Cela fait une semaine jour pour jour qu’a eu lieu l’audience à huis clos de l’ex président ivoirien, Laurent Gbagbo à la Haye. Que s’est-il réellement passé les 24 et 25 septembre 2012 à la CPI ? La Chambre préliminaire I présidée par De Gurmendi a confronté les deux rapports médicaux des experts commis par la Défense et par la Cour elle-même, sur l’état de santé de Laurent Gbagbo. Un préalable pour la suite de la procédure, donc bloquant de facto la tenue d’une éventuelle audience de confirmation ou d’infirmation des charges retenues contre l’ancien N°1 ivoirien. « Il n’y aura pas de nouvelle date de l’audience de confirmation des charges tant que les juges n’auront pas délibéré sur l’audience à huis clos qui vient d’avoir lieu et dont la date de délibération peut intervenir à tout moment » nous a confié hier, Fadi Abdallah, porte parole de la CPI. Si pour Me Altit, l’avocat de Gbagbo, il était important que la CPI sache que son client a subi une maltraitance lors de sa détention à Korhogo, la nouvelle procureure, Fatou Bensouda, elle, souhaiterait que l’audience de confirmation ait lieu, avec ou sans Laurent Gbagbo. Mais au fond, quels sont les enjeux de cette audience à laquelle l’intéressé lui-même a pris part ?
Première hypothèse : La CPI déclare Gbagbo apte
Si le délibéré des prochains jours de la CPI déclare Laurent Gbagbo apte à prendre part aux procédures engagées à son encontre, cassant ainsi la thèse de la maltraitance brandie par la Défense, cela pourrait affaiblir à un degré près l’arsenal juridique de la défense sans enrhumer véritablement le dossier ; encore moins la suite de la procédure. Au contraire, il faudra s’attendre à un procès s’il y en a un, très électrique et émouvant. Car pour la première fois, l’ex président ivoirien, après ses adresses à la nation du temps de son pouvoir et son face à face avec son rival politique, Alassane Dramane Ouattara à la veille des présidentielles de novembre 2010, va s’adresser en direct au monde entier, à cette communauté internationale (l’autre partie qui ne sait toujours pas ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire) pour dire sa part de vérité dans cette crise postélectorale qui a fait tant de victimes jusqu’aujourd’hui encore.
Et ce, à commencer par l’audience de confirmation des charges. Quelle opportunité pour le président historien-enseignant de donner un cours de droit et de démocratie au reste du monde, sinon à ses détracteurs ! « On ira jusqu’au bout » avait-il lancé le 5 décembre 2011, lors de sa comparution initiale devant les juges de la CPI.
Malheureusement, si le suspect, lui, semble maîtriser tous les contours de la crise, donc les raisons qui l’ont envoyé à Scheveningen pour avoir été au cœur des évènements, sa Défense quant à elle veut gagner du temps. Car il serait impossible pour trois avocats d’avaler et de digérer 15000 pages d’accusation avec des détails parfois accablants, sans compter la pile de vidéos et les nombreux témoignages des 139 témoins répertoriés par la CPI. Le tout en si peu de temps. On comprend donc que Me Emmanuel Altit, un vétéran des barreaux parisiens et fin connaisseur des rouages de la CPI, veuille grignoter sur ce qui lui reste de droit. Car si la bataille juridique semble être à porté de main, le volet politique pourrait présenter plusieurs inconnus.
Deuxième hypothèse : La CPI déclare Gbagbo inapte !
Si le délibéré estime que l’ex président ivoirien, compte tenu de ses conditions de détention à Korhogo présente des séquelles ne lui permettant pas de prendre part à son procès, certes cela pourrait être interprété comme une victoire du côté des partisans de Laurent Gbagbo et un aveu de la cour si cette décision peut entraîner une libération provisoire du prisonnier le plus célèbre de la CPI ; En outre, elle pourrait vider le procès de son vrai contenu s’il y en a un. Car si le monde entier s’élève contre ce procès avec en tête les Etats-Unis, une détention puis un éventuel procès qualifiés d’illégaux et impartiaux par nombre d’observateurs, c’est bien parce qu’il concerne un homme hautement politique et qui a incarné le multipartisme et la démocratie en Afrique subsaharienne. Ne pas donc voir Gbagbo défendre sa position de vive voix à la barre serait un peu décevant pour ses milliers de supporters qui ne l’ont plus revu depuis le 5 décembre 2011, lors de sa comparution initiale à la Haye. Le Woody de Mama doit parler et il va parler ! Alors vivement que celui qui est présenté au monde entier comme le bourreau de 3000 personnes tués dans la crise postélectorale vienne à la barre pour qu’éclate la vérité au grand jour, pour la mémoire des victimes et pour l’histoire !
Philippe Kouhon/ Eventnews Tv