COTE D’IVOIRE|LES LONGUES DENTS DES JEUNES LOUPS

by Le Magazine de la Diaspora Ivoirienne et des Ami(e)s de la Côte d’Ivoire | 22 décembre 2010 15 h 36 min

Guillaume Soro et Charles Blé Goudé ont longtemps joué à se faire peur, ainsi que tout Ivoirien le sait. L’anecdote fait remonter leur inimitié aussi loin qu’à l’époque où ils étaient étudiants à l’Université, à Abidjan. Que le fait soit vrai ou faux, il demeure que l’ambition politique qui dévore chacun est née et s’est accrue dès leur première passe d’armes. Car il y eut bien cette première fois où leurs chemins se croisèrent et se séparèrent. Avec la tenace promesse de croiser à nouveau les fers « quand on aura trente… » ainsi que le dit la chanson ! Et ce temps semble être venu, un temps dont il faut souhaiter qu’il soit seulement celui d’une confrontation ; et non point celui de la déflagration. Parce qu’entretemps Soro a d’ores et déjà engagé toutes ses (dernières) forces dans l’épreuve comme s’il n’avait plus rien à perdre. Or donc de l’autre côté on voit un Blé Goudé serein- il détient un portefeuille, lui, et annonce qu’il veut mettre les jeunes au travail- tout le contraire de ce qu’il a toujours été. Le ton s’est inversé, l’agitateur n’est plus Blé Goudé, le modéré n’est finalement plus Soro. La roue parait avoir définitivement tourné.
Les statures et les statuts semblent avoir désormais été changés. Ils étaient interchangeables, les deux hommes se valant jusque dans la réalité de ce jeux des rôles. Mais on comprend que Soro ait été surpris, lui qui se croyait à tort supérieur à son éternel rival. À croire qu’il aura perdu son temps sans vraiment rien comprendre, ivre de gloire dans sa « tour d’ivoire », cette « Primature » qui lui sort par tous les pores telle la marque du sot. ! Les deux jeunes loups de la scène politique ivoirienne se font aujourd’hui face, cependant qu’en arrière les deux véritables sphinx (Gbagbo et Ouattara) s’observent en chiens de faïence. Ils ont chacun distribué toutes leurs cartes et attendent beaucoup des « As »- ou plutôt des « Jokers »- qui s’escriment en ce combat singulier annoncé de longue date. Mais dans cette joute épique Soro, qui détenait déjà le pouvoir, a été à son détriment trop tôt jeté dans l’arène politique. À trop vouloir préparer le terrain pour Ouattara- raison pourquoi il évoluait obséquieusement auprès de Gbagbo- il s’est brûlé les ailes. Il l’aura désormais difficile pour prendre un nouvel envol. Gbagbo y veillera, il faut le croire. Quant à Charles Blé Goudé, bien qu’ayant fait la preuve de sa loyauté en militant avec un rare zèle, son mentor n’a jamais voulu le voir servir dans le gouvernement Soro. Comme s’il voulait le protéger de toute velléité de compromission. Goudé, pourtant combattant aguerri, était gardé en réserve pour des temps…plus tumultueux. Ces temps- on y est désormais- tout porte à croire que Gbagbo les subodorait, ou que du moins il les appréhendait. Il n’ignorait pas qu’il logeait au milieu de lui le loup (Soro) et se doutait bien qu’à la première occasion- les élections qui se profilaient- ce fauve qui ne savait plus cacher ses dents trop longues chercherait à ne faire qu’une bouchée de lui. Ceci rappelle » la trahison » d’un certain Sarkozy au profit de Balladur face à Chirac. Soro rêve peut-être d’un scénario semblable qui le porterait au pouvoir suprême dans un proche avenir. Avec ou sans Ouattara. De préférence sans celui-ci. Le modèle français, le « modèle Sarkozy », existe pour l’encourager dans cette voie.
Sauf qu’en Côte d’Ivoire telle chose est loin de survenir : il y a toujours Ouattara, Bédié, et trop de prétendants au trône pour que Guillaume Soro ne réussit jamais à les supplanter. Contrairement à ce qu’il croit secrètement il n’est pas le mieux placé pour diriger la Côte d’ivoire dans la prochaine législature. Surtout que rien n’empêche que Gbagbo- qui vraisemblablement finira l’actuel mandat en dépit de tous et de  tout- peut toujours se succéder à lui-même, retardant encore les aspirations des uns et des autres. Soro passerait alors son tour.
Et plusieurs autres tours avant d’affronter…Charles Blé Goudé !

