BBC – Quelle est votre analyse de la situation de la Côte d’Ivoire ?
AFFI – Sur le plan politique, la réconciliation nationale est en panne. L’insécurité n’est pas jugulée, les reformes institutionnelles tardent à venir. Le cadre électoral n’est pas garanti, l’économie a du mal à redémarrer.
BBC – Les autorités disent, par exemple, que vous devez faire amende honorable. Qu’en dites-vous ?
AFFI – Tout le monde doit faire amende honorable, tous les hommes politiques. La division actuelle du pays n’est pas l’œuvre d’un seul camp comme on tente de le faire croire. Ce sont les conséquences d’un certain nombre d’affrontements, d’incompréhensions, depuis une vingtaine d’années. C’est pourquoi, nous avons proposé les états généraux de la République, pour que nous puissions faire à la fois le travail de deuil, par rapport aux violences que nous avons connues. Ce travail doit se faire dans la vérité. Il faut que ceux qui sont accusés s’expliquent. Et ceux qui accusent apportent les preuves. Tout ceci pour fonder un nouveau contrat social sur toutes les questions qui nous ont jusque-là divisés. Il nous faut un consensus, sur l’éligibilité, sur le foncier, sur la nationalité, sur la situation des étrangers.
BBC – Quand on tient ce genre de forum, chacun dit la vérité par rapport à tout ce qu’il a sur le cœur. Qu’aurait le Fpi comme mea-culpa à faire ?
AFFI – Bien, quand le forum viendra, nous aurons l’occasion d’aller largement dans la communication. De l’autre côté, ce que les uns et les autres peuvent nous reprocher, ils le diront, pour éventuellement situer ce qu’ils considèrent comme notre responsabilité dans ce qui est arrivé. Mais dans tous les cas, ce que nous pouvons garantir, c’est que nous serons dans une logique de réconciliation. Nous reconnaitrons nos torts s’ils sont avérés. Nous dirons aussi notre part de vérité en ce qui concerne les torts et les pratiques des autres.
BBC – Le gouvernement demande à ce que Mme Simone Gbagbo soit jugée en Côte d’Ivoire et non à la Cpi. Pensez-vous que la justice ivoirienne a la possibilité de le faire au lieu qu’elle aille à la Cpi ?
AFFI – Pour nous, le gouvernement s’est rendu compte que cela a été une erreur d’avoir engagé la résolution de la situation de la Côte d’Ivoire dans une logique de justice pénale, de partialité et de répression. Il faut donc nécessairement réviser cette logique et s’engager dans une autre voie. Et la voie que nous proposons, c’est la voie de la justice transitionnelle. À cette fin, il faut aussi agir pour que le Président Laurent Gbagbo soit libéré et qu’il revienne prendre sa place et jouer le rôle que le pays attend de lui dans la réconciliation nationale.
BBC – Trouvez-vous que la libération de Laurent Gbagbo est un objectif réaliste, parce que ce n’est pas la Côte qui décide de son sort ?
AFFI – C’est sûr que ce n’est pas la Côte d’Ivoire qui décide. Mais la communauté internationale a à cœur d’aider la Côte d’Ivoire à sortir de l’insatiabilité. Pour cela, je ne pense pas que la communauté internationale mettrait des entraves à favoriser une telle perspective.
BBC – Vous avez effectué une grande tournée un peu partout dans le pays et vous continuez. Comment avez-vous trouvé vos militants sur place ?
AFFI – Les militants se sont rendu compte que les choses avancent positivement et que la peur recule. Depuis notre sortie, il y a une sorte de décrispation générale. Et cette décrispation, il faut l’amplifier.
BBC – Dans vos tournées, vous avez des propos très durs contre le pouvoir relayés par la presse. Est-ce que ce n’est pas une manière de mettre de l’huile sur le feu plutôt que d’aller vers la réconciliation ?
AFFI – Il vaut mieux des critiques que les armes. La critique favorise la bonne gouvernance.
BBC – Donc pour vous, doit-on dire que cette critique s’inscrit dans la dynamique qui a commencé avec le début du dialogue direct avec le pouvoir ?
AFFI – La vérité dans la vision des choses, elle sera aussi dite au cours du dialogue.
BBC – Vous avez passé presque deux ans en prison. Est-ce que vous en voulez aujourd’hui aux autorités ?
AFFI – Je l’ai déjà dit. Je ne suis nullement pas dans une logique de vengeance, ou d’amertume. Ce qui est passé est passé.
BBC – Pensez-vous que vos militants sont dans le même état d’esprit que vous ?
AFFI – Si les leaders politiques eux-mêmes abandonnent la logique de la vengeance, ils trouveront les mots justes pour leurs militants à adhérer à cette voie.
BBC – Serez-vous candidat à la présidentielle de 2015 ?
AFFI – Ce n’est pas une question personnelle. C’est une question du parti politique. Le Président Gbagbo Laurent lui-même est en prison, il faut qu’il sorte, c’est cela qui est notre premier agenda. Si nos camarades qui sont en exil ne rentrent pas, et si d’autres sont encore en prison au moment des élections, nous n’avons pas d’autres arguments pour
justifier une participation à une élection.
BBC – L’objectif du Fpi est la reconquête du pouvoir en 2015, donc a priori vous aurez un candidat en 2015 ?
AFFI – Si toutes les conditions sont réunies, nous aurons un candidat. Notre ambition est de reconquérir le pouvoir à l’occasion de la prochaine élection présidentielle.
Interview retranscrite par Gbagbo Leader