Politique ivoirienne position irréaliste

by Contribution | 21 décembre 2014 22 h 19 min

Je tiens et je ne lâcherai pas, j’irai jusqu’au bout car est en jeu notre capacité à faire prévaloir sur l’émotion notre capacité de discernement, car je ne veux pas céder au courant patrimonialiste et messianique » ainsi s’exprimait récemment Affi N’guessan pour justifier son opposition à la candidature de Gbagbo. Affi N’guessan veut faire prévaloir au FPI le discernement sur l’émotion afin de préserver le parti du danger patrimonialiste et messianique. « Bien vu et belle intention démocratique » jugerait un observateur impartial de la jeune démocratique ivoirienne !
Cette louable lucidité soulève cependant quelques questions car elle laisse sur sa faim celui qui chercherait à déterminer au FPI le projet de société qui autorise le rejet du patrimonialisme et du messianisme !
De quel courant idéologique se réclame Affi N’guessan au FPI ? Face au courant patrimonialiste et messianique, Affi N’guessan veut-il défendre un socialisme universaliste ? Prône-t-il un social-libéralisme ? Se réclame-t-il du national socialisme ou de l’ethno-nationalisme ?
Le FPI est loin d’être le seul parti où prévaut ce flou.
Au PDCI, on ne discerne pas clairement le programme politique et le projet de société de droite proposé par les factions opposées à l’Appel de Daoukro qui scellait l’unité d’une droite républicaine libérale. Un certain nombre de nouveaux candidats PDCI à la Présidentielle de 2015 se présentent comme les représentants légitimes des planteurs, et du PDCI authentique de Félix Houphouët Boigny. Mais on cherche vainement les valeurs démocratiques et le projet de société que ces candidats déclarent incarner. Et la revendication d’une certaine authenticité est pour le moins floue.

En quoi consiste cette authenticité du PDCI? En quoi Henri Konan Bédié la trahit-il? Et en quoi cette authenticité est-elle remise en cause par la politique libérale actuelle du gouvernement qui est issue d’une alliance (RHDP) du PDCI et du RDR bâtie sur un programme libéral commun ?
Ce questionnement est essentiel car le pluralisme démocratique justifie et légitime une candidature à part du PDCI à la présidentielle de 2015 à condition qu’un programme politique explicite, un projet de société précis, des valeurs morales et juridiques différentes de ce qu’applique actuellement le gouvernement lui donnent un sens.
Le parti au pouvoir n’est pas exempt de cette accusation de flou idéologique dont les partis d’opposition peuvent être justiciables. Aucune explication partisane, du type de libéralisme en ouvre en CI, n’a accompagné jusqu’ici la praxis du gouvernement. Le RDR s’est jusqu’à ce jour contenté d’attendre les rentes politiques du libéralisme technocratique et managérial fondé sur la priorité de l’investissement que le gouvernement a mis en ouvre pour reconstruire les infrastructures et promouvoir une redistribution centrée sur la démocratisation de l’entreprise privée. Ce devoir d’explication est, cependant, l’une de tâche des partis et des gouvernements dans les « démocraties de la particularité » de nos jours comme le signifie la notion de gouvernance.
Le constat de cette carence est identique du côté des petits partis d’opposition. Le social libéralisme du RPC d’Henriette Lagou, qui prônait un centrisme humaniste fondé sur la réconciliation des idéologies de droite et de gauche, et qui se proposait d’élaborer un projet de société alternatif, constitué par « l’alliance entre le capital et le social » ne s’est pas structuré dans un programme politique explicite et n’a pas été présenté au peuple ivoirien à travers un débat public. (cf. notre contribution intitulée Le problème du débat idéologique dans la Côte d’Ivoire préélectorale de 2014).
Tous les partis ivoiriens en sont restés aux stratégies instrumentales de conquête ou de reconquête du pouvoir ! Tout le débat politique public ivoirien s’est réduit aux discussions sur la reconstitution de la Commission électorale indépendante, sur la refonte des listes électorales. A l’aube de la Présidentielle de 2015, l’électorat ivoirien reste donc sur sa faim quant à la dimension substantielle de la démocratie qui est constituée par le débat idéologique et par le fait que les partis soient capables de décliner leurs programmes et de défendre l’idéologie et les valeurs éthiques et morales qui structurent leurs projets politiques respectifs.
Les partis politiques ivoiriens n’ont pas respecté l’impératif démocratique d’explicitation et d’élucidation pédagogique des programmes partisans qui permet aux électeurs de connaître les différentes conceptions du bien commun, soutenues par les candidats à la présidentielle, et les voies respectives qu’ils proposent pour défendre et servir l’intérêt général. Ils n’ont pas présenté au peuple ivoirien leur carte d’identité. Ils n’ont pas décliné clairement devant le peuple ivoirien leurs différents projets de société ainsi que les valeurs morales et juridiques qu’ils défendent. Ils ont réduit la démocratie à sa dimension procédurale. Seules ont prévalu les stratégies partisanes de prise électorale du gouvernement de l’État.
L’impératif de la réconciliation a permis étrangement d’occulter le débat politique public qui aurait permis de rassembler et de partager les valeurs démocratiques et républicaines grâce auxquelles la réconciliation aurait pu avoir lieu !
A l’aube de la présidentielle de 2015, on constate donc une inflation de candidatures sur un fond d’absence de valeurs républicaines et démocratiques partagées en commun, d’absence de programme politique partisan et de projet de société claire. Dans ce flou programmatique et dans cette confusion des identités partisanes, on n’entend plus que le bruit et la fureur des déclarations de candidatures à coloration tribale et régionaliste qui annoncent une campagne dominée par les affects, par l’ethnicisation et la personnalisation du débat politique.
Cette vacance de la controverse idéologique rationnelle, des projets de société et des valeurs démocratiques risque de placer l’émotion, les peurs, les manipulations et l’instrumentalisation des émotions et des peurs, au centre de la campagne présidentielle ivoirienne. En lieu et place de la concurrence des programmes, des valeurs et des projets de société de partis représentatifs soucieux de servir l’intérêt général de la société globale, on risque d’avoir la concurrence des démagogies, des propagandes et des procédures instrumentales de groupes et de factions animés par des intérêts strictement particuliers !
Il est donc urgent de réajuster la trajectoire afin de remettre le train de la jeune démocratie ivoirienne sur la voie de son perfectionnement

ivoiriens de l'étranger [1]

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