Et depuis, elle n’était apparue nulle part, ni n’avait donné de nouvelle d’elle. Les seules, d’ailleurs, qui parvenaient aux Ivoiriens, sous forme de rumeur, étaient peu réjouissantes. Tantôt, on la donnait pour morte, tantôt malade ou encore noyée dans le chagrin de ne pas pouvoir voir son fils. Rien de tout cela, à la lumière de la vidéo que nous avons pu voir le mardi 4 juin 2013, et qui a été réalisée en décembre 2012.
Dame Gado Marguerite y apparaît visiblement bien dans sa chair, vêtue d’un tee-shirt bleu sans manche, un pagne noué à la hanche, avec les cheveux nattés couleur or, et portant un collier traditionnel. A ses côtés une jeune fille, certainement un membre de la famille, qui va servir de traducteur, la vieille ne pouvant converser en français.
A la vue de ses hôtes, la génitrice de Laurent Gbagbo arbore un large sourire. Le journaliste, heureux de voir la mère du célèbre détenu de Scheveningen, est saisi d’émotion. Étreintes et embrassades s’ensuivent. Un tee-shirt à l’effigie de Laurent Gbagbo est offert à l’octogénaire. A la vue de cette image de son fils, son visage s’illumine. On peut y lire toute la joie qu’elle éprouve en cet instant précis. «C’est Laurent qui est là?», demande-t-elle en langue Bété. «Oui, c’est Laurent. Ce sont ses amis qui travaillent pour lui en France qui sont venus te voir. Ils t’ont apporté ce tee-shirt», répond la jeune fille. «(Aayo! ndlr) Ah! merci, c’est ce que je vais porter maintenant», reprend la vieille.
Nous sommes en décembre, c’est la période des vœux. Et quand il lui est demandé de formuler ses vœux pour la Côte d’Ivoire, voici ce que répond la mère de Gbagbo: «Ce que je veux demander au Seigneur est tellement beaucoup que je ne sais pas par quoi commencer». Le journaliste insiste, et veut certainement amener la vieille à parler de son fils. Il sera stoppé net par la jeune fille interprète, qui fera savoir que Gado Marguerite n’est toujours pas informée de ce qui est arrivé à Laurent Gbagbo le 11 avril 2011, encore moins de sa vie de prisonnier. «Elle ne sait pas encore que le tonton est de l’autre côté».
On apprend ainsi qu’elle a été tenue à l’écart de toute information sensible concernant son fils, et qui est susceptible d’affecter la santé de la vieille. «Laurent est au travail», se borne-t-on à lui dire. Tout compte fait, le journaliste parviendra à obtenir les vœux de la mère de Gbagbo pour les Ivoiriens, sans forcément parler de son fils. «Je suis une mère, et je considère que je suis la mère de tous les enfants de Côte d’Ivoire. Je n’ai jamais trié les enfants et je ne vais jamais trier les enfants. Que tous les enfants de Côte d’Ivoire que je connais, et ceux que je ne connais pas soient bénis, et que l’année leur soit agréable», a-t-elle dit, et la jeune fille interprète d’ajouter: «Vous savez, la vieille ne parle pas beaucoup». La suite de la rencontre est consacrée à une partie de jeu d’Awalé, un jeu que la mère de l’ex-président affectionne particulièrement et ne passe pas de jour sans s’y adonner. «C’est son jeu préféré, sa passion, et elle joue très bien. Chaque jour, avant de dormir, il faut qu’elle joue à l’Awalé», dira l’interprète. Elle jouera effectivement avec le journaliste, l’air très concentré, témoignant ainsi de tout le sérieux qu’elle accorde au jeu d’Awalé.
L’Inter