Levée de voile sur la naturalisation que Houphouët-Boigny n`a jamais signée (1)
La Côte d`Ivoire d`Houphouët-Boigny a eu le malheur d`adopter Alassane Dramane Ouattara comme un fils. Plus que ça, l`ancien Premier ministre a été fait citoyen ivoirien contre ses origines voltaïques dont il n`a jamais été fier. Voici comment l`homme a trahi la confiance de tous.
1991, Mme Lohoues Jacqueline Oble, assure tant bien que mal ses fonctions de Garde des Sceaux, ministre de la Justice dans le gouvernement du Premier ministre, Alassane Dramane Ouattara (…) Un soir de la première semaine du mois d`avril de cette même année (…) Le président Houphouët-Boigny a consacré ses derniers temps à des consultations dans la plus grande discrétion. La nomination de celui qu`il avait bombardé président du Comité interministériel avait fini par grincer les dents dans la maison Pdci. Le moment n`était donc pas au relâchement, il lui fallait verrouiller les contours de la naturalisation s`il veut que la mission du nouveau et tout premier Premier ministre de l`histoire de son pays se passe en douceur. Le « Vieux« songeait déjà à sa victoire d`avoir réussi à imposer un Premier ministre ”venu du dehors”. Une victoire qu`il entendait bel et bien savourer. Il faut dire que le Président qui ne s`attendait pas à une levée de boucliers n`avait pas prévu de verrou judiciaire à cette affaire. Maintenant, il le fallait, puisque le mécontentement ne venait pas que de la rue abidjanaise. Bien plus, des cadres de son parti, non des moindres avaient poussé la meute jusqu`à éveiller les soupçons. Quand son protocole annonce enfin madame la ministre de la justice, c`est avec empressement que le « vieux« la reçoit avec toute la tendresse d`un père impatient. Houphouët avait certainement de bonnes raisons de montrer une certaine émotion face aux dossiers soigneusement pliés dans une chemise que sa ministre de la Justice vient de déposer sur la table de travail. Des dossiers relatifs à la nationalité du tout premier Premier ministre que la Côte d`Ivoire ait eu et qui fait déjà jaser le marigot politique ivoirien, y compris dans son propre camp. Au Pdci-Rda, les cadres du Bureau politique avaient du mal à comprendre que le « Vieux« soit allé chercher si loin un Premier ministre. Alors que la nation avait investi des sommes faramineuses pour la formation de ses filles et fils. On parlait même, à cette époque, de l`aventure 40 qui a permis à des étudiants ivoiriens d`aller poursuivre leurs études dans les universités françaises, ceux-ci avaient fini leurs formations et étaient revenus au pays depuis longtemps. Houphouët-Boigny devait avoir de bonnes raisons d`aller chercher si loin et certains de ses proches n`hésitaient plus à lui attribuer la thèse qui veut qu`il ne privilégie aucun cadre du sérail au détriment d`un autre. Ceci, pour éviter une bataille de positionnement, voire de succession après lui. D`autres arguaient qu`un” chef Akan ne doit pas connaître son successeur de son vivant”. Les supputations allaient bon train…Bref!
La Garde des Sceaux, ministre de la Justice a pris soin de ficeler elle-même avec l`expertise qu`on lui connaît le dossier classé « top secret« . Tout y est! L`ancien Gouverneur de la Bceao de nationalité voltaïque, reconnue comme telle, est désormais Ivoirien et peut jouir des avantages y afférent avec tout ce que cela comporte comme véritable sésame dans l`appareil du parti et même au-delà. Du moins, c`est ce qu`on croirait. Ce jeudi soir, le Président de la République devait juste apposer sa signature au bas de la demande de naturalisation, sans plus. Après quoi, madame la Garde des Sceaux se ferait fort de remettre le précieux document en main propre au Premier ministre. Mais grande est sa surprise lorsque le Président lui rétorque qu`il n`y avait pas urgence. Elle a juste le temps de déposer la fameuse chemise sur la table, de présenter ses civilités et prendre discrètement congé de son hôte. Laissant le silence du palais présidentiel se refermer derrière elle sur le « Belier de Yamoussoukro« qui se replongeait aussitôt dans une profonde alchimie.
Des sachants racontent qu`Houphouët-Boigny a mis beaucoup d`entrain pour ”boucler son affaire”. Il avait mis à contribution ses ministres les plus dévoués, dont celui de l`Education nationale, feu Bala Kéita originaire du nord et qui s`était particulièrement investi pour y ”dénicher un village politiquement vierge”, taillé sur mesure et qui répondrait aux exigences socio-ethnico-religieuses pour le nouveau Premier ministre. Ce village : c`est Kong! Mais, il reste la touche personnelle, celle qui fait des grands hommes d`Etat de la carrure d`Houphouët-Boigny, des « pièces uniques« .
