On a très facilement tendance à oublier que le pardon relève des
attributs du sentiment. C’est-à-dire de ce qui n’est pas immédiatement
rationnel. Pardonner nous dit Père Caffarel «c’est déchirer la page
sur laquelle on inscrivait avec malice ou rage le compte débiteur de
son prochain».
On comprend donc que le pardon appelle une déchirure personnelle, une
incursion de la ratio dans l’intimité la plus profonde des
sentiments. En tant que tel, c’est un acte de violence envers soi-
même. Cette violence qui veut qu’on renie ce qu’on a accouché pendant
des jours et des nuits.
Il est donc impérieux que le sujet qui pardonne soit préparé à cet
abandon d’une partie de sa personnalité pour devenir un être nouveau.
Aussi est-il nécessaire et plus qu’impérieux que le sujet qui souhaite
être pardonné ne brusque, ne brutalise pas l’autre. Demander pardon
impose donc du doigté, une sensibilité sans égal. Le sujet qui demande
pardon doit être capable de parler avec son cœur au cœur de celui à
qui il demande pardon. S’il parle avec sa raison, l’autre se sent
grugé et blessé une nouvelle fois. Demander pardon requiert du
demandeur la conviction personnelle d’avoir mal agit, de s’être
trompé, le reniement des croyances et idées au moment de l’acte qui
suscite le pardon.
On ne décrète donc pas le pardon comme on décrète la construction d’un
nouveau marché. Il faut préparer les cœurs et les esprits au pardon.
C’est un processus de longue haleine, qui dans le cadre d’une
nation doit commencer à la base et non dans les médias. La Presse ne
pouvant qu’accompagner le pardon, il s’impose aux dirigeants de créer
des cadres idoines proches de la population. En termes politiques, on
parle de « commission nationale ».
C’est cette institution, qui, en catalyseur parlera aux haines et aux
rancoeurs mais qui en même temps saura leur administrer la dose
homéopathique nécessaire qui soulage sur la route rocailleuse du
pardon.
Oscar Wilde nous enseigne que «la société pardonne souvent au
criminel, jamais elle ne pardonne au rêveur». Il faut donc éviter
d’être un rêveur. Pour être pardonné, il faut vivre avec la population
ses souffrances, ses douleurs, ses tristesses. Il faut voir,
approcher, contacter, toucher etc. ceux qui traînent le lourd fardeau
d’une perte.
C’est seulement à ce prix que la société pardonne.
Daniel Atteby
Pour IvoireDiaspo (www.ivoirediaspo.net)
Lettre ouverte à Soro Guillaume le 16 avr 2007, 14:30