by Le Magazine de la Diaspora Ivoirienne et des Ami(e)s de la Côte d’Ivoire | 21 mai 2013 12 h 38 min
Aujourd’hui n’est pas un jour comme les autres. C’est un grand jour. Un jour historique pour mon pays. Mon pays, pour ceux qui ne le savent pas, est le premier producteur mondial de bananes rouges. Il est aussi le premier exportateur de viandes boucanées au monde. Une fois qu’on sait cela, on comprend mieux que mon pays soit aux premières loges dans les chancelleries des puissances mondiales.
L’harmattan, vent sec et poussiéreux, étale son traditionnel cortège de misère en ce jour béni des dieux des cieux tropicaux. Les paysans de la république productrice de bananes rouges et de viandes boucanées sont épuisés par une longue sécheresse affichent des mines miséreuses. Le jour tant attendu est porté par un vent glacial qui en rien n’altère la détermination du peuple à graver cette journée dans les annales de l’humanité. Des minutes débridées charrient des palmiers dénudés qui bordent l’obscure lagune divisant la capitale de mon pays en parts égales et qui chaque année se fait plus lasse et plus sanguinolente. Les cocotiers chétifs de Anoumabo, village historique autour duquel la capitale s’est développée, bruissent de sonorités doucereuses et l’agitation y est à son comble.
Sur les pistes cahoteuses du nord du pays des milliers de paysans ont bravé la poussière ocre pour converger vers la capitale située aux abords du golfe de guinée. Ils se sont parés de la tenue des grandes occasions comme le veut la tradition. Ils portent à la taille des ceintures en fibres de jute serties d’ossements humains en guise de talisman gracieusement confectionnés par des mages venus de Sékidougou, pays de magie et de sorcellerie. Ces gueux qu’on eût dits sortis d’un autre âge et chaussés de Lekë sont armés chacun de poignard à lame courbe et de Kalachnikov.
Les avions siglés United Nations déchirent davantage aujourd’hui que de coutume le ciel d’un rouge conquérant. C’est un jour extraordinaire, jour d’investiture de Lansana à la magistrature suprême. Le fils du père de la nation productrice de bananes rouges et de viandes boucanées prend la relève d’un vieil homme épuisé par des années de magistrature extrême à la tête d’un pays exsangue et proprement régenté par le Fonds monétaire international.
La cérémonie d’investiture a lieu à Gbangbankro, un immense et crasseux bidonville de la capitale. Pendant la célébration, le fils du père s’est assis à la droite de sa mère au milieu des convives. La mère de Lansana, Sally Sanguinard, affiche un visage bouffi flanqué de poches flasques sous de gros yeux rouges. Elle a les sourcils des grands jours. Des sourcils à l’aspect d’une broussaille copieusement arrosée.
La fête se déroule sous un immense apâtâme de tôles ondulées. Des bancs multicolores y sont disposés en ordre circulaire. Un podium est installé au milieu du cercle. Au premier rang de l’assemblée des convives, il y a le président de la France coiffé, à la mode rasta, de dreadlocks. Il est vêtu d’un immense boubou aux couleurs rouge, jaune et vert au dos duquel scintille en lettres d’argent l’inscription King of Kongs. A ses côtés sont assis quelques chefs d’Etats ouest africains venus du Mali, du Sénégal, du Togo, du Nigeria et du Burkina Faso et toutes les personnalités de ce que la communauté internationale compte de femmes et d’hommes qui se respectent. Ils sont tous drapés de redingotes jaunes fluorescentes. Le second rang est occupé par les parlementaires nationaux habillés de soutanes traversées de larges bandes de couleurs orange, blanc et vert. Quant au troisième rang, il réunit les miliciens du parti du président Sanguinard. Ils sont coiffés de bérets verts. Lansana, la vedette du jour, est vêtu quant à lui, d’un boubou blanc avec au dos l’effigie du Négus, l’empereur Hailé Sélassié. Il est chaussé de babouches rouges. Il a le crâne rasé et por¬te des lunettes aux montures massivement dorées.
