Cour Pénale Internationale : Allons doucement parce que nous sommes pressés…On ira jusqu’au bout…Pourquoi Me Altit serait favorable à un ajournement du verdict de Gbagbo.
L’avons-nous déjà oublié ? « On ira jusqu’au bout » disait l’ex président ivoirien Laurent Gbagbo. C’était déjà lors de sa comparution initiale à la Haye le 5 décembre 2011. Alors pourquoi certains seraient pressés de voir tomber de sitôt le verdict d’un jugement qui serait vraisemblablement biaisé d’avance ?
Comme nous l’avons déjà écrit et même si cela n’a pas plu à certains proches de Laurent Gbagbo, c’est bien la Défense de celui-ci qui a bel et bien conseillé la Chambre préliminaire dans sa soumission écrite déposée le 3 avril 2013 et encore disponible sur le site de la CPI, en son paragraphe 174, qu’aux termes de l’article 61 (7), la Chambre peut, sur la base des éléments présentés à l’audience, suspendre l’audience pour demander au procureur d’amender son DDC s’il apparait que les éléments de preuves produits semblent établir qu’un crime différent relevant de la compétence de la cour a été commis. Une doléance qui intervient après que la même défense de M. Gbagbo ait déclaré au paragraphe 173 du même document que le fait que la chambre ait laissé le procureur se prononcer au cours de l’audience sur un mode de responsabilité non prévu au DDC et sans que la défense soit en mesure d’y répondre, « place la défense dans une situation délicate ».
Mais au fond, Me Emmanuel Altit aurait-il totalement tort ? NON. Nous y reviendrons.
Alors en quoi une suggestion de suspension de l’audience et une demande de l’ajournement du verdict de cette audience seraient contraires ? Le verdict dans le cas d’espèce étant la conclusion de l’audience marquant ainsi la fin d’une procédure ( la phase préliminaire de l’affaire) ne saurait être détaché du cours de l’audience.
Deuxièmement, Me Altit pourrait avoir bien raison de demander l’ajournement de ce verdict si celui-ci constate une inégalité des armes, ce qui pourrait violer le droit de son client.
Et cela, la défense elle-même l’a rappelé dans son même document écrit du 3 avril riche de 54 pages. A cet effet, la défense de Gbagbo a relevé dès l’entame du document le manque de loyauté de la part du bureau du procureur surtout concernant la question de la transmission des pièces. Elle a aussi regretté que l’avocate des victimes se soit érigée au cours des audiences et surtout dans ses soumissions écrites en Procureur bis, reprenant les affirmations du procureur dans leur totalité (…)
Seulement si la défense pense qu’elle n’a que deux adversaires ce qui est déjà suffisant pour dénoncer un procès non équitable et qui donc viole les droits du prévenu, elle se trompe fort bien. Car toujours de l’autre côté de la barre se trouve également un troisième adversaire : L’état de Côte d’Ivoire.
En effet, selon les informations en notre possession, le 14 mars 2013 c’est-à-dire bien après l’orale de l’audience de Gbagbo, la Chambre préliminaire aurait autorisé les avocats de M. Ouattara afin que ceux-ci déposent eux aussi leurs observations écrites non pas sur la totalité de l’audience mais sur la question de la recevabilité de l’affaire, une requête formulée par la défense le 15 février 2013 et débattue en audience de confirmation des charges, une audience à laquelle n’ont pas participé les avocats de l’état de Côte d’Ivoire. Bien curieux !
Mais encore bien surprenant, une source bien introduite révèle que la Chambre préliminaire aurait autorisé par la même occasion l’accès de l’avocate des victimes à certaines annexes de cette même requête, annexes classées pour autant confidentiel.
Il est évident qu’au regard de ce qui précède, nul ne peut ignorer que cette affaire qui oppose l’ex président ivoirien au procureur de la CPI n’est qu’un vaste complot contre un seul homme : Laurent Koudou Gbagbo. Et au-delà de M. Gbagbo, son parti politique, le Front populaire ivoirien.
Pour cette seule raison, nous sommes à même d’imaginer que s’il y a procès, celui-ci pourrait être très long. Et l’on ne sera pas surpris que Laurent Gbagbo soit rejoint dans la foulé par quelques seconds couteaux tirés sur le volet dans le rang des pro-Ouattara. Ainsi le tour sera fait et la CPI se frottera les mains d’avoir été une justice impartiale. La défense de Gbagbo a-t-elle le droit de faire sien cet argument et justifier un éventuel ajournement du verdict qui devrait intervenir en tout cas avant le 2 juin au risque de déclarer la CPI forclos comme ce fut le cas avec le président de la CEI en Côte d’Ivoire ?
Enfin, ces hypothèses sont-elles suffisantes pour conclure qu’un changement de cap s’impose du côté des pro-Gbagbo qui pourraient être gagnés par la lassitude ? Nous pensons que chaque ivoirien y songe sérieusement déjà et mener une telle réflexion n’est pas synonyme d’appartenir à un camp ou à un autre. Juste une question de bon sens.
A bientôt
Philippe Kouhon, journaliste analyste