Le président ivoirien sortant, Laurent Gbagbo, était l’invité de Canal + hier soir (NDLR: 13 janvier). Ah non, c’était l’inverse d’ailleurs ! Bref, Michel Denisot était à Abidjan pour rencontrer l’un des deux présidents ivoiriens, celui du FPI (Front populaire ivoirien), solidement encastré dans son fauteuil.
Première question qui nous vient directement à l’esprit : que connaît Denisot à la politique africaine, à la Côte d’Ivoire et ses enjeux ? Réponse aisée, en un mot : RIEN !
Sidérant, ignare, n’ayant jamais observé la politique ivoirienne, Denisot m’a fait l’impression d’un enfant ignorant posant des questions à un Monsieur dont il ignore jusqu’à sa réelle influence sur la Côte d’Ivoire. Dans n’importe quelle rédaction un minimum professionnelle, aucun journaliste ne serait passé au travers de cette interview pour le moins creuse, insignifiante et vidée de toute substance politique et journalistique. Une prestation qui pourrait être qualifiée de minable, d’insipide…
Première gaffe ou méconnaissance du dossier : la CEI. Confondant la « Commission électorale internationale » avec la Commission électorale indépendante, il sera repris plutôt élégamment par Gbagbo qui n’a semble t’il, pas voulu froisser et ridiculiser l’interviewer dès les premières secondes. Son sourire en dit toutefois long…
Gbagbo parle alors de « discussion » avec son « homologue » Ouattara (là c’est moi qui met les guillemets). Question à poser : mais quels sujets comptez-vous abordez avec Alassane Dramane Ouattara ? Quels sont les véritables points d’achoppements ? etc. Le chef d’Etat ivoirien reconnu par le Conseil constitutionnel le dit d’ailleurs clairement en parlant du gouvernement d’union proposé par son adversaire – où Gbagbo n’apparaîtrait évidemment pas : « C’est un point parmi tant d’autres ». Alors ? Alors ? Quels sont les autres points ?!
Voici maintenant que nos deux compères se brouillent sur la définition des mots « valider » et « certifier ». A vos dictionnaires ! Alors selon le Larousse en ligne, « valider » est un verbe transitif : Rendre ou déclarer valide juridiquement ; « certifier » est également transitif : Affirmer quelque chose à quelqu’un, assurer que quelque chose est vrai.
Alors, désolé pour toi Michel, mais c’est bien Laurent qui gagne encore une fois ! Entre affirmer la vérité et déclarer valide d’un point de vue juridique, la messe est dite.
Le Michel canalplusien cite ensuite l’opposition qui déclare que « le boulanger » financerait des mercenaires (Libériens) pour investir la Côte d’Ivoire et réagir à une éventuelle opération militaire de l’opposition ou étrangère, comprendre internationale. Sur ce, ce dernier affirme préférer payer les jeunes – patriotes – le soutenant que payer « des étrangers »… Cela revient-il à dire que le FPI finance des milices ? Denisot reprenant par la suite les chiffres onusiens des morts et blessés… en ne demandant pas qui tire, qui reçoit les balles, qui bloque des quartiers entiers, qui intervient en pleine nuit chars à l’appui…
Alors je n’en ferai pas une tonne sur les grossières erreurs de Michel, obligé de lire sa feuille pour prononcer « CEDEAO Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest » et se mélangeant les pinceaux en citant la Banque Mondiale au lieu de la Banque Centrale (BCEAO)… Mais tout de même, cela fait déjà beaucoup en un peu plus de 9 min d’interview ! Et ce n’est pas fini…
Autre manquement et insulte à ses confrères (ou tout observateur de la Côte d’Ivoire), les élections. Gbagbo affirme que les élections, sur le vaste continent africain, se passent rarement bien. Il aurait été aisé de répliquer en citant le cas ghanéen, pays limitrophe de la Côte d’Ivoire… Passons.
Passons également sur le fait que notre Grand Journaliste ne semble pas connaître le nom du troisième candidat ivoirien, Henri Konan Bédié.
Nous arrivons à un autre gros morceau, les violences anti-françaises. Gbagbo affirme qu’il n’y a aucune violence à l’encontre de cette population étrangère installée dans le pays depuis qu’il est au pouvoir en 2000. Denisot ne sait donc pas qu’en 2004, les Français ont été victimes d’exactions violentes, s’il est besoin de le préciser (pillages de maisons, viols, meurtres, etc), et qu’un pont aérien à été créé afin de rapatrier nos chers compatriotes ???
On arrive à la fin de l’interview inutile, avec des questions telles « pourquoi vous aimez le pouvoir », « vous savez comment on vous surnomme », « est-ce que vous êtes prêt à mourir pour défendre votre point de vue »… ? Personnellement, j’aurai répondu cela : oui, pour changer le monde, oui le boulanger, oui parce que je suis un révolutionnaire incompris et que je veux toujours changer le monde ! A peu de choses près, ce sont les réponses de Gbagbo.
Au fait, quid des avoirs gelés par l’UE ? Quid des incitations à la haine de Charles Blé Goudé ? Quid des détournements de fonds publics côté Gbagbo et Soro (ex-Premier ministre et actuel Premier ministre de Ouattara) ? Pourquoi un tel acharnement franco-américain à ériger Ouattara ? Pourquoi leur présence quelques minutes avant l’annonce de Coulibaly (président de la CEI) à l’hôtel du Golfe ? Autant de questions qui ne trouveront pas réponse à cette occasion… (et encore j’en passe !).
Pour finir, que retient-on ? L’image du président proclamé par le Conseil Constitutionnel ne s’en trouve pas vraiment améliorée. Je n’ai jamais perçu la stature d’un réel chef d’Etat dans cette interview. S’il ne semble pas vraiment acculé, dos au mur, il ne semble pas non plus totalement serein sur la suite de la crise. Surtout, on retiendra ou plutôt confirmera que Denisot ne doit PLUS JAMAIS sortir de son studio du grand journal pour s’entretenir avec des acteurs, parler d’enjeux (géo)politiques qui le dépasse de très, très très loin…
S: lepost.fr