Tidiane Thiam pour la Présidence en 2020 ?

by Le Magazine de la Diaspora Ivoirienne et des Ami(e)s de la Côte d’Ivoire | 5 octobre 2018 18 h 58 min

Le nom de Tidiane Thiam a beaucoup circulé dans les médias ces derniers temps, comme potentiel candidat à la présidentielle de 2020. Brillant polytechnicien, il est vu comme un homme de consensus, capable de remettre à nouveau ensemble les formations politiques qui se définissent comme « héritières d’HouphouetBoigny ». Mais dans un communiqué officiel, il a « écarté » cette option, disant vouloir continuer à poursuivre ses présentes fonctions à la tête du Crédit Suisse, la seconde banque de ce pays européen.

On notera que les termes du communiqué ne sont pas « coupants, tranchants, inflexibles », mais plutôt assez ouverts. L’homme veut-il se donner le temps de la réflexion sans pour autant attirer l’attention sur lui ? L’Etre humain reste irrésistiblement attiré par la terre qui l’a vu naître et grandir. C’est un fait. Ainsi tous les grands fonctionnaires en place dans les institutions internationales caressent au fond d’eux le rêve de venir « commander à domicile ». Ce fait est perçu comme la consécration, le couronnement de toute carrière internationale. Tidiane Thiam  quoi qu’en dise son communiqué n’y est pas insensible.

Dans les années 90, il avait été déjà rappelé au pays pour être dans un premier temps Directeur Général du BNTED, puis ministre du Plan et du Développement.  Durant ces années, il a fait l’unanimité sur ses compétences, c’est le moins qu’on puisse dire.

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Maître d’œuvre des  douze travaux de « l’éléphant d’Afrique »

Ce programme de réalisation des infrastructures d’envergure porte indiscutablement la marque de Tidiane Thiam. Certes ces infrastructures étaient prévues de longue date dans le schéma directeur de la ville d’Abidjan. Cependant Tidiane Thiam  formalisa le tout dans un document cadre qui en fixa les contours, et précisa les étapes et les modalités de financement. Nous l’avons mentionné dans un article précédent, le PND 2016-2020 s’inscrit à bien des égards dans la droite ligne des études réalisées  dans les années 90, du moins pour certaines infrastructures.

Tidiane Thiam présenta son plan avec brio en 96 en tant que Directeur Général du BNETD , devant un parterre d’invités du monde économique et diplomatique, puis fut nommé Ministre du Plan et du Développement quelque temps plus tard. Contrairement à ce qui se passe aujourd’hui où le Ministre du Plan n’est plus au cœur de l’action, le Ministre Tidiane Thiam  avait la haute main sur des questions majeures.

Ainsi, mis-t-il  sur pied le premier partenariat public privé avec la construction de la centrale électrique d’Azito. Ce partenariat fait toujours référence en Afrique. Il  supervisa  aussi les actions du gouvernement dans la lutte contre la pauvreté, ainsi que le recensement de la population de 1998. Sur le plan politique, l’homme s’est impliqué dans la campagne présidentielle de 1995 en animant certains débats sur la politique économique en cours à l’époque.

 »Presque »  Premier-Ministre

En fait le Président de la République lui faisait beaucoup plus confiance qu’au Premier Ministre Daniel Duncan dont il se méfiait, pour avoir  été le principal  collaborateur du tout premier premier ministre ivoirien (1990-1993). Sur le papier Duncan était Premier Ministre, et  Ministre en charge de l’économie et des finances. Mais en réalité, le véritable patron des finances était le Ministre délégué aux finances, Niamien N’Goran, neveu du Président.

Il y avait un autre personnage, le Ministre des Matières premières, Guy Alain Gauze, qui s’occupait  de la filière Café-Cacao. Quelqu’un de très compétent dans ce domaine. Lui également en référait directement au Président. Ainsi Duncan déployait beaucoup d’activité, mais  s’occupait beaucoup plus de la routine, les questions majeures n’étant tout simplement pas de son ressort. Son remplacement avait même été évoqué par la presse dans les derniers mois de l’année 1999.

