by Le Magazine de la Diaspora Ivoirienne et des Ami(e)s de la Côte d’Ivoire | 18 mai 2012 11 h 03 min
La civilisation hellénique a eu une contribution significative dans la civilisation universelle ; l’organisation très prochaine des jeux olympiques, dont l’origine remonte à la Grèce antique, en est une preuve tangible. Mais ironie du sort, au moment où tous les athlètes se préparent à investir les stades olympiques de Londres pour faire preuve de leurs capacités et prétendre obtenir les médailles tant convoitées après avoir manifesté leurs excellentes performances, le pays qui a donné naissance à ces jeux se trouve dans une situation économique et politique alarmante.
Le bon fonctionnement de l’Europe des six pouvait s’expliquer par des niveaux de vie et des taux de croissance très proches. Son succès résidait aussi dans le fait que ces pays avaient des niveaux de développement et de démocratie semblables.
L’Union Européenne veut aujourd’hui quant à elle, gérer une économie allemande forte et une économie grecque très faible, avec une même et forte monnaie, l’euro. Les européens croyaient bien faire en imposant l’euro aux états membres de l’Union; l’expérience grecque atteste que c’est un pari difficile à tenir.
La Grèce, comme beaucoup de pays africains francophones, n’a pas la possibilité de gérer sa monnaie en fonction des besoins réels de son économie d’une part, et d’autre part elle doit financer sa croissance par des emprunts extérieurs. Cette situation ne pouvait la conduire que là où elle est arrivée aujourd’hui, c’est-à-dire dans l’incapacité de faire face à une dette trop pesante.
Malheureusement, cette situation, qu’il faut souhaiter la plus courte possible pour la Grèce, est celle que vivent un grand nombre de pays d’Afrique francophone depuis 1960, année de leurs indépendances factices.
*Au plan politique, la France, l’ancienne puissance coloniale, qui, malgré la décolonisation, s’est maintenue politiquement, économiquement et même militairement dans ses ex-colonies, entretient un système de parrainage de Chefs d’Etat fantoches visant à perpétuer sa domination et à rompre avec les aspirations réelles des peuples africains.
L’impérialisme français fait l’apologie d’une version françafricaine des élections à la soviétique ; en témoignent les élections qui ont eu lieu au Burkina Faso pour installer le parrain-délégué de toutes les rebellions Ouest-africaines. C’est ainsi que la France empêche les peuples d’organiser des élections transparentes, crédibles et conformes aux normes occidentales.
De même, l’Union Européenne a dénié au peuple grec le droit de se prononcer par référendum sur son plan de redressement économique. Auparavant Merkel et Sarkozy avaient contraint le Premier Ministre grec à la démission, ce dernier ayant prôné une consultation populaire relative à ces mesures. Maintenant que, après les élections législatives de mai, la tendance politique opposée au plan de l’Union Européenne vient de l’emporter même si elle est dans l’incapacité de former un gouvernement, on peut s’interroger sur la prochaine réaction de l’Union Européenne.
La Grèce étant un pays européen, il n’y a pas de crainte qu’elle reçoive des bombes et des missiles pour l’obliger à appliquer le plan d’austérité à elle imposé.
En Afrique, le déni de démocratie s’est aussi manifesté contre Lissouba au Congo et ATT au Mali à deux mois de l’élection présidentielle. En Côte d’Ivoire, le refus par Sarkozy des résultats proclamés par le Conseil Constitutionnel l’atteste éloquemment.
*Au plan économique, Face à l’imbroglio grec, deux solutions se présentent : soutenir jusqu’au bout ce pays pour le maintenir dans la zone Euro ou l’encourager à sortir de l’euro pour qu’il puisse voler de ses propres ailes. La première solution semble être celle qui retient de plus en plus l’attention des leaders européens, pour maintenir toujours soudée l’union et pour éviter que d’autres pays ne soient tentés, à leur tour, de préférer l’indépendance monétaire.
S’agissant des pays africains, on constate tristement que seules les anciennes colonies françaises encore sous le diktat de la France ne peuvent espérer un jour devenir émergentes. La très grande majorité est embourbée dans un système où elle ne pourra que s’enfoncer davantage, sans lendemains meilleurs.