Redistribution des cartes                                                                                                                     Laurent Gbagbo vient enfin d’abattre la carte qu’il dissimulait dans sa manche. En nommant Blé Goudé au ministère de la jeunesse il compte sur l’influence de ce dernier sur cette incontournable force que son rival et lui appellent maintenant ouvertement à la rescousse. La jeunesse ivoirienne est assidument courtisée par les deux leaders pour manifester, ou pour contrer les manifestations du camp adverse. Cette jeunesse constitue aujourd’hui la pièce maitresse de la stratégie des « deux présidents ». C’est son ardeur au bénéfice de l’un ou l’autre adversaire qui fera la différence bien plus que les imprécations et les interventions intempestives de la communauté internationale. Et d’ailleurs, contre cette posture d’un âge que l’on croyait révolu, de plus en plus de voix s’élèvent pour les dénoncer comme une honteuse ingérence. Menaces et ultimatums ne sont là que pour rappeler ce donné : la communauté dite » internationale » ne regroupe qu’un agrégat de bien-pensants, tous occidentaux, et qui peine à faire entendre raison à l’Iran des Mollahs, à la Corée du Nord et à la Birmanie, courbant l’échine devant la Chine, insultée au quotidien par Hugo Chavez le Vénézuélien ! Ce Tribunal post-colonialiste, ce groupe de procureurs et des proconsuls pénétrés de Vérité ne portent généralement la charge que sur les Africains dont regorgent les cellules du Tribunal pénal International(TPI). Comme s’il ne se passait rien dans les territoires occupés de la Palestine, comme s’il ne s’est jamais rien passé à Guantanamo et Abou Graïb. À ce moment même Hashim Thaçi, ancien leader politique de l’Armée de libération du Kosovo (UCK) et actuel premier ministre de cette entité livrée clef en mains par la communauté internationale, fait les frais d’un rapport du Conseil de l’Europe.
Dick Marty, un Suisse membre de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, l’y accuse d’avoir protégé des réseaux criminels liés à l’UCK, se livrant à des trafics de drogue et d’organes (sur des Serbes et des Albanais). « Les grandes puissances- c’est-à dire la communauté internationale- connaissaient l’existence d’un trafic d’organes, mais ont fermé les yeux », ajoute-t-il en substance. Les vertueuses indignations de ladite communauté internationale sur un sujet aussi grave ont sans doute été couvertes par le crépitement des armes automatiques à Abidjan !
Pis, et à la honte de l’Afrique, il ya la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest (CDEAO) et l’Union africaine (UA) enrégimentées, peut-être également sous la menace et les ultimatums, pour cautionner une position qu’elles ne tiennent pourtant pas à l’égard du Soudanais Omar El- Béchir. Ce dernier serait-il vraiment plus…fréquentable que Laurent Gbagbo ? Mais ce qui prête le plus à rire, dans le drame, c’est la sortie de Raïla Odinga, premier ministre du Kenya, dernier pays où l’on vit El-Béchir se pavaner en toute liberté. Or donc on sait qu’Odinga ne doit d’être à son poste qu’à la faveur d’une effusion sanguinaire. D’ailleurs une instruction judiciaire du TPI est actuellement ouverte en rapport avec des massacres perpétrés par son camp et celui de son rival de président sur les populations civiles…
Quant à Nicolas Sarkozy, affairiste invétéré et avéré, il lui faudra plus que la Côte d’Ivoire pour faire oublier les révélations sur ses liens troublants avec l’héritière de l’Oréal, la veuve Béthencourt. Mais pas seulement : pour fidéliser le vote de l’extrême-droite, ce fils d’immigré hongrois n’a pas hésité à jeter le discrédit sur le pays d’adoption de son père. Le monde entier a assisté révulsé, et il y a seulement peu, aux pratiques racistes dont ont été victimes les Rroms (ou « Gens du voyage ») en France. Voilà un donneur de leçons dont la commissaire aux droits de l’homme de l’Union européenne (UE) a vertement tancé la moralité.
Ils sont désormais légion, en Afrique comme en Occident, à tenter de se refaire une nouvelle virginité sur le dos de Laurent Gbagbo. Alors même que le président ivoirien ne devrait répondre de rien devant le retour en force de l’impérialisme occidental des vieux temps, et de ses vassaux africains en mal d’amour et de légitimité. L’Occident tient si peu en estime les Ivoiriens et les Africains qu’il est décidé à mépriser pour une énième fois leurs « institutions corrompues ». Afin de réinscrire au feuilleton son influence sur le continent noir. Aussi pour dire le droit en lieu et place des institutions locales, pour imposer un statu quo qui n’aurait jamais du changer à leurs yeux, pour créer un dangereux précédent dont aucun leader africain à l’avenir ne pourrait se libérer, pour que dans l’esprit de la jeunesse africaine soit prêté à confusion l’entendement entre souveraineté nationale et souveraineté internationale ! Pour faire croire que c’est l’Occident qui détiendrait la première et dispense la seconde à sa guise. Et que hors de la volonté occidentale- la communauté internationale- il n’y a point de salut !

