by Le Magazine de la Diaspora Ivoirienne et des Ami(e)s de la Côte d’Ivoire | 17 décembre 2010 10 h 40 min
Dans une interview accordée au quotidien Burkinabé “Le Pays”, le célèbre avocat français Jacques Vergès prend position dans la crise post-électorale en Côte d’Ivoire et sur la justice internationale. Extraits !
Quelle lecture faites-vous de la situation en Côte d’Ivoire ?
Mon avis, les Occidentaux ont poussé à faire des élections en Côte d’Ivoire. On fait des élections pour confirmer un consensus. Il n’y a pas de consensus en Côte d’Ivoire. Il vaut mieux attendre 12 ans que d’arriver à la situation actuelle.
D’autre part, l’Occident appui un candidat. Je pense que c’est une erreur. Ce candidat apparaît comme un candidat de l’étranger.
Pour vous, le candidat auquel vous faites allusion n’a pas gagné les élections?
Je n’en sais rien. Même s’il a gagné… Je n’habite pas la Côte d’Ivoire, je ne connais pas exactement la Côte d’Ivoire. Je ne peux pas, comme les Occidentaux, rester à l’étranger et dire que c’est comme ci ou comme cela.
Quelle appréciation faites-vous de la justice internationale ?
Je préfère parler plutôt d’injustice internationale. Vous savez, les colonialistes ont toujours un masque. Ils ne disent jamais du bien de vous. Ils pillent vos ressources naturelles. Ils ont commis des génocides à l’égard des Indiens d’Amérique, détruit des civilisations comme celle des Aztèques.
Au nom de la liberté du commerce, ils ont imposé à la Chine trois guerres d’opium. Au nom de l’esclavage, ils sont venus imposer le travail forcé en Afrique. Aujourd’hui, c’est au nom de la justice qu’ils interviennent.
Quelle est cette justice ?
J’ai travaillé pour le tribunal de la Yougoslavie et pour celui du Cambodge. Les magistrats appliquent des règles, mais eux n’ont pas de règles. Ils font leurs règles eux-mêmes.
Au Burkina ou en France, un juge dit que telle personne est gardée à vue 30 jours. La loi dit que c’est le délai maximum. Mais le juge dit que je veux le garder plus longtemps. La loi est faite par le Parlement et non pas par le juge. Dans le cas de Milosevic (ndlr, il était un de ses clients) au tribunal pour la Yougoslavie, on a changé la loi 22 fois. Ils violent le principe de Montesquieu. C’est la première chose. Au Cambodge, le tribunal vient de décider de faire appel à des donateurs privés.
Quand un homme riche vous donne de l’argent, ce n’est pas pour rien. Vous vous vendez. Quand vous acceptez l’argent de n’importe qui, vous faites n’importe quoi. Je prends l’exemple du tribunal pour le Liban. Il y a 4 ans, les commanditaires de ce tribunal ont dit qu’il faut mettre en cause les Syriens. On a arrêté 4 Généraux réputés pro-Syriens. Il n’y avait rien contre eux. Les commanditaires ont dit ensuite que les Syriens ne les intéressaient plus, mais cette fois c’est le Hezbollah. On a libéré les captifs et on a essayé de mettre en cause le Hezbollah. Un tribunal est responsable devant l’opinion. On a fait le procès de Milosevic sans un Serbe dans le tribunal. On fait un procès au Cambodge où le chef du gouvernement dit qu’il ne veut pas qu’on accuse d’autres personnes, autrement il y aura la guerre civile. Le procureur qui est Canadien dit qu’il a le droit d’avoir une opinion. Les magistrats de la Cour internationale sont atteints de ce qu’on appelle un daltonisme au noir. Le dalton ne voit pas certaines couleurs. Ils ne voient que le noir. Si vous allez à la Cour internationale, tous les inculpés sont noirs, pas parce qu’il ne s’est rien passé à Gaza, pas parce qu’il ne s’est rien passé à la prison d’Abugraïb.
Source URL: https://www.ivoirediaspo.net/lavis-de-me-verges-sur-la-situation-en-cote-divoire/2595.html/
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