(Par Théophile Kouamouo) « En trois ans, nous avons eu une croissance d’à peu près 25% (…) c’est-à-dire que chaque Ivoirien a eu une augmentation de son niveau de vie d’à peu près 6% », a péroré Alassane Ouattara, lors de la traditionnelle interview donnée à la RTI à la veille de la fête nationale. Avant de se raviser, sans doute de peur d’irriter ses « adorateurs », dont les conditions de vie sont aussi difficiles que celles des autres Ivoiriens. « Bien sûr, cela c’est du papier, et il faut le voir maintenant dans le quotidien des Ivoiriens », a-t-il tout de même admis.
D’où a-t-il donc sorti ses chiffres qu’il s’est empressé de relativiser ? En effet, il s’exprimait quelques jours après la publication par le Programme des Nations unies pour le , développement du Rapport sur le développement humain 2014. Un rapport très attendu parce qu’il ne se borne pas à calculer la richesse produite dans un pays comme le fameux Produit intérieur brut (PIB), mais qu’il s’emploie à évaluer les impacts de l’activité économique sur la réalité du quotidien des populations. L’indice de développement humain (IDH), rendu public dans le cadre du Rapport sur le développement humain, est ainsi un indice statistique composite qui prend en compte la santé et la longévité, mais aussi le niveau d’éducation et le niveau de vie, en particulier le pouvoir d’achat du plus grand nombre.
Alassane Ouattara n’en finit pas de brandir la croissance du PIB en Côte d’Ivoire comme le signe absolu que tout va bien. Pourtant, à l’aune du développement humain, c’est-à-dire celui qui concerne la réalité des Ivoiriens ordinaires, aucun progrès n’est enregistré. En effet, le pays demeure à la 171ème place sur 187, ce qui est un classement tout à fait médiocre et qui devrait relativiser les rodomontades sur une prétendue « émergence » en 2020, et les comparaisons insensées avec l’Allemagne, par exemple. Au titre du « développement humain », la Côte d’Ivoire est derrière le Kenya, le Rwanda, le Cameroun, le Nigeria, Madagascar, la Mauritanie, le Sénégal, le Soudan, le Bénin, le Togo et Haïti !
Plus préoccupant : la progression de l’Indice de développement humain (IDH) a paradoxalement ralenti depuis le début des années Ouattara et des taux de croissance mirifiques chantés à longueur de journée. En effet, entre 2011 et 2013, l’IDH de la Côte d’Ivoire passe de 0,443 à 0,452, soit une croissance de 2,03%. Entre 2008 et 2010, en pleine crise politico-armée et partition territoriale, il passait de 0,427 à 0,439, soit une croissance de 2,8%. Forcément, de nombreuses questions se posent. Dans quelles poches va donc la richesse qui est, nous dit-on, produite aujourd’hui plus que jamais dans le pays ? A quoi sert l’endettement record du pays s’il n’améliore pas la santé, l’éducation et le niveau de vie des populations ? La thèse défendue par le parti d’opposition LIDER, dirigée par l’ancien président de l’Assemblée nationale et professeur agrégé d’économie Mamadou Koulibaly, selon laquelle sous Ouattara il existe une « croissance appauvrissante » trouve-t-elle là des éléments d’objectivation ?
Théophile Kouamouo