by Le Magazine de la Diaspora Ivoirienne et des Ami(e)s de la Côte d’Ivoire | 22 février 2011 19 h 01 min
C’est officiel: Jacob Zuma, président de l’Afrique du Sud, a l’intention «d’exposer ses vues» sur la Côte d’Ivoire à Nicolas Sarkozy, son homologue français, lors de sonprochain voyage à Paris les 2 et 3 mars 2011.
Reflet d’un certain malaise, ces idées tiennent pour l’instant en une phrase mal tournée, émanant du ministère sud-africain des Affaires étrangères:
«Tandis que nous respectons les vues de nos amis en dehors du continent, nous aimerions qu’ils sachent que les Africains souhaiteraient plutôt avoir l’opportunité de gérer les problèmes africains, soutenus par les amis en dehors du continent, mais pour l’essentiel la solution doit venir des dirigeants africains eux-mêmes.»
En clair, «fichez-nous la paix, la France n’a rien à voir là-dedans». Une position qui, une fois décryptée, paraît nettement favorable à Laurent Gbagbo, président sortant de Côte d’Ivoire, qui se pose en nationaliste africain victime d’un complot franco-américain depuis qu’il a perdu la présidentielle du 28 novembre face à Alassane Ouattara.
Cet argument porte en Afrique du Sud, où les anciens «combattants de la liberté» du Congrès national africain (l’ANC, parti au pouvoir) ont tendance à analyser les situations africaines à travers le prisme de leur propre histoire.
Une dépêche de l’Agence de presse sud-africaine (Sapa) signale le 17 février que «la position de l’Afrique du Sud a changé» sur la Côte d’Ivoire. En quoi? Mystère et boule de gomme.
Là encore, il faut savoir lire entre les lignes avant de comprendre que la grande nouveauté tient en cette petite phrase: «Nous n’avons pas de favoris». Une déclaration faite par Maite Nkoane-Mashabane, la ministre sud-africaine des Affaires étrangères. Les mots comptent, dans la guerre des nerfs et de l’opinion qui se joue depuis bientôt trois mois en Côte d’Ivoire.
Ils comptent d’autant plus que Jacob Zuma représente, avec Blaise Compaoré, président du Burkina Faso et grand allié d’Alassane Ouattara, le seul poids vraiment lourd du panel de cinq chefs d’Etat chargé par l’Union africaine (UA) de régler la crise en Côte d’Ivoire avant la fin de ce mois.
Pretoria, donné jusqu’à présent comme solidaire avec Laurent Gbagbo, n’aurait donc «pas de favori». Mais le gouvernement sud-africain n’a pas clairement dit s’il revenait sur sa reconnaissance de la victoire d’Alassane Ouattara, faite dans la foulée de l’UA en décembre.
Seule certitude: vue d’Afrique du Sud, la Côte d’Ivoire représente ce qui se fait de pire dans la «French Africa». Une Afrique où la présence de militaires français dans les rues d’Abidjan avait profondément choqué Thabo Mbeki, ancien président sud-africain, lors de ses premiers séjours en Côte d’Ivoire lorsqu’il y faisait office de médiateur après la crise de 2002.
Maite Nkoane-Mashabane n’est pas entrée dans les détails sur sa gestion de la crise ivoirienne. Elle a indiqué avoir été contactée par les partisans des deux camps rivaux en Côte d’Ivoire, et obtenu des deux côtés la promesse de se conformer à la solution du panel des chefs d’Etat africains, «quelle qu’elle soit».
L’Afrique du Sud, en affichant sa neutralité, semble avoir entendu les nombreuses critiques suscitées par la présence de l’un de ses navires de guerre au large des côtes ivoiriennes. Sa première explication —l’hébergement d’un éventuel face-à-face Ouattara-Gbagbo à bord de la frégate SAS Drakensberg, comme jadis la rencontre Kabila-Mobutu à bord de l’Outeniqua— n’a pas tenu la route.
Elle ne valait de toute façon pas «le poids du poil de la plume d’un colibri-abeille», selon le journal burkinabé Le Pays. On apprend maintenant que la frégate —qui ne se trouve plus au large de la Côte d’Ivoire— n’y avait été envoyée qu’en vue d’un banal plan d’évacuation des Sud-Africains de Côte d’Ivoire, une communauté qui se limite, peu ou prou, au personnel de l’ambassade…
«Si les gens de Ouattara et de Gbagbo disent maintenant, ensemble, qu’ils ont besoin d’aide pour sortir de cette crise politique, je pense plus avisé de se concentrer sur cet aspect et de les aider à s’en sortir», a expliqué le 17 février la ministre sud-africaine des Affaires étrangères devant le Parlement de son pays, au Cap. «Ce sont eux qui ont dit qu’ils ne voulaient pas discuter à nouveau des élections, ils veulent aller de l’avant parce qu’ils réalisent qu’il y avait quelques anomalies au sujet des élections».
Comprendre: il ne sera plus question de la présidentielle qui a si bien tourné en crise, lors de la visite à Abidjan, mardi 22 février, du panel des chefs d’Etat africains. Et l’on ne saura sans doute jamais à quelles «anomalies» la ministre fait référence…
S’agit-il des fraudes tant décriées par le régime Gbagbo, sur la base desquelles le Conseil constitutionnel a annulé 600.000 voix dans sept départements du Nord du pays? Ou bien des deux résultats contradictoires de l’élection; le premier, certifié par les Nations unies, donnant 54,1 % des voix à Ouattara, et le second 51,4 % à Gbagbo?
Dans ces conditions, seuls les extralucides peuvent se faire une idée de la solution que préconisera Jacob Zuma… A moins de regarder du côté du Zimbabwe, où l’Afrique du Sud a poussé en faveur d’un partage du pouvoir entre Robert Mugabe et son opposant Morgan Tsvangirai après l’élection très contestée de mars 2008.
Ce qui n’empêche pas le président d’Afrique du Sud d’appeler, une nouvelle fois, à la «fin des violences» dans un pays qui prépare une présidentielle anticipée —Mugabe étant bien décidé à ne plus partager le pouvoir…
Dernière indication pour le moins sybilline de la ministre sud-africaine des Affaires étrangères:
«Ce n’est pas notre affaire de tirer les Ivoiriens en arrière, mais plutôt de les aider à aller de l’avant».
Reste à savoir comment.
Sithando Sam
slateafrique.com
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