Cinquantenaire – MESSAGE A LA NATION DE LAURENT GBAGBO

Diaspora Ivoirienne | Ivoiriens de l'étranger
Message de Gbagbo pour le cinquantenaire

Ivoiriennes,
Ivoiriens,
Mes chers compatriotes,
Chers amis de la Côte d’Ivoire.

En ce jour de la commémoration du cinquantième anniversaire de notre indépendance, mon vœu le plus cher a été de vous offrir une Côte d’Ivoire unifiée, pacifiée et rassemblée autour de ses fils et de ses filles ; une Côte d’Ivoire prête, résolue à rebondir, tirant les leçons de cette expérience de cinquante années et assumant son héritage, avec le courage et la confiance des peuples valeureux.

Nos efforts inlassables pour ramener la paix, les sacrifices innombrables que vous avez consentis, pour pardonner et tourner la page de la fracture vécue en 2002, n’ont malheureusement pas suffi à nous y conduire, même si, résolument, nous avons ensemble avancé sur le chemin de la paix et réussi à tourner le dos à la guerre.

Enfant des élections, comme j’aime à le dire, mon vœu le plus cher est de permettre à mes concitoyens de pouvoir s’exprimer librement, à l’occasion de la tenue des élections présidentielles tant attendues, pour choisir en toute conscience, celui qui conduira les destinées d’après crise de notre pays. La première conséquence de notre accession à la souveraineté nationale est en effet de conférer aux citoyens la possibilité de choisir librement leurs dirigeants et de déterminer en toute souveraineté les voies de l’évolution de leur pays.

Depuis que je suis entré en politique, je prône les valeurs de liberté, de justice sociale et d’indépendance économique véritable et je ne m’y déroberai pas. Je reste profondément attaché à ce compartiment essentiel de la vie démocratique commune et je dis à tous : Cette année verra se tenir l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire et notre pays amorcera sa reconstruction.

Mes chers compatriotes,

Nous l’avons souhaité sobre, cette commémoration de notre indépendance pour rester mobilisés sur nos objectifs prioritaires. C’est une commémoration orientée vers la meilleure compréhension de notre passé et axée sur la critique exhaustive et non partisane du parcours réalisé ensemble pour en tirer les leçons les plus significatives.

Un peuple qui méconnait son histoire, peut-il en effet construire avec succès son avenir ? L’avenir commun ainsi envisagé, avec confiance, sera le condensé des voies nouvelles de consolidation de notre indépendance afin de nous engager avec lucidité, audace et responsabilité, dans la voie du progrès.
La sobriété de ces instants n’entame en rien leur solennité parce qu’en ce jour, nous nous réjouissons de l’existence d’un Etat indépendant. Il y a cinquante ans, nos aînés, malgré leurs divergences, ont mené le combat noble de la libération du continent, pour engager la bataille de la construction de nos nations. Chemin difficile mais parcours exaltant, dont la finalité demeure de diriger des nations prospères et de voir y vivre des citoyens libres et heureux.

En ces instants précis, j’ai une reconnaissance profonde pour nos devanciers, vaillants combattants qui ont œuvré pour l’aboutissement de cette perspective mémorable. J’ai une pensée particulière pour le Président Félix Houphouët-Boigny, celui là-même qui, en ce jour du 7 août 1960, a proclamé l’indépendance de notre pays, en ces termes :

« En vertu du droit qu’a tout peuple à disposer de soi-même,
je proclame solennellement l’indépendance de la Côte d’Ivoire. » !

Enfin, j’ai une pensée pour tous ceux qui sont tombés dans la lutte pour l’indépendance, tous ceux qui sont morts pour leurs idées, tous ceux qui ont tracé avec courage et persévérance, les premiers sillons.

Chers compatriotes,

Notre cheminement a alterné périodes fastes et moments de difficultés, années de prospérité et conjonctures austères. Sur le chemin, des écueils ont existé, entraînant de profondes fractures, des blessures parfois encore vivaces ; mais mon devoir est de rappeler à tous l’exigence d’amour fraternel et de pardon mutuel pour préserver la Côte d’Ivoire et entrer dans le second cinquantenaire confiants. Nous y sommes déjà et nous devons poursuivre l’œuvre avec foi, espoir et détermination.