ivoiriens de l'étranger [1]

Un pays sans Soro
Cette tragédie que la communauté internationale alimente sans états d’âme ne devrait profiter in fine qu’à Soro, le seul qui aurait tout à perdre si Ouattara et Gbagbo parvenaient à un accord.
Car le fait n’est pas exclu. Sauf méprise, Laurent Gbagbo n’obtempérera probablement pas aux injonctions des Occidentaux et des leurs affidés de la CDEAO et de l’UA, parmi lesquels on trouve des dictateurs notoires et des repris de justice. Alassane Ouattara est assez intelligent pour s’en douter même s’il espère fortement le scénario inverse. Mais il est également soucieux de la néfaste image que son adoubement par les étrangers laisserait sur une grande partie des Ivoiriens. Il pourrait donc être tenté de saisir la main tendue par son rival. Quant à  Henry Konan Bédié, que l’on entend de moins en moins, il en est sûrement à se demander ce qu’il fait au milieu de cette galère. La neutralité après le premier tour du scrutin n’aurait-elle pas mieux valu pour lui en définitive que cette dernière sortie politique ratée et associée à la débâcle que vit actuellement le pays. Celle-ci n’eut-elle pas pu être évitée s’il s’était abstenu de supporter Ouattara ? Une question qui doit tourmenter ses nuits et celle d’Henriette sa femme.
Au vu de tout, le sort de la Côte d’ivoire serait différent- et forcément meilleur- sans Guillaume Soro dans le décor. Son ambition est telle qu’il finira par se détourner de Ouattara quand ce dernier ne fera plus son affaire. Qui a bu boira. Il connait désormais le goût du pouvoir et ne voudra jamais plus que, tel le vampire pour le sang, s’abreuver à cette source vitale. Gbagbo le connait bien. Advenant une nouvelle partition du pays Ouattara n’y gagnerait rien, Soro, à la tête de ses milices des Forces nouvelles n’aurait aucun intérêt à partager un pouvoir qu’il peut détenir seul. À Ouattara de savoir s’en défier à temps en assurant ses arrières. Car lorsque Soro, qui est d’ores et déjà dans la position du kamikaze, verra son avenir politique bouché par des tractations le laissant hors-jeu il sévira.
On verra alors l’ange déchu vouloir entrainer dans sa perte tout le peuple ivoirien dans un marasme indicible. Il y est fermement décidé, même s’il ne détient pas le destin du peuple ivoirien entre ses dents de loup. Il appartient aujourd’hui à Gbagbo et Ouattara d’arrêter les velléités destructrices de cet homme. Guillaume Soro est dangereux pour la Côte d’Ivoire.
Gare à qui le soutient et  l’encourage dans ses sombres desseins.
Comme tout éléphant, la Côte d’ivoire a la mémoire longue.
EMERY UHINDU-GINGALA

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Rédaction de Diaspora Cote d'Ivoire, Senior Editor: Daniel Atteby, Art Director: Sara A. Email: info@ivoirediaspo.net, Skype: gethsemane7

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