by Le Magazine de la Diaspora Ivoirienne et des Ami(e)s de la Côte d’Ivoire | 11 septembre 2015 13 h 32 min
Ce 10 septembre 2015, au lendemain du dévoilement par le Conseil constitutionnel ivoirien de la liste des candidats retenus pour l’élection présidentielle du 25 octobre prochain, des activistes de l’opposition ont manifesté leur colère dans un certain nombre de localités. Pour deux raisons. Premièrement, ils ne reconnaissent pas l’éligibilité du chef de l’Etat sortant. Deuxièmement, ils récusent la Commission électorale et le Conseil constitutionnel, qu’ils estiment à la botte du pouvoir.
« Cette histoire d’éligibilité de Ouattara n’est-elle pas réglée ? » : certains observateurs, qui ne suivent pas au quotidien l’actualité ivoirienne, se sont posés cette question, quelque peu incrédules. En 2000, Alassane Ouattara a été considéré par les juges constitutionnels comme inéligible au regard de l’article 35 de la Constitution ivoirienne, notamment parce que sa nationalité était considérée comme « douteuse », et qu’il s’était « prévalu » de la nationalité burkinabé (il a été haut fonctionnaire de ce pays voisin de la Côte d’Ivoire). Finalement, il a fallu une rébellion armée sanglante et des accords de paix parrainés par la communauté internationale pour qu’une « formule » soit trouvée : pour les élections de sortie de crise (qui devaient avoir lieu en 2005 et se sont finalement tenues en 2010), tous les signataires de l’accord de Linas-Marcoussis devaient pouvoir être candidats de manière exceptionnelle. Alors président de la République, Laurent Gbagbo avait utilisé l’article 48 de la Loi fondamentale ivoirienne, lui donnant des pouvoirs élargis en cas de crise grave, pour contourner les dispositions constitutionnelles écartant Ouattara des élections.
Finalement arrivé au pouvoir dans les conditions que l’on sait, Alassane Ouattara (dont on nous dit qu’il avait gagné à 54%) aurait naturellement dû initier un référendum constitutionnel afin de changer les textes qui le visaient et l’écartaient – et qui étaient, nous assurait-on, l’incarnation de la très honnie « ivoirité ». Il n’en a rien fait. Il a gardé intacte la Constitution contre laquelle ses amis politiques avaient pris les armes. Il a plutôt choisi de « verrouiller » le Conseil constitutionnel, en y nommant des personnes soigneusement sélectionnées.
Alors qu’elles ont longtemps noté avec insistance que Paul Yao N’Dré, le président du Conseil constitutionnel en fonction en 2010, était « un proche de Laurent Gbagbo », les agences de presse occidentales (et notamment françaises) sont étonnamment discrètes sur la composition de cette institution version Ouattara. Et pourtant…
– Le président de l’institution, Mamadou Koné, a été ministre de la Justice au titre de la rébellion des « Forces nouvelles », puis du parti de Ouattara. Par la suite, il a été nommé président de la Cour suprême par Ouattara. Il a même assuré pendant un certain temps l’intérim de Guillaume Soro à la tête de la branche politique de la rébellion anti-Gbagbo et pro-Ouattara. Son épouse Colette est la directrice de campagne de Ouattara à Abidjan-Sud.
– Hyacinthe Sarassoro, conseiller, est un membre fondateur du Rassemblement des républicains (RDR), parti ouattariste.
– François Guei, conseiller, était directeur de campagne de Ouattara pour la région des montagnes en 2010.
– Emmanuel Tano Kouadio, conseiller, est le beau-père d’Hamed Bakayoko, tout-puissant ministre de l’Intérieur et porte-parole de campagne de Ouattara. Il était le numéro deux de la Grande loge de Côte d’Ivoire, principale obédience maçonnique ivoirienne, et a œuvré pour que son gendre en devienne le numéro un.
– Loma Cissé épouse Matto, conseiller, a été ministre déléguée à la Justice sous Ouattara. Elle est aussi la juge qui lui a octroyé un certificat de nationalité en 2001, ce qui avait fait bondir nombre de ses supérieurs hiérarchiques.
– Emmanuel Assi, conseiller, est l’avocat d’Alassane Ouattara. Il a notamment ferraillé sur la question de sa nationalité à problèmes, au début des années 2000.
Il n’y a guère que Geneviève Affoué Koffi épouse Kouamé, inspectrice générale d’Etat, qui soit membre du Conseil constitutionnel qui « arbitra » les futures joutes à ne pas être une proche notoire d’Alassane Ouattara.
Théophile Kouamouo
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