by Le Magazine de la Diaspora Ivoirienne et des Ami(e)s de la Côte d’Ivoire | 26 novembre 2011 15 h 52 min
Avant la guerre postélectorale, son arrestation et sa réclusion à Korhogo, l’épouse du président Gbagbo et députée d’Abobo a préfacé un essai de Lazare Koffi, qui retourne “aux origines de la guerre du Sanwi”, qu’il situe entre 1843 et 1940. Nous publions l’intégralité du texte d’introduction qu’elle a offert à l’auteur, et qui n’a rien perdu de son actualité.
Y a-t-il un intérêt certain pour les peuples d’aujourd’hui et les générations de demain à se pencher sérieusement sur le passé colonial de l’Afrique ? Ce passé n’est-il pas dépassé dans la mesure où la plupart de nos pays ont acquis leurs indépendances depuis plus d’un demi-siècle et, de ce fait, gèrent leurs propres affaires en toute souveraineté ? En outre, les défis actuels à relever sont tellement immenses et urgents qu’il peut paraître absurde de consacrer du temps et de l’énergie à pérorer sur ce qui fut in illo tempore. En effet, au regard des impératifs du moment comme l’enracinement de la démocratie dans nos mœurs, la stabilité politique et l’unité nationale, la sécurité et la paix, l’éducation et l’emploi des jeunes, l’intégration économique et «la mondialisation, la santé et l’environnement, l’immigration vers l’Occident et la pauvreté, le sida et les grandes pandémies, etc., est-il légitime de revenir sur notre passé lointain ou proche ? Il
va sans dire que les exigences de l’actualité et les priorités du jour nous font obligation de travailler farouchement à l’équipement de nos pays, à leur développement socio-économique, à leur modernisation, à leur démocratisation, à leur cohésion interne par la construction de véritables consciences nationales. Pour ce faire, il y a lieu de nous focaliser sur le présent et le futur surtout que les temps anciens ont été pour nous des temps de douleur et d’humiliation.
Dans une telle vision, notre temps et nos talents doivent servir à rattraper le retard qui est le nôtre face aux peuples de l’Occident qui nous ont dominés et qui continuent de dicter leurs lois à toute l’humanité. Mais alors, comment réussir véritablement à prendre nos destins en main et à réaliser une réelle émancipation de nos peuples sans être toujours à la traîne ?
Autrement dit, comment transformer notre présent et notre avenir en des espaces de pleine réalisation de soi en toute dignité et liberté alors que notre histoire jusque-là n’a été que le déploiement sinistre de sujétion et d’asservissement?
La réponse de Lazare Koffi Koffi, auteur de «La France contre la Côte d’Ivoire. Aux origines, la guerre contre le Sanwi» est sans équivoque : le progrès de nos peuples passe inévitablement par l’exploration sans complaisance de notre passé. Ce serait une grave erreur voire une horreur monumentale de croire ou de faire croire que le retour sur notre histoire est une pure perte de temps. Mieux, dans cet essai historique, il nous est clairement montré la grande portée pédagogique et éthique de l’histoire en tant qu’étude du passé.
La connaissance de ce qui est révolu est perçue comme le moteur révolutionnaire de ce qui est, de ce qui sera. Au fait, notre mémoire collective, quand elle est restituée dans sa vérité sans falsification ni flagornerie, demeure une véritable boussole pour les contemporains d’autant plus que le passé est présenté comme la matrice du présent et la ligne asymptotique de l’avenir.
Cet ouvrage nous situe du milieu du dix-neuvième siècle à la première moitié du vingtième siècle (1843-1940) dans le royaume du Sanwi au Sud-Est de la Côte d’Ivoire actuelle. Il est traversé de part en part, du début à la fin, par une thèse : la France est restée la même France dans ses visées impérialistes depuis le temps colonial du dix-neuvième siècle jusqu’à l’époque contemporaine face aux peuples africains.
La France de Louis-Philippe 1er n’est point différente de la France de Jacques Chirac malgré l’écoulement du temps, le changement des dirigeants et des époques. Ce que fit la France colonisatrice contre le royaume du Sanwi au dix-neuvième siècle, c’est ce qui se répète sous nos yeux avec la crise militaro-civile survenue en Côte d’Ivoire depuis septembre 2002 sous le règne de Jacques Chirac. La lecture de cet ouvrage nous montre des similitudes étonnantes entre le peuple sanwi d’alors et la Côte d’Ivoire d’aujourd’hui. En effet, malgré la différence des époques historiques, un dénominateur commun est mis en exergue : la même puissance étrangère dominatrice avec les mêmes méthodes machiavéliques faites de corruption, de ruse, de trahison, de division, de manipulation, de violence, à l’effet de parvenir à ses fins qui sont de dominer, d’exploiter, d’asservir les peuples noirs.
Par ailleurs, nous observons que, nonobstant les puissants moyens de déstabilisation dont dispose cette puissance étrangère impérialiste, le peuple sanwi d’alors et le peuple ivoirien d’aujourd’hui, n’ont jamais accepté de brader leur dignité. Ils ont toujours lutté pour défendre leur souveraineté, quelquefois au prix fort de leur sang. C’est dire que les luttes patriotiques et les combats de résistance face à l’impérialisme français ne datent pas de nos jours. Mais mieux, cet écrit révèle deux grandes figures emblématiques voire deux héros de la résistance contre l’envahisseur occidental : d’une part, le roi sanwi Amon Ndouffou II qui déclarait déjà en 1843 à l’arrivée des Français «ce pays n’est pas à vendre», et d’autre part, l’actuel Président ivoirien Laurent Gbagbo, jaloux de l’indépendance et de la souveraineté de son pays. Il n’y a donc rien de nouveau sous le soleil des relations franco-ivoiriennes, au-delà du changement du temps. La pleine conscience et la profonde connaissance de cet état de fait depuis des siècles devraient alors amener les peuples africains à ne pas se tromper de combat, à identifier le vrai fondement de leur retard et le véritable enjeu de leur lutte.
Simone Ehivet Gbagbo
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