Par Calixte Baniafouna
Il y a près de huit mois, la France installait au prix de la sueur, des larmes et du sang des Ivoiriens un président de la Communauté internationale en Côte d’Ivoire. Et depuis, celui-ci a beaucoup de mal à convaincre les Ivoiriens, la France souteneuse et la Communauté internationale bénéficiaire de la Démocratie coloniale française (titre de mon livre à paraître très bientôt) de ses capacités à réconcilier et à unifier les Ivoiriens pour la relance du pays sur de bonnes bases. Coupable désigné à cette incapacité : l’ombre de Laurent Gbagbo en territoire ivoirien. Il faut donc s’en débarrasser.
Deux éventualités se sont alors offertes à la France : soit l’élimination physique (comme en Libye), soit l’éloignement du « coupable désigné » pour le faire oublier aussi bien de ceux qui seraient encore tentés de fonder en lui un espoir (et ils sont d’une majorité écrasante dans son pays) que de ses détracteurs qui ont visiblement du mal à réaliser qu’un homme supplicié à ce point ne parvienne toujours pas à s’abdiquer de ses inflexibles convictions.
L’élimination physique de Gbagbo replongerait le pays dans une barbarie encore plus dramatique que même les bombes coloniales de Nicolas Sarkozy ou celles du Coréen Ban-Ki-Moon auraient du mal à contenir : ce serait le génocide à la rwandaise. Le choix français est donc fait : éloigner Gbagbo de la Côte d’Ivoire pour la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye.
Mais hic ! On va à la CPI pour y être jugé notamment de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité. Or, que dire d’Alassane Ouattara dans ce domaine ? Le jugement qu’a de lui la majorité d’Ivoiriens est tellement criard que, même bénéficiant d’immunité présidentielle et à croire que la France et la Communauté internationale les aient habitués à l’écrasement éhonté de la justice et du droit, l’ahurissement serait à la mesure de la perte de confiance (déjà bien réelle) en cette véracité absolue sur les valeurs « démocratiques » pour lesquelles s’opère le tri entre « Grands gentils » et « Grands méchants ».
La France doit donc sacrifier. Mais qui ? Surtout pas Alassane Ouattara, le fidèle des fidèles si tant rêvé et si chèrement conquis, sans lequel les bombes coloniales sur la résidence présidentielle ivoirienne seraient vidées de tous sens. L’un des ex-rebelles alors ! Mais qui ? Surtout pas Guillaume Soro le maître à penser sans lequel le pouvoir de Ouattara n’est plus que coquille vide, puisque installé et solidifié sur la base de la violence ! Bon, tant pis ! Gbagbo ira à la CPI sans jamais être jugé et, avec lui, Guillaume Soro, quitte, à l’armée française présente sur le terrain, à faire le job qui était celui qui rendait Guillaume important pour Ouattara. Décision prise donc : sacrifier Guillaume Soro !
Dans la semaine 46 (novembre 2011), Alassane Ouattara est appelé en urgence par son maître de l’Élysée pour y recevoir la consigne. Laquelle consigne ? « Voilà : le 11 décembre aura lieu en Côte d’Ivoire le scrutin législatif. De ce scrutin se dessineront les contours du futur gouvernement. Que Gbagbo soit « parqué » à la Haye sans jamais être jugé est une chose, mais Soro, pour en avoir trop fait aux yeux du monde entier pourrait un jour ou l’autre être réclamé, lui aussi, à la CPI. Il est par ailleurs intéressant de profiter de la présence encore en poste de nos dociles amis à l’ONU et à la CPI pour battre le fer quand il est chaud : si Ban-Ki-moon est encore là pour quatre ans, Luis Moreno Ocampo devra quant à lui passer la main en juin 2012. Il est donc temps de sacrifier Soro pour laisser au président de la Communauté internationale une marge de manœuvre devant lui permettre de régner à vie comme ses pairs de Brazzaville, Libreville, Yaoundé, Bangui, Ndjamena, Lomé ou Ouagadougou ».
Consigne bien comprise, Alassane Ouattara a rencontré à Paris Luis Moreno Ocampo cette même fin de semaine du 14 novembre, où la décision a été arrêtée : Gbagbo sera transféré à la CPI, et c’est imminent. Quant à transférer Soro… humm ! Ça sent la poudre.
S: mwinda.org