by Le Magazine de la Diaspora Ivoirienne et des Ami(e)s de la Côte d’Ivoire | 14 août 2019 16 h 16 min
Le Général Gaston Ouassénan Koné, Coordonnateur des vice-présidents du Pdci-Rdaa rencontré cette semaine le Mouvement des cadres et entrepreneurs engagés pour le Pdci-Rda (Mcee). L’esprit de la rencontre était d’expliquer la position du PDCI-RDA sur la chasse aux sorcières faite par le gouvernement ivoirien aux cadres et entrepreneurs proches du président Bédié et de calmer les peurs qui peuvent en résulter. Pour ce faire le Général Gaston Ouassénan Koné a mis l’accent sur la valeur de la conviction politique et des idéaux du parti dans lequel l’on est engagé. Pour donner force à sa parole, il s’est ouvert aux questions de ses hôtes, sans tabous et blocages. Ci-dessous la transcription de l’entrevue :
Pourquoi vous n’êtes pas parti au Rhdp, comme bien d’autres cadres du Pdci-Rda ?
Vous savez, je ne me vois pas personnellement en train de quitter le Pdci pour un quelconque autre parti. Qu’est-ce qu’il va m’apprendre ? Qu’est-ce qu’il va m’apporter ? Et puis quand on a été le disciple d’un homme comme le président Houphouët Boigny, il faut rester fidèle à son enseignement. Il faut rester fidèle à ses convictions, il faut rester fidèle à sa ligne politique et c’est ce que je fais et c’est ce que je ferai toujours. Je l’ai même dit à beaucoup de personnes. Ce que nous n’avons pas été sous le président Houphouët, ce n’est pas maintenant qu’on le sera. Et puis, vous-mêmes, vous êtes d’accord avec moi qu’être collaborateur du président Houphouët, c’est quelque chose qui n’arrive pas à tout le monde. Alors, je vous dis, pour rien au monde, je ne quitterai le Pdci pour un autre parti politique.
Aujourd’hui, le président Bédié est attaqué de toutes parts parce qu’il a parlé d’orpaillage clandestin et de fraude sur la nationalité. Quelle est votre position face à cette situation ?
Moi, quand j’étais le Commandant supérieur de la gendarmerie, j’étais pratiquement le responsable de la lutte contre l’exploitation clandestine du diamant. Moi, je suis un militaire, je ne suis pas allé de main morte. Ceux qui étaient dans la zone là-bas, on les a chassés et pour de bon. Est-ce que vous en entendez parler actuellement ? Mais, il y a encore du diamant là-bas. Mais depuis, les gens n’y vont plus. Donc, il y a eu des dispositions qui ont été prises et on a chassé les gens de cette zone. Nous ne pouvons pas accepter que des gens viennent d’ailleurs pour venir piller nos richesses. Ce n’est pas de la xénophobie. Vous, si vous allez faire de l’exploitation dans leur pays, vont-ils accepter ? Non. C’est une réalité. Alors quand les gens disent que Bédié fait preuve de xénophobie, je dis non. Il y a l’intérêt de notre pays à défendre. Je pense que cet intérêt-là se présente. Au contraire, nous devons nous serrer les coudes pour le défendre. Alors pour moi, il ne doit pas y avoir d’orpailleurs sur toute l’étendue du territoire national. Celui qui veut faire de l’orpaillage, eh bien, il doit faire une demande régulière. L’État lui donne une autorisation d’exploitation et puis, voilà. Mais n’importe qui ne peut pas se lever comme ça pour venir faire ce qu’il veut dans notre pays tout de même. Voilà ma position.
Partout où vous avez servi, il y a eu des solutions durables aux problèmes vécus. On se souvient de vos « opérations coups de poing », avec vous-même sur le terrain. Ces opérations ont contribué à assagir la population à l’époque Mais, après l’on vous met à l’écart. Alors que vous êtes une grande valeur en Côte d’Ivoire. Vous êtes même un écrivain, beaucoup ne le savent pas… ?
J’ai écrit quatre livres. C’est l’accomplissement d’une mission. Lorsqu’on vous confie une mission, vous l’accomplissez. Quand la mission est terminée, vous rentrez dans les rangs. C’est cela et moi, ma formation militaire fait que quand j’ai accompli ma mission, je n’attends pas de compliments ou de récompenses et autres. C’est cette formation que nous avons. Donc, quand un problème se pose et qu’on s’adresse à moi, je fais ce que je dois faire. Je vais vous surprendre. Lorsque la rébellion a éclaté en Côte d’Ivoire en 2002, permettez que je ne cite pas de nom, mais il y a des personnes qui sont allées voir le président Gbagbo. Et, ils lui ont dit : cette rébellion-là, il faut appeler le Général Ouassénan comme ministre de la Défense et il va nous mater cette rébellion et on ne va plus en parler. Alors Gbagbo a répondu : bon, je vais voir ça. Merci de votre sollicitude, je vais voir ça. Et la personne est partie. Une autre qui est venue le voir après s’est entendu dire par Gbagbo : vous savez ce que telle personne est venue me dire ? Elle dit d’appeler Ouassénan. Je sais qu’il est capable de mettre de l’ordre, mais s’il met de l’ordre et qu’il ne veut plus me donner mon fauteuil, je fais quoi ? Il a sa part de raison, d’ailleurs, il ne s’en cachait pas, puisqu’à plusieurs reprises, les gens ont demandé que je sois ministre de la Défense avec lui. Même la communauté internationale l’avait souhaité, mais il n’a pas voulu. Bien plus tard, la même communauté internationale a souhaité que je sois le Premier ministre pour mettre de l’ordre. Il a dit publiquement à la télévision, parmi vous beaucoup ont suivi que : moi, d’appeler, lui, le général Ouassénan comme Premier ministre ? Il faut être fou pour voir la mort venir et aller l’embrasser. Ça c’est l’expression de Gbagbo ça. Qu’est-ce que vous voulez, je fais mon travail, si cela effraie d’autres personnes, qu’est-ce que je peux faire? Rien.
