L’opposition ivoirienne, dont le FPI (Front Populaire Ivoirien) est la principale figure de proue, va-t-elle encore verser dans ce qui – jusqu’ici – n’a été qu’une démarche quasiment infructueuse ? C’est-à-dire, rester-là, à pleurnicher sur l’arrestation de l’un de ses membres par le régime névrotique d’Abidjan ?
La question circule sur les lèvres, dans la capitale Abidjanaise où, de nombreuses voix s’élèvent de plus en plus pour dire que la récente arrestation de Koua Justin, président de la JFPI (jeunesse du FPI) est « la provocation de trop ». Une provocation face à laquelle l’opposition ne doit plus rester passive.
Mais, l’approche qui mérite ici d’être faite est, non pas de dénoncer l’apparente passivité du FPI, mais de se demander si le FPI a aujourd’hui, la possibilité de mener des actions d’envergure sur le terrain, pour réclamer la libération ou du moins, protester contre les arrestations arbitraires et les détentions abusives de ses membres, dans un contexte où le régime en place – totalement sourd aux critiques et aux dénonciations – a la dangereuse manie de confondre « démocratie » et « verser du sang » ? En d’autres termes, le FPI peut-il actuellement user – en toute liberté – de tous les moyens démocratiques dont il a normalement droit, dans un Etat qui s’estime démocratique ?
Le constat
Depuis le changement brutal de régime – genre bombes françaises – survenu en Côte d’Ivoire, l’opposition n’a jamais pu organiser une manifestation digne de ce nom. A part – bien sûr – les meetings de Koumassi et Yopougon place Ficgayo, qui ont pris brutalement fin avec l’irruption de bandes de voyous – sans doute sous l’effet de substances hallucinogènes – et dont les intérêts convergeaient naturellement avec ceux du régime en place. A savoir empêcher l’éclatement de la vérité à travers la mobilisation de la masse. Depuis l’avènement d’Alassane Ouattara à la tête de la Côte d’Ivoire, toutes les manifestations d’envergure projetées par l’opposition, sont sournoisement et systématiquement frappées d’interdiction. Plus cynique encore. La stratégie totalitaire du régime d’Abidjan ne se limite pas qu’à interdire les manifestations. Elle vise aussi et résolument à mettre sous l’éteignoir les acteurs politiques qu’il juge potentiellement « dangereux ».Donc qui pourraient contribuer à la mise en place d’une opposition forte, capable de compromettre son sombre projet d’accaparement du pouvoir.
Au nombre de ces acteurs, Koua Justin, président de la JFPI, très en verve – ces derniers temps – contre le régime d’Alassane Ouattara. Certes, on le savait dans le collimateur du pouvoir, et les risques qu’il soit arrêté ne faisaient plus de doutes, tant il troublait le sommeil des républicains par ses déclarations. Mais la coïncidence, après quelques jours de la décision des juges de la CPI d’ajourner l’audience de confirmation / infirmation des charges contre Laurent Gbagbo, est frappante.
Dans un tel contexte, Koua Justin apparait comme celui qui devait subir les foudres d’un régime plongé – à la fois – dans une noire colère et une grosse frayeur, après l’annonce de la décision des juges de la CPI. Il devient ainsi l’homme sur qui le régime tortionnaire d’Abidjan devait passer sa colère pour se calmer.
Au-delà du cas « Koua Justin », de toutes ces arrestations et ces détentions illégales des membres de l’opposition, la vraie question qui mérite d’être posée, est et demeure celle se rapportant à leur statut : sont-ils, des prisonniers politiques ou des prisonniers de droit commun ?
L’on se souvient encore qu’à cette question, le régime Ouattara avait répondu par la voix de son ministre de la justice, Coulibaly Gnenema : « Il n’y a pas de prisonniers politiques en Côte d’Ivoire ». Fournissant au passage toute une panoplie de chefs d’accusations farfelus : « crimes économiques et atteinte à la sûreté de l’Etat ; le génocide, le crime contre la population civile, les meurtres, assassinats, crimes contre les prisonniers de guerre, coups et blessures volontaires, complicités, coaction et tentative de toutes ces infractions, voies de fait ; vols qualifiés, incendie volontaire d’immeubles, dégâts volontaires à la propriété immobilière d’autrui, complicité, constitution de bandes armées, participation à un mouvement insurrectionnel, atteinte à l’ordre public, coalition de fonctionnaires, rébellion, usurpation de fonction, tribalisme, xénophobie, coaction et tentative de toutes ces infractions ».
