by Le Magazine de la Diaspora Ivoirienne et des Ami(e)s de la Côte d’Ivoire | 23 janvier 2018 0 h 06 min
Interrogé par la radio française RFI sur le malaise actuel du football ivoirien, Didier Drogba n’est pas passé par quatre chemins pour dire ce qu’il pense de la gestion actuelle de ce sport et de la responsabilité collective de toutes les parties prenantes pour la chute libre de ce sport-roi en Côte d’Ivoire. Pour l’ex-capitaine des Eléphants « Il faut redonner goût aux Ivoiriens pour retrouver les stades. La Fédération doit tirer un bilan de cet échec. Il faut revoir toute la stratégie du football ivoirien. »
Ci-dessous L’interview intégrale de RFI:
Qu’est ce que vous devenez ?
Je suis un gamin devant un ballon de football, devant un stade. C’est la passion qui me guide. Le corps va bien et forcement c’est plus facile de continuer l’aventure. Je me sens comme un privilégié, car à bientôt 40 ans, je continue à prendre plaisir à jouer. Et dans le même temps je prépare ma reconversion, en apprenant l’administration parce que je suis copropriétaire du club dans lequel j’évolue (Ndlr : Phénix Arizona en deuxième division aux USA). J’espère que cette expérience sera aussi excitante que la carrière de footballeur.
Votre objectif est de faire monter le Phénix Rising en MLS. En combien compter-vous réalisez cette ascension ?
On espère jusqu’en 2021 avoir la licence MLS. C’est un tout petit club qui n’a qu’un an d’existence. C’est vrai que ça sera compliqué parce qu’il y a plusieurs clubs en attente. Mais nous avons un dossier solide. On espère finaliser tout cela.
Finalement, est ce que vous compter tourner le dos à ce monde du football ?
Je ne compte pas quitter le football. Je quitterai peut-être la pelouse mais le football m’a tant donné que je ne peux pas le quitter. Ça va être compliqué de faire un jubilé vu que les clubs que j’ai fait.
Au moment où José Mourinho était à Chelsea, il y a une rumeur qui vous y amenait comme encadreur. Est-ce que cela fait partir toujours de vos projets ?
Chelsea est toujours dans mon cœur, n’en déplaise à quelques clubs où je suis passé. Chelsea, c’est la maison, j’ai de très bonnes relations avec le président Roman Abramovitch, j’ai remporté mes plus beaux trophées là bas. Je pense que les plus belles heures de ma carrière, c’est sous le maillot des Blues. Le statut d’ambassadeur du club, je pense que je l’ai à vie et si l’opportunité se présente, on verra.
Qu’est ce que vous pouvez nous dire sur votre implication dans la gestion du WAC qui évolue en Ligue 1 de Côte d’Ivoire ?
Tout est parti de ma volonté de m’impliquer dans le football ivoirien, et dans le football Africain en général. Je ne me vois pas tourner le dos au football ivoirien. C’était donc important pour moi d’intégrer la famille du football ivoirien. Essayer de contribuer au développement du championnat ivoirien.
Que pensez-vous de cette équipe qui va participer pour la première fois à la Caf Ligue des Champions ?
Je suis vraiment très fier de ces joueurs là. Cela fait trois années qu’ils surprennent. On les attend, on les sous-estime. Mais par leur qualité de jeu et de leur état d’esprit, ils fournissent un football de qualité. Et c’est l’attraction du championnat. Et ils ont fait tomber plusieurs grosses équipes de Côte d’Ivoire.
Qu’est ce que vous avez ressenti de savoir que la Côte d’Ivoire ne serait pas à la Coupe du Monde 2018 en Russie. Cela vous-a-t-il surpris où vous avez trouvé cela logique au vu des précédents résultats immédiats ?
Je suis énormément triste pour les joueurs de devoir dire cela. Mais louper une coupe du monde pour les joueurs de ce talent et de cet âge là, c’est passer à coté de quelque chose de grand, dans leur progression. En tant que joueurs, mais en tant qu’homme aussi. Mais, c’est une suite logique (ndlr l’élimination au premier tour de la CAN 2017 au Gabon). C’est un résultat final qui ne m’a pas surpris.