En tant que Directeur Général du BNTED puis Ministre du Plan, Tidiane Thiam avait des attributions transversales dans le cadre de la mise en œuvre des travaux de « l’éléphant d’Afrique ». Aussi coordonnait-il l’action de plusieurs autres ministres. Il était devenu un ’’quasi premier ministre’’, prenant  progressivement de l’ascendance. Aucune critique de lui n’émanait des médias malgré ses responsabilités de premier plan. Véritablement il faisait  l’unanimité. Il est  probable qu’il se serait élevé encore plus vers le « sommet » n’eût été les douloureux évènements de Décembre 1999 qui mirent brutalement fin à l’aventure, et que nul n’a vu venir.

Le traumatisme de Décembre 1999

Suite à l’irruption des militaires sur la scène politique, la plupart des ministres en place s’étaient volatilisés, avaient été mis aux arrêts ou étaient assignés à résidence. Tidiane Thiam fut le seul ministre du gouvernement renversé à avoir entrepris une passation des charges en bonne et due forme avec celui que le chef de la junte avait désigné pour lui succéder au ministère du plan, un certain Seydou Diarra, lequel deviendra par la suite Premier Ministre à deux reprises dans la chaotique décennie 2000.  Aujourd’hui il est le président de la Haute Autorité pour la bonne gouvernance.

Visiblement intimidé lors de la cérémonie de passation de charge, Seydou Diarra reconnut en Tidiane Thiam, « quelqu’un qui avait bâti une équipe d’excellence  au sein du Ministère du Plan ».  Sur la page wikipédia de l’homme, il est fait mention que le Chef de la « transition militaire » lui proposa de prendre la tête du nouveau gouvernement, ce qu’il refusa.  Si cela s’avère exact, Tidiane Thiam est alors bien le seul Ministre à qui les militaires ont proposé de « rester en poste ». C’est bien la preuve de la grande estime dont jouissait ce garçon à l’époque.

Les évènements de Décembre 1999 furent traumatisants pour toute la nation (Hélas ils ne seront que  les premiers de la série !). Tidiane Thiam  aurait déclaré à cet effet qu’il ne « reviendrait plus jamais » occuper un poste de Ministre en Afrique. Bientôt vingt ans après, ces évènements restent bien présents dans la mémoire collective,  d’autant plus que les développements politiques récents en CI incitent à rester prudent.

Après vingt-huit années, la « démocratie ivoirienne » peine toujours à s’affirmer. Un brouillard entoure le pays sur «  l’après-2020  », personne ne peut se risquer à un pronostic. Toute la nation retient son souffle  dans une certaine angoisse. Toute chose qui  est de nature à dissuader des personnes  comme Tidiane Thiam, habituées à travailler dans le confort et la stabilité des démocraties occidentales.

L’homme de la situation ?

Les qualités de Tidiane Thiam sont indéniables et reconnues par tous. Pour autant  peuvent-elles résoudre à elles seules la complexe équation de 2020 ? Le problème avec les technocrates à qui on fait appel, c’est le degré de liberté qu’on leur accorde. Généralement ils exigent d’avoir les  mains « totalement libres ». Faire venir quelqu’un du calibre de Tidiane Thiam en lui imposant des gens avec qui travailler, ou un schéma dans lequel il doit opérer, ne fonctionnera tout simplement pas.

En Avril 1990, le Président Houphouet fit  appel au gouverneur de la BCEAO et ancien Directeur-Afrique au FMI (47 ans à l’époque). Il s’agissait de redresser les finances  du pays, mises  à mal par la dette et la mévente du cacao. L’homme présida d’abord un « comité de stabilisation et de relance ». Ce comité travaillait « de concert » avec le gouvernement. Mais devant les résistances à l’intérieur de l’appareil, quelque six mois plus tard il fut nommé Premier Ministre.  Il put ainsi former son gouvernement,  et mettre définitivement sur la touche toute la vieille garde du parti au pouvoir.