Au cœur des intrigues du Palais d`Houphouët-Boigny (2)
Certes, Houphouët-Boigny était parvenu à ce qu’il voulait. C’est-à-dire, l’acquisition d’un dossier conçu par une expertise locale, en l’occurrence sa Garde des Sceaux. Mais il fallait le rendre bien meilleur, l’entourer de toutes les précautions et faire en sorte qu’il ne présente aucune faille juridiquement attaquable, qui pourrait profiter à l’opposition. Cette touche personnelle ne tardera pas. Le grand jeu ! Le Président Houphouët-Boigny fait photocopier toutes les pièces. Curiosité des curiosités. Il prend les photocopies qu’il signe, laissant de côté les originaux qu’il classera top secret. Les photocopies quant à elles vont se retrouver, une poignée de jours plus tard, entre les mains de ses conseils juridiques français et suisses. Rémunérés à grands frais, ces juristes occidentaux ont pour tâche d’aseptiser tous les aspects litigieux qui éventuellement pourraient porter ombrage à la nationalisation la plus rondement menée du pays. Des indiscrétions vont jusqu’à dire que le dossier est arrivé au cabinet juridique en Suisse dans la deuxième semaine d’avril 1991, avec la mention suivante :”Ceci est la photocopie d’un document officiel dont j’ai refusé de signer l’original”. Pourquoi cela ? L’on n’en saura rien. C’est plus tard que la Garde des Sceaux saura que les documents signés par le Président de la République, en fait, ne sont pas les originaux mais il s’agit des photocopies.
Dans le même temps, le Premier ministre Alassane Dramane Ouattara a pu se procurer, on ne sait aussi trop comment, les originaux de la demande de naturalisation sur lesquels il n’y avait pas de signature du chef de l’Etat. C’est-à-dire, des documents exploitables à souhait. Sacré pot ! Il réussira également dit-on, à contrefaire la signature officielle du Président de la République, Félix Houphouët-Boigny signature qu’il apposa au bas des originaux. L’imitation de la signature d’Houphouët-Boigny est si parfaite que les graphologues les plus outillés y ont perdu leur latin. Le tour était parfaitement joué, Alassane Dramane Ouattara était désormais Ivoirien au même titre que les ”authentiques”, sans que le Président de la République n’ait pu intervenir directement. Le »Vieux » n’y vit que du feu. Aucun son discordant ne se fit entendre, tant le”Vieux”ne voulut désavouer son ”oiseau rare”. Des années plus tard, on continue d’épiloguer sur le fait que le Président Houphouët-Boigny avait commis l’imprudence d’ouvrir son cœur à un ”homme venu d’ailleurs” fut-il Premier ministre qu’il connaissait à peine.
A la direction du parti, le Pdci-Rda, on s’arrachait les cheveux à l’idée que »le Vieux » avait ouvert un boulevard d’accès aux documents d’Etat classés top secret à un ”inconnu ». Les pessimistes expliquent que cette confiance aveugle était à l’origine de bien d’infortunes que la Côte d’Ivoire va continuer de payer pour encore longtemps. S’étant rendu compte qu’elle n’avait pas pris suffisamment de précautions pour baliser le terrain, ce qui aurait permis d’éviter que la signature du Président de la République soit falsifiée, »l’imprudente » Garde des Sceaux, ministre de la Justice tente de se ressaisir. Certes, M. Ouattara est son patron en tant que Premier ministre, Mme Oble Lohoues pouvait se dire que les fameux documents devaient transiter par elle en tant que Gardes des Sceaux, comme cela a pu se faire avant leur arrivée sur le bureau du président de la République. Elle était convaincue que le Président qui était d’une finesse dans la collaboration avec ses ministres n’irait pas jusqu’à occulter le fait que sa ministre de la Justice soit consultée en dernier ressort sur un tel dossier délicat qui plus est porte sur la naturalisation de son Premier ministre.
On raconte que plusieurs fois elle sera reçue par son patron pour tirer cette affaire au clair, plusieurs fois elle a essuyé des échecs, le Premier ministre usant toujours d’artifices pour se débarrasser poliment de sa ministre de la Justice. Celle-ci abandonnera à force d’être tournée en bourrique. La faute, si faute il y a, est déjà commise et elle se devait de gober à jamais cette réalité.