Deux ans après, l’on attend toujours de voir les preuves irréfutables des motifs pour lesquels ces opposants sont encore en prison. Il faut ne faut surtout pas perdre de vue qu’en Côte d’Ivoire, il y a eu une guerre qui a mis aux prises deux camps. Et que, curieusement, seuls les membres d’un seul camp sont poursuivis, par la seule volonté d’un régime, à la fois juge et partie. Car ce régime, n’est-il pas – d’une part – tout aussi coupable dans cette guerre ? D’autre part, quelles preuves nous fournit-il – bien entendu, en dehors des bombes de l’armée française et du soutien aveugle de la communauté dite internationale – pour justifier la victoire de son mentor au sortir de l’élection présidentielle de 2010 ?
Les réponses à ces questions suffiraient amplement – à elles seules – à justifier la détention de tous ces prisonniers de l’opposition. Hélas, la force, la violence, la barbarie, la loi du plus fort ont eu raison de la démocratie en Côte d’Ivoire.
Pendant ce temps et en attendant la fabrication des preuves – tout aussi farfelues – contre lui, Koua Justin vient d’être arrêté… que dis-je, enlevé. Car, lorsque des dizaines de policiers et gendarmes font irruption au siège d’un parti politique, mettent la main sur un homme sans donner aucune raison valable et le conduisent manu-militari, vers une destination inconnue, comment peut-on appeler cette sauvagerie ?
Après la dissipation des fumées dues aux bombes larguées par l’armée française, pour l’avènement d’un régime, on voit un plus clair dans cette sombre machination visant à faire croire que tous ces pro-Gbagbo emprisonnés sont des prisonniers de droit commun. Pourquoi eux et pas les autres, qui eux, ne sont visiblement pas exempts de tout reproche ? Il y a manifestement de la part des tenants du régime d’Abidjan, une volonté – tout comme c’est le cas pour Laurent Gbagbo à la CPI – de réduire l’opposition à néant. En la privant de ses membres – les plus influents, les plus enclins à gêner leurs plans égocentriques.
A la vérité donc, nous sommes en face de prisonniers politiques. D’hommes et de femmes dont le seul tort est d’avoir mis leurs compétences au service de leur pays ; d’hommes et de femmes détenus pour leurs opinions, mis aux arrêts afin de ne point venir empêcher le régime d’aller en roue libre vers ses sombres desseins.
A ce rythme, l’on de se demande encore où est « le démocrate policé » dont les médias occidentaux nous ont rabattus les oreilles, des années durant, à propos d’Alassane Ouattara?
Ces mêmes médias ont toujours eu la fâcheuse tendance à faire croire à l’opinion qu’en Afrique, celui qui bénéficie du soutien de la communauté dite internationale, est majoritaire. Ce qui est manifestement, archi faux.
En Côte d’Ivoire, il y a un groupuscule qui, fort du soutien de ses parrains occidentaux, use de la violence et d’une barbarie inouïe dont elle s’est montrée capable durant la crise post-électorale, pour continuer à semer et entretenir la terreur, la psychose au sein de la population, notamment de l’opposition, pour l’empêcher de s’exprimer librement. En Côte d’Ivoire, des hommes armés en tenus, des dozos (chasseurs traditionnels venus du nord) armés jusqu’aux dents, parés d’accoutrements effrayants, se promènent librement dans les rues, écument villages et hameaux, y dictent leurs lois, y règnent en maitres absolus, en toute impunité, avec la bénédiction tacite du régime en place. Malheur à quiconque oserait contrarier le régime dont ils ne répondent qu’aux seuls ordres !
Ainsi, des barbares sont en liberté, alors que des cadres talentueux sont traqués comme des pestiférés ou tout simplement jetés en prison, parce que appartenant à un camp jugé mauvais, celui de Laurent Gbagbo. Ainsi va la démocratie sous Alassane Ouattara.
Koua Justin, opposant jugé trop « remuant », a fini par être enlevé sans motif valable. Ce jeune, mais farouche opposant, a fini par être fait prisonnier par le régime Ouattara. Cela n’est rien d’autre que la parfaite illustration que ce régime ne veut pas d’une opposition forte. Son but est plutôt de faire de la collection de prisonniers politiques, son cheval de bataille.
La Commission des questions juridiques et des droits de l’homme de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, nous éclaire sur le sujet: « L’existence de prisonniers politiques est la preuve tangible d’un dysfonctionnement de la démocratie». Au regard de ce qui précède, de quelle démocratie peut-on encore bien parler en Côte d’Ivoire, sous l’ère Alassane Ouattara ?
Marc Micael
marcmicael@yahoo.fr