Dis-moi comment tu prends le pouvoir et je te dirai comment tu gouvernes!!!
1932, le jeune médecin Félix HOUPHOUET-BOIGNY, excédé par l’accaparement du fruit du travail des paysans par les colons, a poussé ce cri de cœur « on nous a trop volé ». Ce cri a été précédé de l’occupation militaire du territoire ivoirien par l’armée coloniale française après l’arrestation, l’exécution ou la déportation des souverains de plusieurs royaumes sur le territoire ivoirien dont Kadjo Amangoua au Sud, Kouamé Dié et Akaffou Bularé (homme de fer) au centre, Zokou Gbeuly à l’ouest et Samory Touré au Nord.
1960, s’appuyant sur le Syndicat Agricole Africain et le PDCI-RDA, Félix HOUPHOUET-BOIGNY conduit la Côte d’Ivoire à l’indépendance. Pour se donner les moyens de financer le développement du jeune État de Côte d’Ivoire, il s’appuie sur les ressources générées par la Caisse de stabilisation des prix du cacao et du café (CAISTAB) qui avait remplacé les colons dans la chaîne de production et de commercialisation du Cacao.
La maîtrise de la production et la commercialisation du cacao par la CAISTAB permettait d’améliorer la part du paysan dans les revenus de la filière. La flambée des prix des matières premières à la fin des deux guerres a permis l’augmentation du fonds de souveraineté généré par la CAISTAB. Cela a conduit au développement « miraculeux » de la Côte d’Ivoire de 1960 à 1980.
Cependant, le cours très bas du cacao dans les années 80 a perturbé la stratégie de développement basée sur le fonds souverain de la filière café-cacao. Ce qui a eu pour conséquence un surendettement qui finira par reléguer la Côte d’Ivoire dans la catégorie des Pays Pauvres Très Endettés(PPTE).
1988, dans une rage qui ressemble à celle de 1932, le Président HOUPHOUET-BOIGNY lance un cri de colère: « Ils nous volent notre cacao ! Maintenant on ne vend plus ». Il décide alors de répéter l’exploit de 1932, en gelant la vente du cacao ivoirien pour faire remonter les cours de cette matière première sur le marché mondial. Contrairement à 1932, cette fois-ci, la stratégie échoue. Les multinationales de négoce du cacao notamment le groupe français Sucres et Denrées et le groupe américain Philip Brothers basé à Londres dont les principaux acteurs créeront plus tard Armajaro, à coup de divisions et de pressions de toute sorte, remportent la bataille en 1988. Il faut souligner que le caractère périssable de la fève du cacao et l’absence de structure de stockage pour maintenir la qualité du produit ont beaucoup aidé les négociants dans leur bataille. Le Président HOUPHOUET est contraint de diviser par deux le prix d’achat au producteur.
Le Président HOUPHOUET perd le combat, mais décide de continuer la guerre en tirant les leçons de la défaite. Il prend ainsi en compte les deux paramètres essentiels qui sont : Le caractère périssable de la fève de cacao et la toute-puissance des intermédiaires que sont les multinationales du négoce. Ces derniers, sentant la détermination du « Vieux », décident avec l’appui des États occidentaux et des bailleurs de fonds, d’imposer la libéralisation et la privatisation de l’économie ivoirienne.
En violation de la Constitution ivoirienne, les bailleurs de fonds et les pays occidentaux imposent un Premier Ministre issu de leur rang à la Côte d’Ivoire: Monsieur Alassane Dramane OUATTARA. S’ouvre alors une période de privatisations et de libéralisation à outrance entraînant le dépouillement des prérogatives de la CAISTAB et le retour en force des entreprises coloniales sous la nouvelle dénomination de multinationales.
1992,pendant que Monsieur Ouattara prône la sortie de l’État ivoirien du secteur productif, privatise et libéralise à tour de bras en autorisant la prise de participations des multinationales dans la commercialisation interne du cacao, le Président HOUPHOUET maintient la CAISTAB et décide de construire une usine de cacao en Chine pour assurer le broyage des fèves. Cette politique délibérée du « Vieux »visait à contourner les multinationales du négoce et le caractère périssable de la fève par une implantation sur le marché international.
1993, le Président HOUPHOUET meurt et Monsieur OUATTARA s’en va après avoir tenté vainement de se maintenir au pouvoir. Monsieur BÉDIÉ, Président de l’Assemblée Nationale, assure l’intérim comme le stipule la constitution ivoirienne. Le 11 janvier 1994, le Franc CFA est dévalué. Le Président BÉDIÉ maintient le programme de privatisations et de libéralisation. Tous les grands négociants du cacao se retrouvent alors en Côte d’Ivoire avec plusieurs réseaux de ramifications politiques.
