Charles Blé Goudé, la fin d’un cycle ?
Cinq jours après la rumeur de son arrestation au Ghana suivie d’une éventuelle extradition en Côte d’Ivoire, le mystère demeure autour de cette affaire qualifiée de « l’affaire Charles Blé Goudé ». Rocambolesque, curieuse, mystérieuse, incompréhensible…sont autant d’adjectifs a lui attribués. Et ni du côté des différentes autorités (Accra et Abidjan), encore moins dans les différents cercles très fermés de la galaxie patriotique et du FPI, rien n’est fait pour rassurer l’opinion qui continue à entretenir analyses, spéculations et jugements.
Les médias les mieux informés n’en disent pas plus depuis la petite bande n’annonce de France 24 et BBC Afrique ou encore la petite sortie médiatique de la RTI les deux premiers jours. Eux qui avaient fait de sa prétendue arrestation le 11 avril 2011, une affaire d’état. Mais là, silence radio. Comme si Charles Blé Goudé n’était plus un sujet attractif. A Abidjan pas un seul mot sur cette affaire, même dans les Wôrô. Comme si la consigne était passée ou bien tellement l’affaire est sensible, que personne n’ose.
Nom de code: « Le Libanais ».
Depuis la chute du régime de Laurent Gbagbo et depuis l’arrivé à la sécurité intérieur de Hamed Bakayoko, on parle désormais « du Libanais » pour désigner l’ancien chef de fil de la galaxie patriotique, dans le milieu des grandes oreilles de la République. « Le Libanais a mal négocié son retour. C’est dommage ! » Nous a révélé une source bien introduite depuis Abidjan dès l’arrivé de Charles Blé Goudé sur la terre de ses ancêtres après deux ans hors de son Yopougon.
Et cette même source de tenter d’éclairer notre lanterne :
En réalité, Charles Blé Goudé n’a jamais fait de demande d’asile politique au Ghana. De sorte qu’il ne laisse de trace nulle part. L’argument donné à ses proches a été la sanction onusienne de 2006 lui interdisant de voyager. Sa présence au Ghana et sa déclaration auprès des autorités ghanéennes causerait une gêne. Et pour autant, les services ghanéens savaient bel et bien qu’il séjournait sur leur sol. Aussi, ont-ils eux aussi décliné toute responsabilité vis-à-vis d’un Blé Goudé qui pourrait être encombrant. Voilà pourquoi ont-ils à leur tour fermé l’œil sur tout. A l’information donc qu’il serait d’abord enlevé puis conduit par la suite au bureau national d’investigation (BNI) avant de négocier son extradition avec les autorités ghanéennes, il faut retenir que rien de tout cela.
Le Libanais n’a jamais mis les pieds à la BNI.
Tout a été planifié et le maître d’ouvrage est bel et bien Hamed Bakayoko avec pour exécutant, Wattao.
Quand, le ministre de l’intérieur disait à qui veut l’entendre qu’il était en contact avec son ami, Blé Goudé, les ivoiriens ont pris cela pour du bluff. Entre temps, le Libanais était de tout son semblant d’exil en contact avec son autre ami, Wattao (on se souvient de la caravane de la paix. C’est bien Wattao qui l’avait accueilli chez lui à Bouaké). Ce qui a donné droit aux rebelles avec à leur tête Guillaume Soro de rentrer à Abidjan officiellement après plusieurs années d’isolement à Bouaké, la capitale de la rébellion.
Alors, il fallait rendre l’ascenseur à un ami de génération. Qui a permis que la rébellion de Soro devienne une affaire banale avec laquelle les ivoiriens devraient apprendre à vivre. C’est la décision et la volonté du Chef. Le président Laurent Gbagbo et son épouse avaient eux aussi suivi les conseils de leurs poulain à l’époque. Qui n’a pad vu, Simone Gbagbo danser avec un Konaté Sidiki (N°2 de la rébellion) sur un podium à Yopougon ? Allons-nous voir dans les prochains jours, Dominique Ouattara danser avec Charles Blé Goudé au stade d’Abobo au nom de la réconciliation ? Qui vivra verra.
Mais alors si tel devrait être l’issu de ce retour au bercail, pourquoi cela s’est passé ainsi ? Dans un flou orchestré ?
