by Le Magazine de la Diaspora Ivoirienne et des Ami(e)s de la Côte d’Ivoire | 28 mars 2012 11 h 36 min
Il est exactement 19 heures quand nous arrivons à la grande entrée du cimetière de Williamsville. Par crainte d’être refoulé par le gardien, nous contournons le portail de droite pour emprunter une entrée ouverte au public. Là, nous entendons des voix. Nous prenons le soin de regarder autour de nous. Curieusement, il y a des habitations autour du cimetière et les gens y vivent en toute quiétude. Nous rebroussons chemin et regagnons un bistrot non loin de là. Après avoir offert à boire à quelques jeunes, ils indiquent qu’il n’y a aucune raison d’avoir peur d’habiter dans un cimetière, car les esprits vont loin des tombes, en ville. Après une trentaine de minutes, nous entrons dans le cimetière par le même chemin.
Une voix sort des ténèbres
Nous avançons sans regarder derrière. Bien qu’ayant peur, nous observons minutieusement tout ce qui se passe. Plus loin, nous entendons des hommes parler. Au fur et à mesure que nous nous éloignons, nous entendons aussi des sifflements du vent et des cris d’oiseaux ainsi que d’hiboux qui volent à basse altitude. Soudain, une voix rauque se fait entendre derrière nous et interroge : « hé ! Où vas-tu ? ». Nous nous arrêtons tout net, presque tétanisé. L’homme ajoute : n’aies pas peur, j’habite non loin de là et je suis venu prendre un peu d’air. Nous poussons alors un ouf de soulagement et continuons notre chemin.
Des vivants parmi les morts
C’est incroyable mais vrai, ces habitants qui vivent entre les tombes. Une extension du quartier ‘’paillet’’, pourrait-on dire. Un petit quartier précaire construit pratiquement entre les tombes qui servent même de places assises ou de tables. Les enterrements constituent le lot quotidien des habitants de ce quartier. C’est un fait banal pour eux. A K, jeune dame d’une trentaine d’années indique qu’on ne doit avoir peur d’un cadavre que lorsqu’il se trouve à la morgue. Une fois au cimetière, il n’y a rien à craindre. ‘’Toutefois les bandits nous fatiguent ici’’, précise-t-elle. Mais l’on se pose la question de savoir si ce quartier est autorisé. Ce qui est certain, c’est que les responsables du cimetière n’y voient aucun inconvénient.
La vie dans la journée
Dans la journée, le cimetière est semblable à un véritable marché. Du crépuscule au coucher du soleil, ce sont des va-et- vient à n’en point finir. Les fossoyeurs, les maçons, les employés du District, les commerçantes, les visiteurs et les parents des défunts se côtoient. Les fossoyeurs et les maçons y sont dans l’espoir d’obtenir un marché. Pendant ce temps, les employés du District supervisent les travaux qui s’y déroulent. Les parents des défunts y vont pour nettoyer les tombes, les réhabiliter encore pour prier pour leur mort ou déposer des gerbes de fleurs. Il faut noter que le contrôle à l’entrée du cimetière n’est pas strict. N’importe qui peut y entrer sans être inquiété.
Véritable fumoir
Les morts peuvent-ils reposer en paix dans les cimetières d’Abidjan ? En tout cas, vu ce qui s’y passe, on pourrait répondre non. De jour comme de nuit, ils respirent la drogue. Les fumeurs de ce produit nocif et leurs vendeurs passent toute la journée sous des arbustes se trouvant entre les tombes. Après avoir reniflé de la cocaïne ou fumé du cannabis, ils dorment sur les tombes et parfois même à l’intérieur des caveaux. La semaine dernière, des éléments du commissaire divisionnaire Binaté Abdouramane, directeur de la police des stupéfiants et des drogues (Dpds), à travers un coup de fil anonyme ont interpellé des individus dans le cimetière de Williamsville au moment où ils fumaient de la drogue. Mais chose curieuse, c’est que la direction dudit cimetière n’entreprend aucune action pour lutter contre ce fléau. Demain, vous découvrirez la façon dont s’opère le trafic des cadavres dans le cimetière, le prix des tombes et leur durée de vie.
Jésus Marie Gottah
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