by Le Magazine de la Diaspora Ivoirienne et des Ami(e)s de la Côte d’Ivoire | 12 février 2014 12 h 46 min
On pourrait, à juste titre trouver cette question courante, banale voire normale dans la mesure où un président de la république peut, dans le cadre de ses activités, prérogatives et attributions habituelles de chef de l’Etat, se retrouver hors du territoire national. Cela ne devrait susciter aucun intérêt certain, aucune interrogation particulière. Cela parce que, tout naturellement, la constitution ivoirienne du 1er août 2000 a prévu ce cas de figure en son article 53 alinéa 2 en disposant clairement et sans ambages » Le premier ministre supplée le président de la république lorsque celui- ci est hors du territoire national ».
La clarté et la précision de cette disposition constitutionnelle interdisent décemment toute autre compréhension que ce qui est écrit.
Mais, si la question se pose aujourd’hui, c’est moins au regard du caractère habituel qu’inhabituel de la présence hors du territoire national du président de la république.
Il est peut- être prétentieux de vouloir distinguer là ou le constituant ivoirien n’a pas opéré de distinction.
Toutefois pour les besoins de cette réflexion, on pourrait s’autoriser une telle audace intellectuelle. Autrement dit, la loi fondamentale ne distingue pas le séjour habituel du séjour inhabituel du président de la république hors du territoire national.
Du coup, on retiendra que conformément à l’alinéa 2 de l’article 53, le premier ministre supplée le président de la république lorsque celui- ci est hors du territoire national. (que ce séjour soit habituel ou inhabituel). Le séjour habituel place le président de la république et le premier ministre dans un jeu de rôles clairs et précis dans un espace géographique donné, chacun en ce qui le concerne. Mais, lorsque le séjour se retrouve à être inhabituel, les acteurs ne changent certes pas, mais, le lieu change. Et il convient d’envisager des solutions. De quoi résulterait ce caractère inhabituel du séjour hors du territoire national? Comment pourrait- on l’apprécier? Au delà de toute considération, on pourrait qualifier d’inhabituel, un séjour qui se prolonge anormalement au regard des faits et circonstances qui se présentent au président de la république lors de sa présence hors du territoire national et qui sont de nature à avoir des effets sur l’exercice du pouvoir d’état dont il est le détenteur exclusif.
Du coup, l’espace d’exercice du pouvoir change dans la mesure le président de la république et le premier ministre se retrouvent, par la force des choses, de manière inhabituelle hors du territoire national. Ce caractère inhabituel du séjour peut résulter de plusieurs faits qui, prolongeant le séjour hors du territoire national du président de la république, exigent ou entraînent un séjour exceptionnel hors du territoire national du premier ministre. On est quand même en droit de se demander ce qui est prévu lorsque le cas de figure se présente? C’est à dire lorsque président de la république et le premier ministre qui est censé le suppléer est aussi, au même moment et en même temps hors du territoire national même de manière temporaire?
Parce qu’en principe pour que l’alinéa 2 de l’article 53 déploie tous ses effets, il faut que le titulaire principal du pouvoir à savoir le président de la république soit hors du territoire national et que le bénéficiaire exclusif dudit pouvoir qu’est le premier ministre à sa qualité de suppléant soit dans le même temps sur le territoire national. On pourrait même dire que la suppléance ne joue pas lorsque le président de la république et le premier ministre sont tous deux sur le territoire national de même quand ils se retrouvent également tous les deux hors du territoire national. En d’autres termes, la suppléance ne peut jouer que si l’un, le président de la république est hors du territoire national que l’autre, le premier ministre est lui, sur le territoire national. Ils ne peuvent pas tous les deux être en même temps ni hors du territoire national ni sur le territoire national. Pour que Le premier ministre puisse suppléer le président de la république, il lui faut être sur le territoire national tandis que le président de la république, lui est hors du territoire national.
L’intérêt de la suppléance tient en ceci qu’il sert à éviter les conflits entre le titulaire principal du pouvoir et le bénéficiaire exclusif de ce pouvoir dans un espace géographique donné, lesquels ne peuvent se retrouver dans le même espace au même moment.
C’est pourquoi, lorsque le président de la république et le premier ministre sont tous les deux hors du territoire national, L’alinéa 2 de l’article 53 ne joue pas. Cette disposition ayant désigné nommément le premier ministre, est exclut tout autre membre du gouvernement. Le premier ministre garde ainsi une certaine prééminence voire un privilège certain sur les autres membres du gouvernement en matière de suppléance là où il se retrouve en concurrence avec eux sur les délégations de pouvoirs du président de la république aux membres du gouvernement. ( art 53 alinéas suivants) C’est à cette occasion, seulement à celle- là, que le président de la république peut, par décret, déléguer au premier ministre la présidence le conseil des ministres sur un ordre du jour précis. ( article 53 alinéa 2 in fine).
Au total, au regard de l’article 53 alinéa 2 de la constitution du 1er août 2000, le premier ministre supplée le président de la république lorsque celui- ci est hors du territoire national. Pour ce faire, le premier ministre devra être sur le territoire national. Si tel n’est pas le cas et étant entendu que c’est la seule personnalité constitutionnelle à suppléer le président de la président de la république en cas d’absence hors du territoire national, le pouvoir reste constitutionnellement entre les mains de son titulaire principal le bénéficiaire s’étant retrouvé dans le même espace que lui. Tant que cet espace est national, il ne se pose aucune difficulté particulière. Mais, lorsque cet espace se trouve être hors du territoire national, on est en droit de se nourrir de questionnements sur la continuité des fonctions de président de la république sur le territoire national en l’absence du titulaire du pouvoir et de son suppléant.
Un séjour anormalement long du président de la république hors du territoire national, provoquant par conséquence la présence hors du territoire national du premier ministre, pourrait nous amener à concevoir un scénario imaginaire selon lequel le président de la république a emporté avec lui, hors du territoire national son pouvoir (il en est le détenteur exclusif du pouvoir exécutif en vertu de l’article 41 al1 de la const.) et le bénéficiaire exclusif de ce pouvoir. (suppléance conformément à l’article 53 al1 de la const.)
Par Badjo Dagbo[2]
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