Ce système repose sur le mécanisme apparemment flatteur, mais au fond inique et dangereux de l’arrimage de leurs monnaies à l’euro sans aucune possibilité de réévaluation ou de dévaluation. Il se trouve que dans la situation de nos économies faibles, il était indiqué d’avoir une monnaie faible pour soutenir la compétitivité des produits sur le marché mondial où les produits agricoles américains et européens sont subventionnés et profitent donc d’un dumping déguisé. La réussite du Japon des années 70 et celle de la Chine d’aujourd’hui sont en partie dues à leurs faibles monnaies, maintenues à ce niveau par ces pays pour stimuler leurs exportations et améliorer la compétitivité de leurs économies. Il est vrai que les pays développés ont toujours déclaré que ces monnaies étaient sous évaluées. Il faut par conséquent aux pays africains mettre tout en œuvre pour sortir au plus vite du carcan du franc CFA. Aucun pays, pour se développer, ne peut confier la gestion de sa monnaie à un autre état, aussi puissant soit-il.
L’autre fondement de ce système est l’endettement dont la part intérieure est insignifiante. Le remboursement d’une dette extérieure colossale appauvrit les pays et les installe dans une quasi récession et même si croissance il y a, elle ne peut être accompagnée de développement. Un pays qui peine à payer sa dette et dont les salariés ont vu leurs revenus réduits de plus de la moitié (la Côte d’Ivoire hier sous le Premier Ministre Ouattara et la Grèce aujourd’hui) ne peut avoir les moyens de réaliser des investissements conséquents.
Les pays européens se trouvent dans l’obligation de sauver la Grèce pour se sauver eux-mêmes. Par contre, ils maintiennent les pays africains dans ce cercle vicieux d’endettements à des taux prohibitifs pour financer des opérations pas toujours rentables s’illustrant ainsi de manière cynique comme les usuriers de la finance mondiale.
Tout comme la Grèce ploie sous le poids de l’euro et de ses dettes, l’Afrique francophone a à ses pieds, le lourd boulet du Franc CFA, une monnaie en réalité française qui empêche les pays africains de se doter d’une économie monétaire dynamique et d’exploiter toutes leurs devises logées pour une grande partie au trésor français. Ces pays se trouvent ainsi dans l’incapacité de faire face à la dette comme la Grèce aujourd’hui, et sont obligés de toujours recourir à la Banque Mondiale et au Fonds Monétaire International pour se soumettre in fine à leurs différents programmes d’ajustement qui, du reste, ont suffisamment montré leurs insuffisances à impulser une véritable politique de développement aux pays africains. D’ailleurs, ces organisations et leurs programmes ne sont que des instruments des pays développés pour imposer leur diktat aux états africains, au profit de leurs multinationales. Pourquoi faut-il, par exemple en Côte d’Ivoire, augmenter les prix de l’électricité et de l’eau dans cette situation économique où les « solutions » sont devenues sources de misère et où les pluies de milliards n’arrosent que ceux qui les ont annoncées ? Ne peut-on pas faire payer l’eau et l’électricité à tous les ivoiriens comme c’était le cas avant le début de la rébellion suscitée par la France et ses multinationales en 2002? Faut-il voir là aussi une application de la politique de rattrapage au bénéfice de toute la région Nord de la Côte d’Ivoire ? Ou bien s’agit-il d’augmenter les bénéfices déjà mirobolants de la multinationale française Bouygues, détentrice du monopole de la distribution de l’électricité et de l’eau en Eburnie, pour services rendus à la rébellion ?
En conclusion, pour réussir, il faut aux leaders européens rechercher l’intérêt de l’Europe mais aussi l’intérêt de la Grèce. De même, pour le développement de l’Afrique, il faut que les puissances occidentales ne se focalisent pas sur leurs seuls intérêts mais tiennent compte aussi des intérêts des pays africains.
Les solutions à la crise grecque peuvent être sources d’intérêts pour les pays du continent noir ;c’est pourquoi les africains restent des observateurs attentifs de ce qui se passe en Grèce. Ils pourront utilement s’inspirer de la situation grecque quelle qu’en soit l’issue car la Grèce et bien des pays africains vivent des situations quasi identiques.
KOBAZEYRET Laurent
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