soldats et des populations ivoiriennes.
Cet héroïque canardage, qui, selon l’Elysée, laissait entrevoir une reddition rapide de Gbagbo, risque pourtant de laisser des traces profondes. Et une situation difficilement gérable à Abidjan. D’abord parce que Ouattara pourrait pâtir, dans cette ville majoritairmeent acquise à Gbagbo, de son image de protégé de la France et des pays riches. L’armement de ses troupes, son équipement tout neuf ont suscité l’étonnement des Ivoiriens. Si l’aide du Burkina et du Nigeria est reconnue, d’autres pistes de financement apparaissent. Selon des témoignages et des documents obtenus par “Le Canard”, des proches de Ouattara ont monnayé, en 2009 et 2010, d’importantes quantités d’or extraites des mines du Nord. Plusieurs tonnes ont été acheminées au Ghana voisin sous couvert de véhicules de… l’ONU. Puis envoyées, par petites quantités, à Anvers (Belgique) pour y être transformées. A l’état de poudre, cet or a été négocié à plus de 15 000 euros le kilo.
L’image du camp Ouattara – présenté par certains comme “l’axe du bien” – restera également entachée par les massacres commis ces derniers jours. A Duékoué, par exemple, plusieurs centaines de morts seraient, selon l’ONU et diverses organisations internationales, surtout imputables aux FRCI, les forces de Gbagbo se voyant aussi accusées d’atrocités.
En contact téléphonique permanent avec Ouattara, Sarkozy, qui prétendait le soutenir au nom de la protection des civils, devra ramer dur pour faire oublier les exploits de certains de ses chefs de guerre. Et pour transformer cette intrusion meurtrière en victoire de la démocratie.”
Que retenir de cet article bien informé ? Premièrement, que la France a violé le cessez-le-feu au nom duquel Ban Ki Moon réunissait d’urgence le Conseil de sécurité il y a quelques semaines, affirmant sans preuves que la Biélorussie avait vendu des hélicoptères de guerre à Laurent Gbagbo. Deuxièmement, que, comme au Rwanda en 1994, la France officielle a entraîné et équipé des tueurs. Comme au Rwanda, elle est coresponsable des massacres.