Sauf changement de dernière minute, les juges Cuno Tarfusser (juge-président), Olga Herrera Carbuccia et Geoffrey Henderson de la Chambre de première instance 1 de la Cour pénale internationale (Cpi), qui bénéficiaient d’un repos de plus d’un mois depuis le 7 décembre dernier, vont reprendre service dès ce mercredi 17 janvier 2018. Avec la reprise du procès du procès du Président Laurent Gbagbo et du ministre Charles Blé Goudé. Ce procès historique va reprendre avec la comparution du dernier témoin du Bureau de la procureure Fatou Bensouda. Avec la comparution du dernier témoin de l’Accusation. Le 79e témoin à charge sur les 138 initialement annoncés. Comme ses prédécesseurs, celui-ci va également tenter d’attester les crimes pour lesquels les deux accusés sont poursuivis. Comme les premiers, lui aussi va briser les rêves de Bensouda. Puisqu’après les généraux qui étaient directement impliqués dans cette crise, que peut faire le second couteau qu’il est ?
Le passage de l’avant-dernier témoin
Juste avant lui, c’est le Professeur Blonbled Frédéric, expert en médecine légale qui était face au juge italien Cuno Tarfusser et ses collègues de la Chambre. En ce qui concerne la déposition. De cet avant dernier témoin, elle s’est articulée, comme depuis son début sur les conclusions médicales de son activité en Côte d’Ivoire qui date d’octobre 2013. Interrogé par les équipes de défense des deux accusés tout au long de cette journée, le témoin a notamment fait savoir que les rapports finaux de sa mission ont été remis à son «mandant». C’est-à-dire Fatou Bensouda. A plusieurs reprises, le témoin a expliqué que les conclusions de ces examens ainsi que l’identité des personnes auscultées étaient «confidentielles». De ce fait, l’audience a été émaillée de plusieurs huis-clos afin de préserver l’identité des personnes bénéficiant de mesures de protection. Menée en octobre 2013 à Abidjan, à la demande du Bureau du procureur de la Cpi, la mission du Professeur Blonbled visait à confirmer les allégations de blessures liées à la crise postélectorale faite par certaines victimes ivoiriennes. «Il s’est agi de contacts par mail pour communiquer notamment les documents, les missions écrites. C’étaient des encouragements à finaliser mon travail. Je ne me souviens pas d’autres contacts effectués dans cette mission», a expliqué le témoin quand il a été interrogé sur ses relations avec le Bureau de Fatou Bensouda. Comme les précédents experts, Blonbled Frédéric a détruit les thèses de l’Accusation. Démontrant que les victimes qu’il a examinées étaient en grande majorité des hommes, contrairement aux dires de l’Accusation. Après sa déposition, le juge a fait savoir que l’audience du 17 janvier prochain va consacrer le début de la déposition du dernier témoin de Fatou Bensouda. On pourrait donc voir juste après ce dernier témoin, les premiers témoins à décharge dans ce procès.
