Toutefois, des informations de diverses sources croisées, notamment militaires et diplomatiques, laissent clairement apparaitre que le « coupable peut ne pas être là où on le désigne ». Nos informateurs mettent plutôt à l’index plutôt éléments des Frci dont certains se plaignent ouvertement de leur sort.
Dans la nuit de samedi 4 au dimanche 5 août 2012, une attaque du commissariat du 17 ème arrondissement de Yopougon, menée par des hommes en treillis, que certains policiers présents au poste, ont vite fait d’assimiler à « des Frci » et menée par une dizaine d’hommes armés de fusils d’assaut AK-47. Cette attaque de Yopougon n’avait visé que des éléments des Frci en faction devant le commissariat, les policiers ayant été épargnés.
Selon nos sources, il s’agit d’un règlement de compte entre les factions rivales des Frci. Elle était également destinée à « faire libérer certains éléments des Frci raflés un peu plus tôt et détenus au poste de police ». « Ce n’est pas le fait d’assaillants ou de miliciens. Ce sont des éléments des Frci qui sont venus libérer leurs frères d’armes » soutient une source policière présente cette nuit-là au commissariat.
Entre les différentes factions des Frci, ce n’est pas le parfait amour, notamment entre Pro-Soro et Pro-Ouattara, fait valoir une source proche des Frci. Les mêmes faits, selon un officier de police au commissariat du 11 ème arrondissement de Williams-ville se sont produits vers la fin du mois de juillet 2012 où des « éléments des Frci sont venus libérer, nuitamment, sous la menace de leurs armes, des individus pris dans les filets de la police-militaire et au cours des rafles et détenus au 11 ème arrondissement ».
Lorsqu’on met cote à cote ces faits et en grattant aujourd’hui, la paille des derniers évènements, on s’aperçoit, en tout cas, au terme de notre enquête, que les deux attaques de Yopougon et d’Akouédo, présentent un dénominateur commun. Il s’agirait d’actions de mécontentement interne aux Forces républicaines de Côte d’Ivoire menées par certaines recrues qui voient leur avenir en pointillé et sans perspectives réelles. De fait, depuis quelque temps, le feu couve sous la cendre dans les rangs des Frci dont le nombre est estimé à un peu plus de 55.000 hommes dont seulement moins de 15 %, soit entre 2 000 et 3.000 devraient intégrer les Frci. L’intégration des supplétifs, dont les contours, plus ou moins ambigües, sont décriés par de nombreuses recrues. Celles-ci crient à la discrimination et au favoritisme. Sur les sites de regroupement, ce recrutement à double vitesse a pourri l’atmosphère. Au mois de juin dernier, une montée d’adrénaline s’était, notamment emparée du site de Yopougon sur lequel un colonel s’était rendu pour calmer les nerfs des soldats.
Quand les nouveaux treillis mettent le feu
Depuis, la situation s’est tassée, jusqu’à la semaine dernière quand, l’Etat-major des Frci a pris possession d’une quantité importante de nouveaux treillis. Selon notre source, « ce sont ces nouveaux treillis qui ont mis le feu aux poudres, parce que l’information qui circule sur les sites de regroupement et dans les casernes fait état de ce que seuls, les bénéficiaires de ces treillis qui intégreront, effectivement, les Frci ». Du coup, l’horizon se brume pour ceux d’entre les Frci qui attendent la régularisation de leur situation. Et en l’absence d’informations de la hiérarchie, « ils ont décidé de se faire entendent par les armes », nous apprend notre source.
Cette thèse est d’ailleurs voisine à celle de l’hebdomadaire « Jeune Afrique », qui a fait état hier, sur son site, citant des diplomates en poste à Abidjan que ces attaques sont la conséquence d’une montée de la moutarde au nez de certains éléments supplétifs des Frci qui se disent exclus des rangs des Frci. « Pour les milieux diplomatiques d’Abidjan, c’est d’ailleurs de ce côté qu’il faut chercher. L’attaque ressemble bien à une action de supplétifs FRCI qui n’ont toujours pas été pris en compte par le pouvoir. C’est une sorte de signal qu’ils donnent au gouvernement pour accélérer la réforme du système de sécurité et de l’armée (RSSA), en panne depuis plusieurs mois », affirme un diplomate européen. La réforme de l`armée est l`un des plus grands défis du pouvoir depuis la crise, mais tarde à se mettre en place.
Relativement à l’attaque d’Akouedo, selon des témoins, les assaillants arrivés à bord d’une colonne de Pick-up aux environs de 03 h du matin, ont pris, presque sans combat, le nouveau camp d’Akouédo, après avoir arrosé les cinq soldats postés à l’entrée principale. Au cours des échanges de tirs avec les soldats, les assaillants perdent un homme mais ne se découragent pas. Ils mettent aussitôt le cap sur la poudrière du camp. Dans l’armurerie, ils récupèrent 240 fusils AK-47 qu’ils emportent avec eux ainsi qu’un important lot des nouveaux treillis dont la distribution devrait commencer dès hier dans les casernes d’Abidjan et de l’intérieur du pays. « Si l’intention ici était d’opérer un coup d’Etat, ils auraient mis la main sur les armes lourdes qu’ils avaient à porter de main, notamment des mortiers, des obus de mortiers. Ils se sont contenté des Kalachnikovs comme s’ils voulaient délivrer un message » fait valoir une source proche du ministère délégué à la Défense, citée par ce confrère. Le commando aurait pris la route de Bingerville pour s’évaporer dans la nature. Ces attaques de personnes inconnues ont fait sept morts au total.
Quatre corps étaient visibles par terre dans un bâtiment à l`entrée du camp, dont la porte avait été défoncée. Du sang avait été projeté sur le sol et les murs. A un poste de garde et à une sortie, deux autres corps gisaient au sol. Accompagné du chef d`état-major des FRCI, le général Soumaïla Bakayoko, et du ministre de l`Intérieur Hamed Bakayoko, le ministre de la Défense a affirmé qu’ ‘’autour de 03H00 du matin (locales et GMT), ce camp a fait l`objet d`une attaque ciblée par les deux entrées.Nos hommes sont venus en renfort (…) et autour de 5H00 du matin nous avons pu repousser ces assaillants’’. ‘’Des ratissages et des battues étaient en cours dans les villes et quartiers avoisinants pour pouvoir les dénicher’’, a-t-il ajouté. Des Casques bleus sont également basés dans un secteur du camp d`Akouédo mais ils n`ont pas été engagés dans le combat, a précisé une source onusienne. En tout état de cause, la sécurité a été renforcée, aussi bien à Abidjan que dans toute sa ceinture.
Armand B. DEPEYLA (Soir Info)