NOVEMBRE 2000, Monsieur Laurent GBAGBO est élu et investi Président de la République avec un slogan : « Donnez-moi le pouvoir pour que je vous le rende ». Cela implique, pour le secteur du cacao, le contrôle interne et externe de la filière par les paysans associés à l’État. L’objectif stratégique est donc de contrôler au moins 80% du commerce interne et externe du cacao, de maîtriser la transformation, de capter les marges intermédiaires sur le cacao au profit des paysans et développer une capacité d’influence sur le cours mondial du cacao. Une réforme de la filière est entreprise fondée sur cet objectif. Les positions des multinationales du négoce dont Armajaro sont donc menacées sur le marché à terme du cacao. Une course contre la montre pour le contrôle interne et externe du cacao s’engage entre deux entités, l’État et les paysans d’un côté et les multinationales de négoce dont Armajaro de l’autre.
AVRIL 2002, le Président Laurent GBAGBO dirige une délégation en Chine pour négocier des accords de coopération avec ce pays. Dans le panier des accords, l’usine de cacao en Chine, l’usine de montage de véhicules, de machines agricoles en Côte d’Ivoire, l’hôtel des Parlementaires, une ligne aérienne directe entre la Chine et la Côte d’Ivoire et des projets routiers.
JUILLET 2002, des révélations confidentielles du journaliste franco-canadien GUY ANDRÉ KIEFFER, publiées plus tard en octobre 2002, font état d’un financement de groupes de rebelles basés au BURKINA FASO et au MALI pour un montant de 30 milliards de FCFA par Armajaro. Ces opérations de déstabilisation, visaient à empêcher la sortie du cacao ivoirien pour provoquer ainsi une flambée des cours mondiaux du cacao. Cette manœuvre a permis à Armajaro de vendre à un prix très élevé son stock de cacao détenu aux USA et d’engranger des bénéfices importants (400 à 500 milliards de FCFA) pour 30 milliards de FCFA investis dans la rébellion.
SEPTEMBRE 2002, la Côte d’Ivoire connaît un coup d’État manqué qui se transforme en rébellion armée. Le pays est coupé en deux. Ce nouveau contexte suspend alors la mise en œuvre des réformes. Une bonne partie du cacao est livrée aux multinationales, à travers un marché parallèle, grâce à la contrebande des rebelles.
DÉCEMBRE 2010, après plusieurs accords de paix, le Président Laurent GBAGBO réélu, est investi Président de la République de Côte d’Ivoire par le Conseil Constitutionnel à l’issue du deuxième tour des élections présidentielles. Son adversaire Alassane OUATTARA est proclamé vainqueur des élections présidentielles par la communauté internationale sous l’activisme de Nicolas SARKOZY DE NAGY BOSCA. Une crise postélectorale s’ouvre. L’Union européenne décide du blocus du port d’Abidjan et gèle ainsi les exportations du cacao. Elle décide de la fermeture des banques européennes en Côte d’Ivoire et de la banque centrale (BCEAO) pour empêcher tout achat intérieur du cacao. Le but de la manœuvre était d’asphyxier le nouveau pouvoir de Laurent GBAGBO et d’assurer le pillage du cacao par des négociants via le Burkina-Faso avec la bénédiction de Blaise COMPAORÉ en vue de mobiliser le financement nécessaire pour une nouvelle attaque armée de la Côte d’Ivoire.
En réponse à cette énième manœuvre de déstabilisation de la Côte d’Ivoire, le gouvernement réquisitionne la Banque Centrale, s’approprie la commercialisation du cacao, prend le contrôle des banques européennes fermées et entre en négociation avec des partenaires stratégiques des pays émergents. Une course contre la montre s’installe donc entre le gouvernement et les multinationales européennes pour le contrôle interne et externe du cacao, l’objet de la bataille.
LE 28 MARS 2011, l’armée onusienne et une cohorte de mercenaires de la CEDEAO, recrutés par Messieurs Ouattara et Compaoré et entraînés par la France, attaquent la Côte d’Ivoire en violation du cessez-le-feu instauré depuis 2003 par l’ONU et sous sa surveillance supposée. Ils détruisent tous les acquis de la période postcoloniale : école, administration, centre de santé, biens publics et souvent privés jusqu’à Abidjan. Dans l’impossibilité de prendre Abidjan, la France de SARKOZY, dans les habits du tristement célèbre Bob Denard, prend possession de l’aéroport d’Abidjan et fait débarquer un contingent de Légionnaires de l’armée française. Un déluge de bombes s’abat sur la résidence du Chef de l’État et sur les derniers symboles de la Côte d’Ivoire indépendante et souveraine : la télévision, les camps militaires, l’université. Tous les chars Russes de l’armée ivoirienne sont détruits sauf les chars français.