Pendant ces cinquante ans, et malgré les obstacles persistants, des avancées remarquables ont été réalisées qu’il nous importe de garder à l’esprit. Ces avancées qui forgent les nations prospères, il nous faut les défendre et les préserver parce qu’elles sont la marque de notre progrès.

En tout premier lieu, notre dignité de nation libre, la dignité de pouvoir s’affirmer et participer au progrès du monde en tant qu’Etat reconnu, respecté et œuvrant en toute fraternité avec les autres nations du monde pour le progrès de l’humanité. Cette dignité, il faut s’en prévaloir, mais en user sans agressivité ni ostentation, parce que c’est elle qui induit les choix autonomes, souverains et responsables que nous faisons pour l’accomplissement du destin que nous voulons collectivement. Cette dignité-là, ces dernières années, a été particulièrement mise à mal mais ensemble, nous l’avons préservée ; nous sommes heureux aujourd’hui de dire : la résistance a payé !

En second lieu, nous avons hérité de cette indépendance la responsabilité collective de notre devenir commun. Les grandes nations se sont forgées à travers l’histoire en connaissant des moments de prospérité, de gloire et de succès, mais aussi des moments de crise ; elles sont restées résolues devant les crises et les dissensions qui leur ont été préjudiciables. Elles ont ainsi atteint des niveaux appréciables de progrès économique et de justice sociale, s’étant accordées sur la nécessité de surmonter ces obstacles. Ces nations ont supporté des moments particulièrement pénibles mais la raison et le profond désir de cohésion a fini par prévaloir sur les intérêts conjoncturels et les calculs personnels, pour faire triompher la renaissance et la prospérité collective.

En ces instants-là, ce qui a primé, c’est la volonté commune de préserver les générations futures. Cette primauté de l’intérêt général sur les intérêts personnels ou partisans, a été le véritable ferment de leur prospérité retrouvée. La leçon principale que nous pouvons en tirer demeure, en conséquence, le dépassement de soi dans le respect mutuel des divergences.

Au-delà des divergences politiques qui heureusement consolident les Etats démocratiques, au-delà des divergences d’opinion qui enrichissent les perspectives d’alternative qu’elles offrent, cette responsabilité collective, nous devons l’assumer et à chaque instant, la traduire dans tous nos actes.

Ma responsabilité de Chef de l’Etat me l’impose en tout premier lieu et je ne m’y déroberai en aucune façon. Depuis huit années en effet, nous l’assumons, affrontant des vicissitudes multiples et de féroces adversités, internes et externes. Notre souci, conformément à notre serment, demeure de préserver la vie de nos concitoyens et garder intact le territoire de la Côte d’Ivoire, de 322 462 km2 que nous ont légués nos prédécesseurs. C’est dans cette perspective que nous avons inscrit l’accord politique inter-ivoirien de Ouagadougou et les récentes évolutions du dialogue politique interne. Ce dialogue interne devra se raffermir et se consolider, pour nous engager résolument sur la voie du salut collectif.

La troisième avancée significative, que je vous invite à garder en mémoire en ce jour, est notre pratique progressive de la démocratie. Sur ce point, les chantiers réalisés par notre pays sont appréciables. Souvenons-nous en effet de la période d’avant 1990 où la liberté d’expression et le pluralisme politique étaient encore inexistants. La Côte d’Ivoire peut s’enorgueillir d’avoir aujourd’hui les instruments réglementaires et les institutions adéquates pour entretenir la démocratie et veiller au respect par tous des droits et devoirs opposables.

La construction d’un Etat démocratique, protecteur des libertés individuelles et collectives et respectueux des droits de l’homme, n’est certes pas chose aisée ; mais nous y sommes engagés. Nous pouvons en effet nous réjouir de l’existence et du maintien de nos institutions clés : Présidence de la République, Assemblée nationale, Conseil constitutionnel, Conseil économique et social. A ces institutions, nous en avons ajouté d’autres, nouvelles et autonomes de promotion du pluralisme politique, de la démocratie et des droits de l’homme : Conseil National de la Communication audiovisuelle, Conseil national de la presse, Commission nationale des droits de l’homme.

Nous devons également nous réjouir de l’existence de textes de lois novateurs concernant la presse écrite et audiovisuelle afin d’aider à construire une presse responsable, garant d’une véritable conscience citoyenne. C’est ainsi en effet que se réalise l’avènement des nations prospères et démocratiques.

