by Le Magazine de la Diaspora Ivoirienne et des Ami(e)s de la Côte d’Ivoire | 14 mars 2012 11 h 08 min
Conséquence de son incompétence ou formidable aveu lâché sous le coup d’une argumentation passionnée ? En tout cas, Susan Rice, ambassadrice des Etats-Unis aux Nations unies, en première ligne dans le dossier ivoirien, a prononcé des propos assez troublants sur la nature de la crise postélectorale ivoirienne. C’était le 8 mars dernier, à l’occasion d’une interview sur le plateau de la chaîne américaine MSNBC. Elle s’expliquait sur l’incapacité des Occidentaux à obtenir une résolution onusienne pour accentuer la pression sur la Syrie, ou plus clairement pour renverser Bachar El Assad. Critiquant vertement la position de Moscou et de Pékin, elle a dit : «La Russie et la Chine voient d’un mauvais œil la propension de plus en plus poussée de la Communauté internationale à intervenir dans les pays. La Russie plus particulièrement s’oppose à toutes démarches venant de l’extérieur tendant à orchestrer un changement de régime. Ils considèrent que c’est une immixtion dans les affaires intérieures de ces Etats. Et ils vont jusqu’à retourner en arrière en parlant même de la Côte d’Ivoire, alors que le cas de la Côte d’Ivoire est totalement différent. Dans le cas de la Côte d’Ivoire, le peuple avait élu effectivement un Président mais l’ONU s’est impliquée et a vu que ces élections ne s’étaient pas passées dans des conditions convenables et que les votes étaient manipulés et donc a décidé de s’impliquer afin d’installer la personne appropriée. Et cela a été fait à l’aide de moyens militaires.»
Ces propos particulièrement ambigus peuvent laisser penser que Gbagbo a été élu et que l’ONU a contesté ces résultats pour installer Alassane Ouattara. Français et Américains ont pourtant affirmé pendant longtemps que c’est Gbagbo qui s’est opposé aux résultats des élections, et non l’ONU ! Visiblement, Susan Rice, qui passe du traitement d’un conflit à un autre, ne maîtrise pas bien les fiches que lui concoctent ses services. La confusion dans laquelle Susan Rice est plongée quand elle évoque le dossier ivoirien milite a posteriori en faveur du recomptage des voix par une Commission composée notamment des différents membres du Conseil de sécurité, Russie y compris. Ce recomptage aurait mis tout le monde d’accord.
De plus, les propos de l’ambassadrice américaine trahissent une réalité. Près d’un an après le renversement du président Laurent Gbagbo camouflée derrière une résolution 1975 violée sans scrupules par les Occidentaux, les Russes n’ont toujours pas digéré de s’être fait «avoir» sur le dossier ivoirien. Et continuent de reprocher très clairement à la France et aux Etats-Unis leur comportement. Pareil à propos de la Libye. C’est au nom de ces précédents fâcheux que Moscou ne veut plus faire le moindre compromis sur la Syrie, alors que les Occidentaux présentent leur résolution sur ce pays comme un simple texte de condamnation sans volonté d’intervention. Ne dit-on pas que chat échaudé craint l’eau froide ?
Philippe Brou
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