Thiam sera confrontée à une situation similaire s’il décide de « s’engager ». Mais à la différence de 1990 où la vieille garde était âgée et fatiguée car au pouvoir depuis bien longtemps, nous avons affaire aujourd’hui à des personnes qui sont majoritairement dans la cinquantaine, voire dans la quarantaine. C’est dire qu’elles n’accepteront pas aussi facilement d’être mises à l’écart pour laisser toute la place au nouveau venu.  Or Thiam ne pourra donner le meilleur de lui-même que s’il est entièrement libre dans ses mouvements et dans ses choix. Jamais il n’acceptera de se laisser « dicter sa conduite ». Il n’est pas sûr que ceux qui aujourd’hui lui font appel, voient ainsi les choses.

D’autre part  sa seule présence ne fera pas nécessairement disparaître les antagonismes entre les différents partis. L’homme ne pourra pas continuellement jouer les équilibristes. Il sera inévitablement obligé de trancher à un moment donné en faveur  l’un ou l’autre des partis. Le partage des postes ministérielles sera un virage assez délicat à négocier, qui fera resurgir les lignes de facture.

Enfin il y a le caractère de l’homme. S’il  est quelqu’un d’outillé pour le job sur le plan professionnel, qu’en est-il de son mental ? A bien des égards, il apparaît comme quelqu’un de  « tendre,  d’innocent et de gentil ».  Est-il un homme à poigne ? A-t-il une carapace suffisamment endurcie ? En un mot est-il un « dur » ? Ce sont des éléments à prendre en compte si nous ne voulons pas nous retrouver demain avec quelqu’un qui sera incapable d’affronter des vents contraires.

Un air de déjà vu  ?

Si la « venue » de Tidiane Thiam devait se confirmer, elle nous ramènerait à la technocratie du début des années 90. Un air de déjà vu semble flotter. Ainsi comme  celui à qui il a été fait appel au début des années 90 pour remettre les finances sur les rails,  Tidiane Thiam est un brillant technocrate qui a accompli un brillant parcours dans des structures internationales, après des études toutes aussi brillantes dans de prestigieux instituts. Comme son prédécesseur, il proclame que la politique ne « l’intéresse pas ».

ivoiriens de l'étranger [1]

Mais contrairement au début des années 90 où l’économie ivoirienne était véritablement proche du précipice, nous sommes aujourd’hui dans un contexte assez différent. La croissance ivoirienne est assez vigoureuse portée par les  infrastructures. C’est vrai qu’on ne l’a ressent pas encore dans le quotidien des population, mais la vitalité actuelle de l’activité économique est clairement palpable. On peut  déplorer la course inquiétante de la dette, les comportements prédateurs dans la haute administration, la présence disproportionnée des ressortissants du Nord aux postes de responsabilité, et une inflation rampante.

Hormis ces points, la politique économique mise en œuvre semble fonctionner, avec une décrue du chômage de masse, la vigueur du BTP, la poursuite des grands chantiers,  la reprise de l’immigration sous-régionale vers le pays, symbole du dynamisme et de la confiance retrouvés. Dans ce contexte a-t-on véritablement besoin d’un homme providentiel ?  d’un sauveur comme en 1990 ?

En vérité, quel que soit le vainqueur en 2020, la croissance maintiendra son élan si la paix est maintenue. C’est tout aussi simple. Le véritable défi consiste donc au maintien de la paix et à rien d’autre. Et tout doit concourir dans ce sens. Quelles que soit ses qualités et son impressionnant CV, ce garçon peut-il être le garant de la paix une fois au sommet de l’Etat ? Pas si sûr. Tidiane Thiam serait à sa place à la primature, en travaillant sous l’aile d’un « président fort »  qui s’occupera de politique, tandis que lui s’occupera uniquement d’économie. C’est la seule combinaison qui pourra fonctionner, pour l’homme, et pour le pays.

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