Le Libanais a mal négocié son retour
Selon notre informateur, le Libanais qui était en contact avec les services de Hamed Bakayoko et Wattao a reçu l’ultime assurance que rien ne lui arrivera une fois à Abidjan. C’était le dimanche 6 janvier 2013, à la veille de la prestation de serment du président ghanéen, John Dramani Mahama. C’est bien ce soir là que Hamed Bakayoko à Accra avec son patron Alassane Ouattara, aurait présenté celui qu’on nomme le Libanais au président ivoirien. A partir de là, les choses vont s’accélérer. Bien qu’il eût reçu l’assurance des autorités ivoiriennes, Charles Blé Goudé, fin politicien prend quelques précautions. La veille de son arrestation, c’est-à-dire le 16 janvier, il propose à ses amis de France 24 une interview exclusive. Le rendez-vous est ainsi pris pour le 17 janvier autour de 9h à son domicile d’Accra. Le même jour, très tôt, Charles Blé Goudé fait le ménage. Il demande à son grand frère Copé de lui faire une course au centre ville d’Accra. Il ne reste que lui, son chauffeur et son domestique. Deux jeunes ghanéens naïfs mais qui pourraient témoigner au cas où l’opération tourne mal. Les choses se passent donc comme convenu, mais le plan est faussé car, il ne fallait pas faire de bruit autour. Mais trop tard, le Libanais qui voulait être plus malin que le pouvoir d’Abidjan, avait vite fait d’impliquer France 24 sans vraiment leur dire ce qui allait se passer ce 17 janvier. Et l’opération fut ébruitée avant même qu’elle ne connaisse un début de commencement.
Quel était le premier plan ?
En réalité, Charles Blé Goudé n’a jamais porté dans son cœur, malgré toute sa largesse l’ancien président ivoirien, Laurent Gbagbo.
Plusieurs sources proches du leader de la galaxie patriotique racontent que l’ancien ministre de la jeunesse et de l’emploi du dernier gouvernement Aké Ngbo n’a toujours pas digéré le retard que Laurent Gbagbo aurait mis pour le nommer à un poste de responsabilité au moment où ses camarades de la Fesci, Guillaume Soro ou encore Konaté Sidiki et autre Soul to soul occupent des grandes postures en Côte d’Ivoire et lui n’aura joué que le rôle d’un simple harangueur de foule, voire un anti français. Une posture qui pourrait lui être préjudiciable à l’avenir. Mais le job, il l’a fait quand même. Et un jour il fallait qu’il s’en débarrasse et fasse un choix. Soro l’a fait avec Gbagbo puis Ouattara puis Gbagbo, puis Ouattara…Il fallait aussi attendre le bon moment. On comprendra plus tard pourquoi, il avait refusé de prendre le commandant Duarte, aide de camp de Gbagbo, au téléphone un 28 mars 2011, au moment où Laurent Gbagbo multipliait les coups de fils pour savoir où Blé Goudé se trouvait. Nous y reviendrons.
Dans le schéma entre le Libanais et Abidjan, les ravisseurs devraient le prendre depuis chez lui à Accra (East Legon) ce 17 janvier et le conduire directement dans le nord de la Côte d’Ivoire dans une résidence surveillée. Il devait y rester jusqu’au dimanche 20 janvier, jour où il était projeté une dernière attaque à Abidjan. Dans les investigations, Hamed Bakayoko ferait une sortie médiatique et présenterait Charles Blé Goudé comme l’auteur du coup. L’annonce de son arrestation et de son transfèrement dans le nord deviendrait officielle. Blé Goudé devenant prisonnier de fait, peut paisiblement passer de bon moment dans une villa sécurisée dans le nord. A l’approche du 17 février 2013, date de l’ouverture de l’audience de confirmation des charges du président Laurent Gbagbo, Alassane Ouattara sort son joker. Il libère, Michel Gbagbo et Blé Goudé qui tient un discours de rupture avec ses anciens alliés du FPI. La tournure devrait être : La Côte d’ivoire comme l’intérêt national. Blé Goudé qui est présenté par ses partisans comme un homme de paix (caravane de la paix) reprend les choses en mains et sensibilise la population.
