Koné Katinan exhorte à la re-naissance de l’Afrique
L’ancien ministre du Budget du gouvernement Aké N’Gbo vient de publier un livre : « Côte d’Ivoire, l’audace de la rupture ». Justin Koné Katinan, dans ce livre de 151 pages, sorti chez l’Harmattan, aborde les questions de nouveaux types de rapports que la Côte d’Ivoire, le continent africain doivent nouer avec les pays occidentaux. Et l’une de ces questions, c’est la construction par la Côte d’Ivoire, les pays africains d’Etats forts.
Car le constat qui est fait aujourd’hui, c’est que sous nos yeux, une entreprise de recolonisation « tantôt sourde, tantôt ouverte », mais beaucoup plus ouverte que source, du continent africain est en train d’être opérée, sous la forme de l’affaiblissement des Etats africains.
L’auteur l’a si bien perçu qu’il ne s’embarrasse pas de circonlocutions pour l’affirmer : « L’Europe doit se bâtir à partir de l’Afrique. Et elle s’en donne les moyens. Ils sont militaires, communicationnels avant d’être diplomatiques. Toute une organisation aux multiples ramifications est mise en place avec des jeux de rôles bien déterminés. Ces ramifications forment un réseau dense de serres qui asphyxient le Continent africain en touchant ce qui est de fondamental dans la conduite de chaque peuple vers son accomplissement : l’Etat. L’affaiblissement des Etats africains est un enjeu stratégique pour la perpétuation de l’ordre ancien. S’appuyant sur des pondérables endogènes savamment entretenus, les stratèges des anciens maîtres conçoivent avec aisance les plans d’affaiblissement des Etats africains ».
Il ne faut pas remonter loin dans le temps pour affirmer véritable ce que soutient Justin Koné Katinan. L’exemple de la Côte d’Ivoire est un cas patent. Pendant dix ans, la France, à travers une rébellion savamment montée et entretenue, a entrepris de démolir, méthodiquement, l’Etat ivoirien. En 2004, elle s’est invitée, brutalement, dans le conflit ivoirien, pour mettre fin à l’opération de reconquête du nord ivoirien entreprise par les Forces de défense et de sécurité (FDS), afin de chasser les rebelles. En 2011, elle a parachevé son ouvrage, en faisant arrêter et déporter à la Haye, celui qui incarnait l’Etat de Côte d’Ivoire, le président Gbagbo.
A en croire l’auteur de « Côte d’Ivoire, l’audace de la rupture », l’affaiblissement de « l’Etat africain devient alors une constante dans les rapports entre l’Afrique et ses anciens colonisateurs. ». Et cet affaiblissement s’obtient, écrit-il, suivant différentes modalités. Il en cite deux qui constituent à ses yeux les plus remarquables : le contrôle des élites politiques africaines et de la structure économique des pays africains.
Est-ce un hasard si, par exemple, ce fameux rassemblement dit Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP) est né en France, sous le regard bienveillant de l’ancien président Jacques Chirac ? Est-ce par hasard si, au Niger, des forces spéciales françaises gardent l’œil sur les mines d’uranium exploitées par Areva ? Voilà des questions lancinantes qui montrent la justesse des vues de Koné Katinan.
En tout état de cause, si l’Afrique, qui vient de se réunir à Addis Abeba autour du thème « panafricanisme et renaissance », veut être à même, un jour, de forger le destin du monde en même temps que son propre destin ; si l’Afrique souhaite, un jour, « déposer son empreinte digitale et son calcanéum sur le dos des gratte ciel », il lui faut oser « l’audace de la rupture ». Il lui faut briser « les chaînes de l’esclavage » ; il lui faut rompre les fers du nouvel esclavage qui se présente sous le masque de « l’affaiblissement des Etats africains ». Justin Koné Katinan voit juste.
Jean Josselin
Justin Koné Katinan (2013), Côte d’Ivoire, L’audace de la rupture, l’Harmattan, 151 pages