On parle d’une transition générationnelle mal faite. Est-ce que c’est votre avis ?
Tout dépend de comment s’est fait la transition. La vision de la Fédération de faire une transition, d’accord. Mais une transition, ça se fait en douceur. A Chelsea on a assisté à une transition depuis 2012. Et la fin de cette transition s’est effectuée avec le départ de John Terry la saison dernière. Ça a pris quand même 5 ans. Une transition, ce n’est pas du jour au lendemain. On enlève un tel et un tel et puis on prend tous les jeunes et on repart. Ces jeunes là ont besoin d’être guidés. Nous avons été guidés quand on est arrivé en équipe nationale. Il y avait les Kalou Bonaventure, Cyril Domoraud, Dié Serge…Ils étaient là pour nous guider. C’est cela. C’est grâce à eux que nous nous sommes qualifiés pour la Coupe du Monde 2006. Grâce à leur expérience et leurs échecs précédents aussi.
A vous écouter ce n’est pas que sportif ?
La transition n’est pas que sportive malheureusement… L’élimination des Eléphants n’est pas que sportif. Et on le paie. Sur le papier, on avait les joueurs pour se qualifier. Mais ce n’est pas possible de mettre de jeunes joueurs comme ça dans un match à pression comme on a pu le vivre face au Cameroun au stade Félix Houphouët-Boigny lors des éliminatoires de la Coupe du Monde 2006. Nous avions certes la fougue avec les Aruna Dindane et autres, mais on avait aussi toute l’expérience de joueurs comme ceux que j’ai cités plus haut, pour nous recadrer un tout petit peu. Mais là, on ne peut pas laisser des jeunes joueurs comme ceux que j’ai au téléphone et qui ne savent pas comment aborder de tels matches et auxquels on essayait de donner quelques conseils. Mais on aurait voulu être à leurs côtés, et ne pas les abandonner comme ça. Parce que pour moi c’est de l’abandon.
Alors abandonnés par qui ? Les dirigeants de la FIF ? Ou Marc Wilmots qui a été mal choisi ?
Je ne suis pas là pour pointer du doigt. Beaucoup l’on fait, et beaucoup le font. Ils pointent du doigt le coach, la Fédération. Même s’ils ont leur part de responsabilité, il ne faut pas le nier. La Fédération a une grosse part de responsabilité ; Le coach a aussi sa part de responsabilité. Il a été choisi, pas par rapport à sa candidature ; il a été imposé. A partir de là, il faut prendre ses responsabilités et je crois qu’il l’a fait. Aujourd’hui, il faut essayer de rassembler dans le football ivoirien. Nous avons un football local où les stades sont vides. Ça manque de passion. Et c’est l’une des raisons pour lesquelles je me suis impliqué. Parce qu’il faut donner de l’engouement à la scène locale. On parle des binationaux, mais les joueurs comme Yaya Touré, Kolo Touré, Zokora Didier… Ils ont été formés en Côte d’Ivoire. Ils ont animé le football local avant d’exploser en international. Il nous faut investir dans la formation des joueurs sur le plan local.
…
Il faut redonner goût aux Ivoiriens pour retrouver les stades. La Fédération doit tirer un bilan de cet échec. Il faut revoir toute la stratégie du football ivoirien. Il faut donc des états généraux. Et tous les acteurs doivent être impliqués. Je m’impliquerais avec plaisir et beaucoup de détermination. Car il s’agit de mon pays, de l’avenir du football, de l’héritage que nous avons laissé. Pendant ces 10 à 15 dernières années on a réussi à mettre le football ivoirien à un niveau où il n’a jamais été. Repartir à zéro comme maintenant c’est triste à voir. Longtemps, on s’est mis de côté pour observer ce qui se faisait. Même si ça se faisait mal. La victoire à la CAN 2015 n’a fait que masquer beaucoup de carences. Mais c’est grâce à la présence des joueurs comme Yaya, Kolo, Chico Copa Barry qui ont été rappelés. Une fois que ces joueurs là se sont retirés, nous avons vu les carences. A un moment donné, il faut qu’on revienne, qu’on s’implique, nous avons notre mots à dire, parce qu’on a porté cette équipe là au plus haut.
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