Malheureusement, ce scénario est devenu caduque. Et même si c’était à refaire, ils sont de plus en plus nombreux à découvrir la supercherie de l’ancien leader des jeunes patriotes. Voilà pourquoi, le Libanais ne quittera pas Abidjan où il serait dans une villa tenue secrète jusqu’à la tombée de la fièvre des spéculations. Le problème, c’est quand va-t-il sortir de cette cachette et commencer le job promis à Ouattara ? Peut-il encore trouver les ressources nécessaires pour entretenir le silence, comme il l’a fait durant ses deux ans d’exil ? Car on le sait, si cette opération reste un deal entre le Libanais et Hamed et Wattao et Soro (tous pareils), Alassane Ouattara lui veut aller au plus pressé et cette sortie de Blé Goudé devrait retentir dans les oreilles de la communauté internationale comme un acte majeur pour la normalisation de la vie socio politique en Côte d’ivoire, condition pour un retour des investisseurs.
Enfin, même si cela devrait se passer ainsi, combien sont-ils à suivre l’ancien chef de fil de la mobilisation en Côte d’Ivoire ? Dix ans de crises n’ont-ils pas assez formé et formaté une population encore et toujours attachée à leur Laurent Koudou Gbagbo détenu à la Haye et dont la libération reste la seule condition pour une réconciliation vraie ?
Quelles sont encore les marges de manœuvre de Charles Blé Goudé ?
Que peut faire un Blé Goudé seul dont on connait le passé très tumultueux avec PDCI de Bédié (il aurait pris 20 millions de Bédié afin de le convaincre de sa fidélité au moment où des soupçons d’un Eugène Djué qui aurait trahi faisait rage au sein du PDCI), le RDR de Ouattara qui aurait financé le jeune Secrétaire de la Fesci (99-2001) au moment où le RDR et le FPI se disputaient le contrôle du syndicat estudiantin ; Finalement Blé basculera avec l’arrivée de Robert Guei en 99 (21 avril 2000, on le verra aux côtés de Martial Ahipeaud lors de la célébration du retour de Londres de ce dernier et au 10 e anniversaire de la Fesci). Aux élections présidentielles de 2000, Blé Goudé reste toujours aux côtés de son ancien SG, Martial Ahipeaud et battra campagne pour Guei Robert. D’ailleurs, on se souvient de l’amical, « les anciens de la Fesci » qui comptait, Blé Goudé, Blé Guirao et Martial Ahipeaud…Bref, le même Charles Blé Goudé alors qu’il jouissait déjà des avantages du pouvoir FPI s’est de tout temps targué de n’avoir aucune accointance avec le FPI. En 2004, il fuira l’opération dignité alors qu’il en était informé pour aller se réfugier à San Pedro. En 2011, il sera le premier à prendre ses jambes au cou au moment où les bombes françaises crépitaient sur la tête de Laurent Gbagbo. Voilà le vrai visage du dernier rempart pour la réconciliation. Comme si 2013 était1913.
Alors, les uns et les autres peuvent continuer à spéculer sur un éventuel transfèrement de Charles Blé Goudé à Korhogo ou à la Haye. A la vérité, le deal aurait mal tourné et les deux camps devront trouver une issue. Aussi, Blé Goudé serait en train de rassurer ses fidèles lieutenants sur ce nouveau choix. Il aurait déjà convaincu par personne interposée ses parents du village. « C’est politique » leur aurait-il dit en substance. Au niveau de la diaspora, tout est fait pour minimiser l’affaire. Mais tôt ou tard, Il faudra que Blé Goudé s’adresse à la nation ivoirienne et donne sa dernière position sur la sortie de crise. Et ce n’est pas un Ouattara qui refuse d’envoyer Simone Gbagbo à la Haye qui livrera Blé Goudé là où la CPI avait tout le loisir de le cueillir depuis Accra.
Juste pour l’histoire
Loin de faire le procès d’un Charles Blé Goudé qui il faut le retenir aura donné sa poitrine pour la défense des institutions de la république de 2002 à 2011, il nous importe au moment où nous sommes de plus en plus convaincus que lui-même entend écrire une autre page de son histoire, de faire ce rappel historique afin de l’y aider.
Dans notre prochaine publication, nous allons rafraichir la mémoire de tous sur comment, quand et pourquoi, Charles Blé Goudé est sorti du pays pendant la crise postélectorale. Où résidait-il réellement à Accra ? Qui l’hébergeait et comment était géré son quotidien pendant deux ans.
Affaire à suivre !
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