À l’aube de la vingtaine, Lansana mène une vie digne de son rang de respectable successeur de son père, père d’une nation productrice de bananes rouges et de viandes boucanées. Une vie tout aussi riche et vé¬reuse que celle de son père. Ses frasques en ont fait l’égé¬rie des nuits des capitales africaines.
Il est midi pile lorsque la cérémonie débuta. Un silence de mort s’empara des lieux lorsque les douze cloches accrochées aux piliers du podium retentirent soudainement. La terre se mit à trembler et le ciel à s’obscur¬cir. L’atmosphère devint brus¬quement pesante et l’air irrespi¬rable. Et l’apâtâme se trouva aussitôt en¬cerclé par douze petits hommes aux allures extrava¬gantes chan¬tant et dansant avec fré¬nésie.
Après qu’ils eurent fini leur prestation saluée par une salve d’applaudissements et douze coups de feux, Sally Sanguinard ordonna à l’assistance de prier. Les incantations de l’assemblée semblaient em¬preintes d’un ésotérisme venu de cieux lointains. Les voix de Lansana et du Président de la France étaient parfaitement coordonnées. Sur ordre de Sally les miliciens laissèrent éclater à nouveau une salve de Kalachnikovs et dé¬buta une pa¬rade inouïe. Toute l’as¬sistance se mit à mâ¬chonner des feuilles de Ganja et à se réga¬ler d’un breu¬vage de couleur verdâtre servi dans de scintillantes patènes par de jeunes femmes complètement nues qui bre¬douillaient en sillonnant les allées:
Diable de Dieu !
Diable de Dieu !
Diable de Dieu !
Quelques instants après, tous les convives s’invitè¬rent mutuelle¬ment à des marivau¬dages sexuels. Tandis que cer¬tains hommes après s’être dépouillés de tous leurs vêtements se fo¬lâtraient fesses contre fesses, les chefs d’Etats et les personnalités de la communauté internationale se livraient à des duels en face-à-face en se chatouillant ré¬ci¬pro¬quement l’appareil génital. Leurs femmes de leur côté, en tenue d’Eve, acco¬laient leurs sexes en s’élançant dans des pantomimes ponc¬tuées de sou¬pirs:
Putains de Dieu !
Putains de Dieu !
Putains de Dieu !
Au milieu du délire et des effu¬sions fréné¬tiques, le Président Sanguinard en personne se saisit d’une jeune femme de l’assistance prénommée Léburnie. Il cul¬buta Léburnie dans un violent mouvement de judoka aidé en cela par le président à la coiffure rasta. Il enfonça sa verge ten¬due comme la perche d’un chas¬seur traditionnel entre ses fesses. Il s’agrippa à ses seins en forme de mangues soudaniennes et la so¬domisa tel un diable en fu¬rie. Chaque fois qu’elle se dé¬battait, il la péné¬tra un peu plus à coups de reins sou¬tenus. La jeune femme vociférait:
Continue !
Continue !
Sale couillon de Président !
De son côté, le Président Sanguinard répondait:
Fakaya !
Fakaya !
Fakaya !
Il la pénétra chaque fois avec plus de cruauté. Exténué de ce labeur bestial, il invita son fils à prendre la re¬lève. Lansana releva rapide¬ment son boubou bouffant, aspergea son sexe d’un liquide verdâtre, puis pénétra la jeune femme à son tour. Léburnie hurla de dou¬leurs et saigna abondam¬ment comme un mouton de sa¬cri¬fice.
Des clameurs de joie et des ap¬plaudisse¬ments s’élevèrent de l’assistance. Une assistance en proie à l’ivresse d’une fièvre, la fièvre de la banane rouge à la viande boucanée.
Une nouvelle de Kock-Obhusu
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