Si la galerie-photo de Soro n’était que le résultat d’une création artistique, nous lui trouverions moins d’attrait. C’est la disposition d’esprit qu’elle révèle qui fait son intérêt: interrogation face aux soubressauts politiques qui traversent et minent le marché politique ivoirien. La galerie-photo de Soro induit à la conscience en lui dévoilant le désamour du camp des tenants du pouvoir actuel. Elle s’assigne à réveiller les vieux démons de l’ivoirité.
De quoi s’agit-il?
Le journal L’Expression rapporte que le vieux Sidibé Nouhou, instituteur à la retraite désire rencontrer son ancien camarade d’école de Cp1 et de Cp2 de 1949 à 1950 de l’école régionale de Dimbokro. «Mon père, Sidibé Belco était l’instituteur d’Alassane Ouattara au Cp2. Nous avons fait la même classe. Et souvent, nous partions manger chez sa maman à Sokouradjan. Mais quand mon père a été affecté à Jacqueville, nous ne nous sommes plus revus jusqu’à aujourd’hui. En 1999, Alassane Ouattara a décoré mon père à titre posthume à Agboville. Je n’ai jamais eu l’occasion de le rencontrer pour que nous évoquions ensemble notre tendre enfance. C’est pourquoi, je me réjouis qu’il vienne à Toumodi, c’est l’occasion plus que jamais de le rencontrer », a-t-il révelé au préfet. Raymonde Goudou Coffie et Allah Kouadio Rémy ont promis de transmettre son message au chef de l’Etat. (cf. L’Expression, tiré de www.connectionivoirienne.net et signé par les initiales T.Y.D.)
Au terme du relevé de ce qui précède, nous constatons que ce voeux cher au vieux Sidibé Nouhou apparaît une semaine après la proclamation de la galerie-photo de Soro Guillaume kigbafory. C’est bien là une réponse curieuse à la galerie-photo de Soro. Épargnons aux lecteurs miens que l’école primaire en Côte d’Ivoire va bien au delà du Cp2.
Notre propos
L’arrière discours de la galerie-photo de Soro s’efforce à réveiller la contoverse question de l’ivoirité. Que la mémoire collective ivoirienne s’éveille à lire à travers elle l’ancrage tellurique d’un fils digne de la région septentrionnale de la Côte d’Ivoire. Car c’est dans la mémoire collective que gît le carctère de l’entreprise « Sororale », les parcours qui ont jalonné les différents moments de cet individu et qui se sont exprimés par un passé récent sur l’échiquier national. La mémoire embrasse bien plus que les faits, les événements; elle réssucite leur esprit, leur raison; ce n’est pas un catalogue, mais une manière vivante où s’allument les idées, où palpitent les événements douloureux de cette jeune nation. Cette galerie-photo, au coeur de la mémoire, sera aussi au coeur de la politique. Pas au sens convenu du Politique! L’argument politique est devéloppé ici dans la mesure où il induit la galerie-photo selon le principe que chaque parcours fonde sa valeur collective, celle-ci en retour servant elle-même de cadre au comportement individuel. Galerie-photo de necessité, oui. D’urgence, nous disons même. Soro Guillaume, par sa galerie-photo, veut occulter la mémoire collective et indexer la biographie d’Alassane Dramane Ouattara des dernières décennies où se sont fixées les valeurs falsificatrices. L’intention de Soro est de briser à l’endroit de Ouattara et de ses suiveurs tout nouvel espoir politique, d’opérer une rupture décisive en se positionnant dans la mémoire collective ivoirienne. Ainsi parle la galerie-photo. Que dit-elle? Chaque génération a fourni son effort dans l’élaboration du devenir. Les combats les plus durs contre Houphouet, contre Bédié, contre Guei, contre Gbagbo ont été livrés dans la perspective d’offrir à l’Ivoirien un sort meilleur. Il n’est pas permis de laisser tomber la chaîne si péniblement nouée, de vivre comme si nous n’avions aucun devoir envers ceux qui ne sont plus, comme envers ceux qui seront. Trop d’hommes et de femmes sont morts en espérant que l’avenir qu’il façonnaient – notre vie actuelle – tiendrait ses promesses. Dans cette célébration d’un avenir meilleur, Soro se projette hors de sa personne pour recoller un accord entre lui et le peuple ivoirien.
Hélas. Cet idéal nécessaire glisse sur un autre terrain. Ne dit-on pas qu’il faut être poète pour découvrir dans le vol d’un oiseau, le vent, l’eau et l’arbre? Hélas, Soro et sa bande armée ont peu à peu décousu le tissu social. L’environnement politique se morcelle, se géométrise et se bétonne. Soro et sa bande armée traversent une succession inintelligente pour aboutir à un corps économico-politico-social à relent de rattrapage ethnique. Dans la société Sororienne, catégorisée et divissé en classes et sous-classes, Soro ne peut qu’affirmer des valeurs antidémocratiques. Ses vecteurs principaux: la programmation dioulanique, la production dioulanique, la publicité dioulanique, produire pour vendre dioula, vendre pour consommer dioula, consommer pour produire dioula. Dans cette organisation où le rattrapage ethnique se présente comme but à l’existence, les mass média à la « conne » tout comme Venance Konan jouent un rôle d’orchestration. La Côte d’ivoire perd son centre, l’Ivoirien se perd aussi. Il s’éparpille.
En définitive, dans cette Côte d’Ivoire d’aujourd’hui, vers quel modèle tourner les yeux? Un modèle qui se placerait au dessus de l’ordinaire et auquel l’Ivoirien pourrait rêver. Mieux, s’identifier. Dans cette Côte d’ivoire en pleine déliquescence, comme il n’exite plus de mythe capable de frapper la conscience et l’imagination, il faut inventer avec ce qui se trouve à portée de main, à portée de vue et au niveau d’un esprit qui a perdu l’habitude de l’élévation. De là, nous assistons à la création de fausses idoles. Ainsi, va t-il de la galerie-photo. Soro, pauvre modèle de cette Côte d’ivoire déchirée ne parvient qu’à subtituer un irréel de pacotilles à l’insipide quotidien.
Par Dr. Okou Dagou