Pourquoi au Pdci, la promotion des jeunes ne se fait pas couramment ? Est-ce qu’en 2020, quand on aura le pouvoir, cette façon de faire les choses va changer ?
Je vais vous surprendre. Quels sont les postes au Pdci auxquels n’ont jamais participé les jeunes. Au niveau du Bureau politique, n’y a-t-il pas de jeunes ? Vous avez beaucoup de jeunes qui sont membres de cette instance. Quand vous dites qu’on ne donne les postes qu’aux vieux, parfois, c’est une vue de l’esprit. Lorsqu’en 2000, le président Gbagbo a proposé son gouvernement d’ouverture, quels sont les anciens qui ont été proposés pour occuper des postes de ministres ? Il y en a pas, c’est vous les jeunes. Ce sont vos ainés, mais ils étaient jeunes et certains étaient plus jeunes que vous. Les Adjoumani, les Allah Kouadio, les Ahoussou Jeannot, les Achi Patrick, c’était des jeunes. Ce sont eux qu’on a proposés. Et si vous prenez la députation, quand le Pdci décide, souvent, on choisit des jeunes parce qu’on sait qu’intellectuellement, ils sont valables. Mais vous les jeunes, vous vous êtes mis en tête que les vieux ne veulent pas partir. Moi-même qui vous parle, j’étais le député de Katiola. Mais qu’est-ce que j’ai fait ? En 2016, j’ai dit non, il faut que je cède la place à plus jeune que moi et mieux, j’ai dit qu’on parle de la promotion de la femme, de l’égalité de l’homme et de la femme. Non seulement, j’ai choisi un jeune, mais j’ai choisi une jeune dame pour qu’elle me remplace…Si vous avez remarqué à chaque congrès, le président de la jeunesse du Pdci est toujours coopté au Bureau politique. Prenez tous les anciens, à commencer par les Djédjé Mady, les Guikahué, c’était les jeunes de l’époque. Mais, on les a pris au fur et à mesure et aujourd’hui, qui sont ceux qui dirigent le parti ? Ce sont les jeunes. Mais au Pdci, c’est resté dans la mentalité des gens : ah oui au Pdci, on ne fait pas la promotion des jeunes. Mais KKB, il est membre du Bureau politique comme moi. Mais KKB, il avait quel âge quand il est devenu membre du Bureau politique ? Koné Mahamadou et d’autres, ils y sont rentrés très jeunes. Même sous le président Houphouët, quand il avait mis en place, le Comité exécutif, après le secrétariat général et puis le secrétariat général est revenu. Et maintenant le secrétariat exécutif. Dans le secrétariat exécutif, montrez-moi les gens de notre âge. Y a-t-il des gens qui ont plus de 60 ans ? Non, c’est vous les jeunes. Mais quand il y a une manifestation et que vous voyez quelques vieux, vous dites : ah au Pdci, il n’y a que des vieux. Au secrétariat exécutif, il n’y a que des jeunes. A moins que vous vouliez qu’on aille les prendre au berceau.
Par rapport à ce que le Pdci vit en ce moment, que doit-on puiser d’Houphouët Boigny pour faire face à l’adversité ?
Justement quels sont ceux qui font la politique ? Ce sont les êtres humains. Avez-vous déjà vu des animaux faire la politique ? Non, ce sont les êtres humains qui font la politique. Et l’être humain est souvent préoccupé par ses intérêts personnels. Et ça vous ne pouvez rien. Dans sa lutte, le président Houphouët avait des adversaires qui étaient proches de lui au départ. Mais qu’on a réussi à lui retirer pratiquement et à les mettre contre lui. Les gens voient d’abord leurs propres intérêts. Alors, la personne dit : pourquoi pas moi et un autre ? A partir du moment où les gens se mettent dans cette optique-là. Les colons ont su exploiter cela. C’est comme ça que des gens qui devaient être de grands militants du Pdci ont tourné le dos au président, parce qu’ils ne voyaient pas leurs intérêts. Nous sommes obligés de faire avec. Ou bien, vous êtes convaincu que votre position est la bonne et vous devez continuer dans ce sens ou vous n’êtes pas convaincu et vous êtes intéressé par ce qui se passe dans votre poche et autre et alors, vous vous trouvez en face des situations que nous connaissons. Mais ce n’est pas propre à notre camp et à notre période. Toutes les époques ont vécu cela. Donc, prenez courage et quand vous voyez des camarades ou des personnes qui vous semblent trop intéressés, vous leur dites : ce n’est pas seulement l’intérêt qui compte dans la vie, il y a un problème de dignité, parfois un problème d’honneur. Si demain, vous apprenez que le général Ouassénan a quitté le Pdci, vous allez vous demander : mais pourquoi, qu’est-ce qu’il va chercher encore ? Il y a un stade auquel quand on arrive, on n’a rien à chercher, on n’a rien à vouloir. Il faut savoir rester digne.
Par Serge Atteby
Propos recueillis par DIARRASSOUBA SORY
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