Le Chef de l’État, élu par les Ivoiriens et constitutionnellement investi, est arrêté le 11 avril 2011 par les forces françaises et déporté à la prison de La Haye, pour installer Monsieur Ouattara l’élu de la communauté internationale, déchirant ainsi le symbole des symboles d’un État souverain : la Constitution.
Un gouvernement officieux composé des parents de Monsieur Ouattara et de retraités français est mis en place à côté du gouvernement officiel avec un Premier Ministre ne faisant que de la figuration et des ministres servant de doublure à ceux qui prennent les réelles décisions au Palais.
En remplacement d’Armajaro dont la mission est terminée, quatre sociétés écrans (SONEMAT, AFRICA SOURCING, AGRICULTURAL COMMODITIES, AGRO WEST AFRICA) sont créées. Ces sociétés sont pilotées depuis le Palais par la « familia » et gérées entre autre par l’ancien Directeur Afrique d’Armajaro qui n’est autre que le fils de Mme Ouattara détenteur d’AFRICASOURCING. Selon la DGSE, 71 comptes bancaires logés dans plusieurs banques à l’étranger appartenant à une multitude de françafricains sont crées pour recevoir des commissions et retro-commissions et acquérir des armes en vue des élections de 2015.
Dans ce dispositif de vol à mains armées, les quatre sociétés écrans vendent par anticipation le cacao aux multinationales et achètent au rabais ou exproprient le cacao aux paysans sous la menace des Forces Républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI), qui, hier encore étaient des rebelles. Les marges de ces transactions sont redistribuées et virées sur les multiples comptes en règlement des commissions et rétro commissions. 72 milliards de FCFA sont consacrés à acquérir des armes pour occuper la Côte d’Ivoire afin de réprimer toute velléité d’alternance en 2015 et continuer le vol à mains armées, soit un peu plus du double de ce qu’il a fallu à Armajaro pour occuper la moitié Nord du pays en 2002 pour voler du cacao, des noix de cajou, du diamant et du coton de 2002 à 2010.
Les paysans sont spoliés et s’appauvrissent un peu plus chaque jour. L’État ivoirien, privé de ses ressources qui étaient sous Houphouët captées par la Caistab comme fonds souverains pour financer le développement, fait appel à l’endettement pour financer les projets de construction des infrastructures publiques. Ces opérations ont, inévitablement, pour conséquences un retour de la Côte d’Ivoire dans le gouffre de l’endettement et dans la catégorie des pays pauvres très endettés. Trois ans après l’annulation de la dette, la Côte d’Ivoire est déjà au niveau de ce qu’elle était avant le point de décision du processus PPTE sans un accroissement significatif et durable du PIB. La gestion du Docteur Ouattara devient un problème d’appauvrissement du peuple ivoirien et une solution d’enrichissement pour sa famille, ses amis et les multinationales partenaires.
1932-2012, un cycle de 80 ans d’expériences de développement de la Côte d’Ivoire qui a débuté par des déportations de souverains suivies de vol à mains armées prend fin avec de nouvelles déportations suivies encore de vol à mains armées. C’est le retour au schéma colonial : un gouverneur central et des conseillers imposés par le colonisateur et les sociétés de prédateurs qui perpétuent le vol colonial.
La réforme de la filière sous Ouattara a donc consisté à restaurer le vol à mains armées du cacao. La guerre du cacao, commencée en 1932 et remportée en 1960 est perdue en 2012.
En 2015, il est inconcevable que le produit du travail des paysans ne profitent ni à eux, ni aux Ivoiriens dans leur ensemble. Il est anormal qu’un gouvernement dit Houphouétiste, soit incapable de tricher Houphouët pour que les enfants ivoiriens puissent être formés gratuitement afin d’avoir des milliers de cadres d’origines sociales diverses qui ont un emploi.
Seul un pouvoir souverain permettra de proposer une alternative économique impliquant la souveraineté du peuple sur la richesse cacaoyère en écartant tout intermédiaire au profit des paysans avec l’appui de syndicats puissants du monde paysan et l’assistance de l’État souverain. Extrait du livre ;
Côte d’Ivoire, sur la route de la souveraineté, à paraître bientôt
Une contribution de Dr Ahoua Don Mello
Ex-Ministre et ex-porte-parole du Gouvernement du Président Laurent Gbagbo