by Le Magazine de la Diaspora Ivoirienne et des Ami(e)s de la Côte d’Ivoire | 16 juillet 2013 22 h 10 min
Le discours éruptif de Mr OUATTARA à la fin de sa visite dans la région des savanes la semaine dernière, ne pouvait évidemment pas échapper à l’exigence d’un examen critique dans cette démocratie ivoirienne en construction.
Son appel au FPI (parti de Mr GBAGBO) à demander pardon aux Ivoiriens mérite une attention particulière. On savait en effet que dans cette crise ivoirienne, il avait beaucoup de manipulations, de mensonges ; voici maintenant qu’on passe à un autre stade en prenant sans peut être le vouloir, les Ivoiriens pour des abrutis complètement finis au point de ne pas savoir qui a fait quoi dans cette crise.
Le plus grave, c’est que ce mensonge devient à présent une vertu qui ressemble fortement à une espèce cultivée afin que les Ivoiriens regardent Mr OUATTARA du même œil que le peuple hébreu voyait Moïse lorsque ce dernier les a libérés des jougs du Pharaon. Manque de chance, les Ivoiriens qui ont vécu dans leur chair cette crise sanglante depuis septembre 2002, savent parfaitement bien où se situent les responsabilités même si pour l’instant, ils sont dans l’incapacité de l’exprimer ouvertement ! Faut-il rappeler que ceux qui ont eu le courage de le faire croupissent encore dans les prisons ivoiriennes pour « atteinte à la sûreté de l’Etat » ? Le dernier en date est Justin KOUA, président de la jeunesse du FPI arrêté début juin alors qu’il tenait une réunion au siège de son parti. Ces actions sont symptomatiques de la détermination des autorités ivoiriennes à anéantir le parti de Mr GBAGBO en donnant l’impression de lutter contre l’insécurité à son égard alors qu’en réalité, elles s’efforcent de ne rien faire.
Sur cette culpabilité des uns et des autres, les témoignages de Koné ZAKARIA ex-chef rebelle très proche de Mr OUATTARA, dans le contexte d’une campagne électorale nous livre dans une vidéo encore visible sur Youtube, les détails sur les véritables responsables de cette rébellion et son organisation.
Quant à Abdoulaye Traoré alias AB, ex-chef de guerre de Man (ville située à l’ouest de la Côte d’Ivoire), il va plus loin dans son témoignage publié le 13 août 2010 sur « lebanco.net ». Il explique notamment les machinations qui impliquent Guillaume SORO, Alassane OUATTARA, Balise COMPAORE et plus étonnant encore, le chateur TIKEN JAH FALKOLY en dénonçant la complicité de certains pays.
Ce tour de témoignages peut se terminer par ceux de certaines organisations internationales telles qu’Amnesty qui reconnaissent dans leur rapport, la part de responsabilité du régime en place dans les tueries de cette crise.
Partant de ces faits, on peut se demander pourquoi Mr OUATTARA adopte soudainement cette posture aussi risquée sans aucune précaution.
Il faut reconnaitre que depuis cette première lumière faite dans l’étude du dossier de Mr GBAGBO à la CPI et la décision d’ajourner le délibéré de l’audience de confirmation des charges en admettant qu’il n’existait pas d’éléments de preuve véritablement sérieuses, le régime de Mr OUATTARA est très certainement embarrassé. Et ce, d’autant plus que son innocence dans cette crise commence à paraître de plus en plus douteuse. Alors, un peu comme s’il avait la « Gestapo » à l’intérieur de lui-même, son chef donne le sentiment de sa résolution à prendre les choses en main en lançant au FPI cet appel hâtif au pardon à demander aux Ivoiriens. Le piège ici, c’est qu’en s’exécutant dans les conditions voulues par Mr OUATTARA, le FPI par cette action, reconnaitrait automatiquement sa culpabilité aux yeux du monde. A un certain degré, c’eût été indigne, humiliant vis-à-vis des cadres et partisans du FPI encore en prison ou en exil, pendant que ceux du camp de Mr OUATTARA paradent dans tout le pays en toute impunité avec leurs nouveaux costumes de chef, récompense de leur action meurtrière.