Dignité d’hommes libres, responsabilité collective de notre devenir et enracinement dans la démocratie, telles sont les leçons de cette accession à l’indépendance que nous nous devons de préserver.

Mes chers compatriotes,

Les circonstances actuelles et les contraintes de la période d’après 2002 ont certes limité notre capacité d’agir mais elles n’ont, en aucune façon, entamé l’idéal de justice sociale et de prospérité qui a fondé mon entrée en politique. C’est pourquoi je vous invite à demeurer confiants parce que nous avons fait le choix du courage, de la persévérance et de l’espérance. Nous nous devons de continuer à faire progresser le niveau de vie de nos concitoyens.
La crise que nous vivons a laissé de profondes blessures qu’il nous appartient de guérir. Blessures d’ordre moral avec la perte d’êtres chers mais aussi dysfonctionnements profonds dans nos pratiques, dislocation de nos valeurs essentielles. Deux chiffres résument, à eux seuls, l’ampleur des méfaits de cette crise : celui de la pauvreté de nos compatriotes qui s’est aggravée ces dernières années pour atteindre un chiffre de 49 % environ du fait principalement de la guerre ; l’accroissement du taux de chômage, avec un niveau record de 16 % !

Ces indicateurs nous invitent à repenser d’urgence et profondément notre mode de production et d’allocation des ressources, dans le sens d’une croissance économique plus forte et beaucoup plus diversifiée et d’opportunités nouvelles, de création de nombreux emplois.

La remise en état sera fonction de l’ampleur de notre engagement à conduire les indispensables changements éthiques et de notre ingéniosité pour agir sans délai. Cette situation exige en effet un sursaut national et un engagement sans faille pour la prospérité, le plein emploi et la justice sociale.

Nous avons progressé mais nous avons également régressé alors même que nos potentialités nous permettent d’avancer. Eh bien, avançons !
Dans cette perspective, nous avons passé déjà avec succès, une étape importante dans la procédure d’élimination du fardeau de la dette qui constitue une hypothèque sur nos objectifs de croissance et de développement. L’admission de la Côte d’Ivoire au point de décision de l’initiative PPTE, en ramenant notre endettement extérieur de 160 % de la richesse nationale en 1990 à environ 50 % à la fin de cette année 2010, est un réel motif d’espoir. Bien évidemment, cette réduction de dette n’est pas en soi une finalité de développement mais constitue un instrument essentiel de gestion publique qui, préservé, assurera aux générations futures un avenir dans des conditions de plus grande sécurité.

Le temps est donc venu d’une gouvernance publique profondément remaniée, honnête et efficace, faite d’engagements audacieux. Le temps est arrivé des politiques publiques résolument saines et endogènes garantissant des effets positifs de long terme. Il s’impose à nous désormais, après cette fracture sociale et cette crise politique, la nécessité d’avoir des institutions plus solides et une justice efficace, plus accessible et indépendante, afin d’asseoir les conditions d’une paix durable.

Nous devons entreprendre le saut de qualité, réaliser notre indépendance économique et aboutir à une démocratie véritable. Engageons nous donc à amorcer la nouvelle donne en assumant en même temps l’héritage particulier de la multi-culturalité de notre pays.

Je dis aux Ivoiriens et aux Ivoiriennes d’ici et d’ailleurs, ingénieux et ayant un sens élevé de l’intérêt général, ceux de l’administration publique, des entreprises, des professions libérales, des zones rurales, des usines et des ateliers, des multinationales et des organisations internationales, dès cet instant : Les cinquante prochaines années vous appartiennent. Prenez donc votre place !

La Côte d’Ivoire n’a pas sombré hier, malgré les bourrasques.
La Côte d’Ivoire résiste aujourd’hui.
Mais, plus encore, la Côte d’Ivoire de demain, par l’engagement de tous ses fils et de ses filles et dans un sursaut d’orgueil, sera conquérante.

En ce jour, c’est donc un message d’espérance et une invitation à la confiance et à la solidarité que je vous envoie.
Bonne fête de l’indépendance à tous et à toutes.

Que Dieu bénisse la Côte d’Ivoire !
Laurent Gbagbo

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