L’identité des témoins clés de Gbagbo annoncés
Entamé le 3 février 2016 avec le passage à la barre du témoin P-547, le ballet des témoins appelés par l’Accusation va donc s’achever après près de deux années de débats. Après quoi on aura le passage des témoins des Avocats de la Défense de Laurent Gbagbo. Ils seront suivis par la suite par ceux de la Défense de Blé Goudé. L’accusation a battu ses cartes avec les témoignages de personnes anonymes et de personnes qui ont accepté de comparaitre à visage découvert comme Sam l’Africain, Joël N’guessan, Sira Dramé, Evariste Yaké, Al Moustapha (les plus connus des civils) et Edouard Kassaraté, Detho Letho, Brédou M’bia, Guai Bi Poin, Philippe Mangou (les plus connus de militaires). A ceux-là il faut ajouter des témoins anonymes ayant déposé à huis-clos. Place maintenant aux témoins de la Défense. Qui aura certainement les arguments pour contrer l’Accusation. Selon des indiscrétions, l’équipe de Me Emmanuel Altit compte surtout sur les dépositions de ses témoins clés. Parmi eux, nos sources annoncent le passage à la barre de la Chambre de première instance 1 l’ancien Premier ministre du Togo, Joseph Koffigoh. Ce dernier a conduit la mission des observateurs de l’Union africaine (Ua) lors de la présidentielle de 2010. Son témoignage pourrait faire pencher la balance en faveur de Laurent Gbagbo parce qu’il pourra retracer les conditions dans lesquelles les élections se sont déroulées. Le second nom cité est l’ancien ministre de la Défense de Thabo Mbeki. Il s’agit de Mosiuoa Lekota. En son temps, l’homme avait fustigé Alassane Ouattara et la rébellion de retarder la paix. En 2005, il avait présenté devant le Conseil de sécurité de l’Onu, à huis-clos, le rapport de la médiation sur la situation en Côte d’Ivoire. Le troisième évoqué pour témoigner à l’actif de Laurent Gbagbo serait le président Thabo Mbeki lui-même. On le sait l’ex-président sud-africain avait pris une part active dans la crise ivoirienne. C’est d’ailleurs lui, qui a proposé au président Laurent Gbagbo d’utiliser l’article 48 afin de dénouer la question des candidatures. Notamment en ce qui concerne Alassane Ouattara qui était frappé par une inéligibilité et Henri Konan Bédié qui était atteint par la limite d’âge. «Les accords portant sur ce qui aurait dû être fait pour créer les conditions d’élections libres et équitables ont été volontairement et dédaigneusement ignorés. Le Conseil constitutionnel ivoirien (Cc) est le seul organisme autorisé, par la Constitution, à désigner le vainqueur dans une élection présidentielle et à installer le président, quant à la Commission électorale indépendante (Cei), elle est chargée de transmettre les résultats provisoires au Conseil constitutionnel. Toutefois ceux-là mêmes qui insistent sur le caractère sacré du Droit fondamental à toute pratique démocratique, ont choisi de façon illégale de reconnaître le résultat provisoire annoncé par le président de la Cei tout seul, comme le résultat authentique de l’élection présidentielle. Comme prévu par la loi, Gbagbo a contesté la régularité des élections dans certaines parties du pays, surtout dans le nord. Le CC, à tort ou à raison, a accepté la majorité des plaintes déposées par Gbagbo, a identifié d’autres irrégularités, a annulé les votes dans certains districts et a déclaré Gbagbo vainqueur. L’envoyé de l’Onu, le Secrétaire général Ban Ki-Moon et son collègue Sud coréen, Rssg Young-Jin Choi, ont également déterminé que Ouattara avait gagné, mais sur la base de moins de voix que celles annoncées par la Cei après avoir déterminé que certaines des plaintes déposées par Gbagbo étaient légitimes. En termes de suffrages exprimés pour les deux candidats, la Cei, le Conseil constitutionnel et le représentant spécial de l’Onu ont fait trois mesures différentes. Gbagbo a proposé, pour résoudre cette question qui porte sur l’importante question de la volonté du peuple ivoirien, une commission internationale soit établie pour vérifier les résultats des élections, avec la condition préalable que lui et Ouattara doivent accepter la décision de la commission. Cette proposition a été rejetée par la communauté internationale alors qu’elle aurait réglé le contentieux électoral sans que l’on ait à recourir à la guerre, et malgré le fait que certains observateurs électoraux aient émis des doutes quant à l’équité des élections en particulier dans le nord de la Côte d’Ivoire…», a fait observer dans un rapport remis à l’Ua et à l’Onu l’ancien président sud africain. Un tel personnage doit en savoir beaucoup dans ce dossier. Et comme les deux autres témoins à décharge, ils entendent faire triompher la vérité. Nos sources parlent également de la possibilité pour le Général Dogo Blé de témoigner à la Cpi en faveur de Laurent Gbagbo. Surtout qu’il est souventes cité par des victimes. Notamment dans le présumé massacre des femmes d’Abobo. A défaut d’être physiquement présent à la Cpi parce qu’en détention, il pourrait témoigner par vidéoconférence depuis Abidjan. A ceux-là, les mêmes sources évoquent les noms de Dogou Alain (le dernier ministre de la Défense de Laurent Gbagbo), Emile Guiriéoulou (ex-ministre de l’Intérieur et de la Sécurité du gouvernement Aké N’gbo).
Avec Abidjan.net