Si ce n’est pas du plomb dans l’aile, il y a, on peut le penser, raisonnablement, de l’eau dans le gaz, dans les relations entre Abidjan et Accra. Depuis l’attaque du poste frontalier ivoirien de Noé, par «des hommes armés venus du Ghana», qui a entraîné, la fermeture unilatérale des 700 kilomètres de frontière entre les deux pays décidée par le chef de l’Etat Alassane Ouattara, l’atmosphère est aujourd’hui, à une guerre froide entre Abidjan et Accra. Le verbe est à la querelle et les piques alimentent les sorties entre les deux pays. L’escalade verbale est montée d’un cran quand le Ghana a réclamé à la Côte d’Ivoire, de lui fournir les preuves de ses allégations, quant à une quelconque implication de son pays dans les attaques de Noé… En lieu et place de ces fameuses preuves, la décision d’Abidjan a été de fermer sa frontière avec le Ghana. Une décision qui a fait naitre une fâcherie à Accra. Telle une réponse du berger à la bergère, la libération, sous caution (13 millions de Fcfa), de Katinan Koné par la justice ghanéenne, est venue tendre davantage le climat. La thèse des mesquineries et de désamour entre John Dramani Mahama et son homologue Alassane Ouattara, s’en trouve dès lors accréditée. Mais, comme si les deux capitales jouaient à se faire peur, Abidjan et Accra sont aujourd’hui dans une position attentiste. On est alors dans l’image de la grenouille et du serpent. Le dernier tente d’avaler le premier, qui l’étreint par le cou. Le Ghana tient certes Katinan Koné, mais n’est pas du tout chaud pour l’extrader. De son côté la Côte d’Ivoire tient le Ghana par la frontière, l’une de ses portes économiques. Ce n’est un secret pour personne. Les produits de première nécessité, les produits manufacturés et de grande consommation au Ghana viennent de la Côte d’Ivoire. On voit mal le Ghana tenir longtemps… Le pays de Dramani Mahama, c’est-à-dire le Ghana officiel n’est peut être pas mêlé aux attaques en Côte d’Ivoire, mais aux yeux d’Abidjan, il ne donne pas de gage de confiance, en ne livrant pas ceux des ressortissants ivoiriens qui sont visés par des mandats d’arrêts internationaux, comme l’ont fait, le Liberia et le Togo. En ce qui concerne la dernière attaque du poste frontalier de Noé, des sources formelles ont soutenu que les agresseurs sont venus du Ghana voisin et y sont repartis après avoir semé la mort en Côte d’Ivoire. Dès lors, dans certaines chancelleries, on trouve justifiée la décision de la fermeture des frontières prise par Abidjan. Une suspicion légitime plane sur le Ghana qui est plus ou moins vu comme une base arrière des assaillants, en dépit des dénégations des autorités de ce pays, comme l’avait été le Burkina Faso pour la rébellion de 2002. Les autorités ivoiriennes n’osent certes pas franchir le pas de l’accusation directe, mais il est clair que la fermeture des frontières avec ce pays, même si elle peut être perçue comme une disposition, sinon une mesure sécuritaire, témoigne de l’agacement d’Abidjan vis-à-vis des autorités ghanéennes. Comment comprendre que des hommes armés traversent un pays et ses frontières, pour ensuite attaquer un autre pays voisin, retourner tranquillement d’où ils sont venus sans être inquiétés ? Face à cette question, nombre d’observateurs voient une étroite connivence entre les assaillants qui ont attaqué la Côte d’Ivoire et des complices ghanéens. Cela semble d’autant plus vrai que depuis l’éclatement de la crise en Côte d’Ivoire, en novembre 2010, Accra est restée dans une posture de clair-obscur vis-à-vis des nouvelles autorités ivoiriennes en dépit des visites de feu John Kufuor et de l’actuel président Ghanéen, John Dramani, au président Ouattara. Après le Libéria, le Ghana est le deuxième pays qui abrite, en ce moment, sur son sol le plus gros contingent de réfugiés politiques ivoiriens bénéficiant d’une sorte d’immunité qui n’est pas très appréciée par les autorités ivoiriennes. La mise en liberté sous caution du porte-parole de Laurent Gbagbo, Koné Katinan, mardi dernier, est venue en rajouter à la suspicion des autorités ivoiriennes contre celles du Ghana. Alors qu’Abidjan attendait que le «colis» Katinan lui soit expédié en bonne et due forme, c’est une libération sous caution qui a été accordée au collaborateur de Laurent Gbagbo. Cette mise en liberté, même si elle l’a été sous caution et ne conférait pas à Katinan une indépendance totale des instances judiciaires du Ghana, elle a été cependant vue comme une victoire par les pro-Gbagbo qui ont salué au passage «une justice qui a été très bien rendue». Beaucoup d’observateurs avaient plutôt vu en cette décision, une réplique des autorités ghanéennes au décret du président ivoirien ordonnant la fermeture des frontières ivoiriennes avec leur pays. Mais, la nouvelle arrestation du porte-parole de Laurent Gbagbo peut changer la donne, surtout que le délit de «crime économique» a été abandonné au profit «de crime de sang».
COULIBALY Vamara