Amateurisme, aveuglement, défiance ou cupidité ? Les mots ne manquent pas pour qualifier cette énième affaire de violation de l’embargo sur les armes en direction de la Côte d’ Ivoire.
Depuis décembre 2004, le Conseil de Sécurité a adopté la résolution 1572 imposant un embargo sur les armes vers la Côte d’Ivoire. Ceci pour faire respecter l’accord de cessez-le-feu entre les belligérants et consolider le fragile état de ‘ni paix, ni guerre’ qui règne dans le pays.
Si tous les experts de l’ONU et autres observateurs indépendants sont d’avis que cet embargo n’est pas toujours respecté, au moins les acteurs le font discrètement. Malheureusement, ce n’est pas toujours le cas. Cette fois-ci, les autorités ivoiriennes n’ont pas jugé utile de prendre toutes les précautions nécessaires. Décidé à mâter les opposants, le régime Gbagbo n’a pas hésité à décaisser plus de 6 milliards de FCFA officieusement, et officiellement 2 milliards de FCFA pour passer commande de 4000 pistolets automatiques, 200.000 munitions 9mm et 50.000 grenades lacrymogènes auprès d’un fournisseur peu recommandable, basé aux Etats Unis. Depuis 2009, le Gouvernement américain, à travers les agents du FBI, s’étaient déjà lancés sur les traces de ces trafiquants avec qui le ministère de la Défense de Côte d’Ivoire est entré en affaire. Un Colonel ivoirien répondant au nom de N’Guessan Yao s’est fait cueillir à l’aéroport à New York alors qu’il tentait de quitter le pays, suite à la conclusion d’un contrat d’achat d’armes d’une valeur de 2 milliards. Après vérification, le prénommé N’Guessan Yao, colonel de l’armée ivoirienne est conseiller au ministère de la Défense, donc collaborateur du Ministre Amani N’Guessan. Présenté devant un juge fédéral, celui-ci risque une peine d’emprisonnement de 10 ans pour trafic illégal d’armes vers la Côte d’Ivoire, violation d’embargo sur les armes et menace de la sécurité intérieure des Etats-Unis. Suite à la publication de cette affaire, le ministre Amani N’Guessan a animé une conférence de presse le 16 septembre 2010, pour livrer sa version des faits. Dans son exposé le ministre a reconnu les faits en justifiant cette opération par les nécessités de sécurité liées à l’organisation prochaine des élections. Il a aussi informé que le gouvernement ivoirien avait adressé un courrier au Conseil de sécurité de l’ONU pour obtenir un allègement de l’embargo. Les autorités ivoiriennes ont-elles fait preuve de légèreté en se lançant dans une opération à la fois douteuse et risquée sans prendre les précautions minimales nécessaires? Pourquoi le ministre de la Défense de Côte d’Ivoire, s’il voulait réellement jouer franc jeu, n’a t-il pas attendu d’obtenir la réponse à sa requête avant de se lancer dans ce jeu trouble qui impacte négativement sur l’image du pays?
Du coté du FBI, la raison est toute entendue. Apres l’arrestation du Colonel N’Guessan Yao, et les tentatives d’explication aux forceps de son ministre de tutelle, les hommes du Homeland Security (le département de la Sécurité intérieure des États-Unis), le FBI en tête, sont convaincus que ce trafic illicite d’armes, implique plusieurs personnalités au sommet de l’Etat ivoirien. Dans cet élan, ils ont actualisé et dressé une liste noire de personnalités ivoiriennes à arrêter immédiatement dès qu’elles franchiront la frontière des Etats Unis. Sur la cinquantaine de personnalités ivoiriennes figurant sur cette liste noire, nous avons pu obtenir les noms suivants par l’intermédiaire d’une source diplomatique qui désire garder l’anonymat ce sont: Amani N’guessan, Affi N’Guessan, Bro Grebé Geneviève, Miaka Oréto, Kadet Bertin, Koré Moise, Guai Bi Poin, Tagro Desiré, Siaka, Tchimou Raymond, Ange Kessi, Seka Seka Anselme. Cette liste n’est pas exhaustive, car, aux dires des personnes proches du dossier, le colonel N’Guessan Yao, qui ne veut pas couler seul, continue de citer les noms des personnes impliquées dans ce coup.
Certains membres du corps diplomatique ivoirien figureraient aussi sur cette liste noire.
Des personnes introduites auprès de certaines chancelleries affirment même qu’un mandat international pourrait être lancé contre ces personnalités avec l’entrée en action d’Interpol. Les autorités américaines, d’après notre source, sont déterminées à poursuivre et à arrêter les auteurs de cet énième coup fourré. Il en va d’ailleurs de l’image des USA. Cette affaire, disent-elles, est une occasion pour le Homeland Security de démontrer que l’Amérique est encore crédible en faisant respecter les résolutions de l’Onu et en traquant les personnes susceptibles de menacer la sécurité intérieure du pays.
Une réunion de haut niveau aurait même eu lieu lors du sommet de l’ONU entre les autorités des Etats-Unis, de la France, l’Union Européenne et certains chefs d’Etat africains sur cette affaire.
Agboro Cesar (Correspondant à Washington)
Le Patriote