Cette seule explication serait néanmoins insuffisante. De fait, le bon sens nous guide vers une autre qui porte sur la perspective de l’élection présidentielle de 2015. On sait depuis peu que Mr OUATTARA, sans l’avis de ses compagnons de la coalition (RHDP) a annoncé sa candidature à cette élection de 2015. En s’appuyant sur les points de ses différents discours ou déclarations au cours de sa visite, on peut dire qu’il a trouvé là le meilleur moment de commencer sa campagne avant l’heure avec les moyens de l’Etat. Ainsi, il est dans une logique de flatterie de l’humeur du grand peuple nordique qu’il tient probablement pour « sa chose ». Comme dans une campagne de ce type l’essentiel est d’avoir un ennemi déclaré, alors ça va être le FPI qu’il choisi de frapper un peu plus et si possible pendant que ce parti est encore à terre depuis avril 2011. Le tout bien sûr, en affirmant le 3 juillet depuis OUAGA (Burkina Faso), son attachement au développement du Nord de la Côte d’Ivoire qui selon lui, « n’a pas eu sa part de contribution à l’effort national ». Alors, une campagne étant aussi un marchandage entre mendiants politiques et le peuple, Mr OUATTARA n’hésite pas à sortir la carte de la promesse « d’investissements importants dans les routes, l’eau, la santé, l’éducation et l’électricité » en vue de rattraper cette « injustice ». Il y a là de quoi se demander s’il est président de toute la Côte d’Ivoire ou celui du Nord en priorité. Du reste, pourquoi n’a t-il rien fait pour cette région lorsqu’il était aux affaires sous Houphouët BOIGNY ? Même les jeunes diplômés de son parti le RDR n’y croient plus vraiment ! Ainsi en masse, ils n’ont pas hésité à crier leur ras-le-bol le 10 juillet dernier devant le siège du RDR. Quoi qu’il en soit, le bon côté pour Mr OUATTARA dans cette visite des savanes, c’est qu’il a pu vérifier la ferveur militante de ceux qu’il considère comme ses parents et qui seraient acquis à sa seule cause.
Autre déclaration qui nous plonge dans les profondeurs de l’étonnement : C’est celle faite le 10 juillet dernier à l’ouverture de la 39ème Assemblée parlementaire de la Francophonie. « J’ai toujours voulu un parlement fort » a t-il dit, mais tout le monde se souvient encore du découpage électoral fait par Mr OUATTARA dès son installation au pouvoir. Découpage électoral qui fait qu’avec moins de populations, l’ensemble des régions du Nord dispose désormais d’un plus grand nombre de députés. Cette décision avait été critiquée par le Centre Carter, organisme d’observation indépendant qui estimait que ce découpage électoral devait être revu à la lumière du principe de l’égalité du suffrage. Il y a également cette gouvernance par ordonnance que s’est donnée Mr OUATTARA le 10 avril 2013 suite à une loi d’habilitation autorisant le chef de l’Etat à gouverner par ordonnance, c’est à dire à prendre des mesures dans des domaines qui sont de la compétence du parlement. Difficile de ne pas parler ici de pouvoir personnel en parfaite contradiction avec les préceptes de la démocratie qu’il invoque à chaque occasion, mais que dans les faits, il n’hésite pas à violer.
En fin de compte, si Mr OUATTARA peut se satisfaire de cette manière théâtrale de procéder pour à la fois rassurer ses partisans et mieux régner, ces actions sont autant de gouttes d’eau qui peuvent noyer la réconciliation nationale, et c’est là tout le danger qui pèse sur la Côte d’Ivoire entière !
Jean KIPRE
Militant écologiste
France
Source URL: https://www.ivoirediaspo.net/etrange-appel-au-pardon/10205.html/
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