Bédié tente de rattraper l`erreur d`Houphouët-Boigny (3)
Le 7 décembre 1993, le Président Félix Houphouët-Boigny décède. Il s`en suit une guerre fratricide de succession entre le dauphin constitutionnel, Henri Konan Bédié jusque-là président de l`Assemblée nationale, et le Premier ministre Alassane Dramane Ouattara. La bataille tourne à l`avantage du premier cité, le second est contraint à la démission et perd la Primature. Mais pour autant la guerre n`est pas finie (…). A la guerre comme à la guerre. Le Président Bédié se souvient de ses premiers jours au Palais présidentiel. Il se souvient notamment que, parmi les dossiers d`Etat qu`il réceptionne dès après sa prestation de serment, figure en bonne place celui de la naturalisation de l`homme qui l`empêche de dormir en paix : Alassane Dramane Ouattara.
Un jeudi du mois de décembre 1999, il convoque l`ancien Premier ministre d`Houphouët-Boigny. Ce jour-là, le président du Rdr se rend à la convocation avec une forte délégation de vingt (20) membres influents de la direction de son parti, y compris des proches collaborateurs. Le Président Bédié qui n`entend pas laisser traîner les choses entre vite dans le vif du sujet. Et il apostrophe M. Ouattara en ces termes :”J`ai ici avec et sur moi un dossier qui parle de ta naturalisation. Dans les documents officiels que j`ai en ma possession, il n`y as pas de signature, encore moins celle du Président de la République Houphouët-Boigny. D`où tiens-tu la signature qui est sur le certificat de nationalité que tu brandis ? Au cas où tu aurais la signature officielle du Président de la République Houphouët-Boigny sur tes documents, j`ai bien peur qu`il ne s`agisse là que de signature et documents non authentiques. Et donc falsifiés et si c`est le cas sache-le maintenant, c`est un acte puni par la loi. Et si je t`ai convoqué, c`est pour en parler avec toi. Maintenant je constate que tu n`es pas seul mais accompagné d`une forte délégation. Si tu le veux, j`en parle publiquement, mais on peut aussi en parler seul à seul.”Aurait déclaré en substance le Président Bédié. Sentant la menace ferme et bien perceptible, Ouattara n`eut aucun mal à demander à ses ouailles de le laisser seul avec le président Bédié. L`audience qui suit ne dure que le temps d`un sermon.
Le lendemain vendredi, Bédié apprendra que M. Ouattara a quitté nuitamment le pays pour la France où ce dernier face à des journalistes, lance cette fameuse boutade lourde de conséquences :”On ne veut pas que je sois Président parce que je suis du nord, musulman et Dioula”. Deux jours après, le lundi, le Président Bédié lance un mandat d`arrêt international, pour ”faux et usage de faux sur la nationalité ivoirienne” contre celui qui fut le seul Premier ministre d`Houphouët-Boigny. Dans la foulée des débats passionnés que suscite la nationalité ”douteuse” du président du Rdr, Mme Lohoues Oble Jacqueline l`ancienne Garde des Sceaux, ministre de la Justice de Ouattara démissionne du Rdr et de son poste de député à l`Assemblée nationale. Le 24 décembre 1999, le Président Henri Konan Bédié est renversé par un coup d`Etat, le premier dans l`histoire de la Côte d`Ivoire. De son exil français, Ouattara explose de joie :”quand un Ouattara dit il fait”. En effet, le président du Rdr avait menacé :”je frapperai ce pouvoir moribond et il tombera comme un fruit mûr”.
Dans l`avion qui le ramène en Côte d`Ivoire où il pensait venir s`installer dans le fauteuil présidentiel, l`hôtesse de l`air ne se gêne pas de lâcher :”nous avons à bord de notre appareil, le futur Président de la Côte d`Ivoire”. Et Ouattara d`arborer un large sourire triomphal. Le Président Bédié n`est plus au pouvoir qu`il a perdu en 1999.
Depuis octobre 2000, les destinées de la Côte d`Ivoire sont présidées par le Président Laurent Gbagbo.
Mais en 2002, Ouattara continuait de menacer :”Je n`attendrai pas 2005 pour arriver au pouvoir ». Le 19 septembre la Côte d`Ivoire est à nouveau attaquée, perdant environ trois cents (300) de ses valeureux enfants tombés au front la même nuit. Voici l`homme, Alassane Dramane Ouattara, tel que les Ivoiriens le découvrent tous les jours. On ne finira jamais d`écrire sur lui.
S: mcreveil.org