On le sait déjà, dans une certaine mesure. Laurent Gbagbo l’avait souvent souligné : la crise ivoirienne est la guerre entre les héritiers d’Houphouët-Boigny. L’étape qu’on n’avait pas encore franchie, c’était l’aveu des concernés, aujourd’hui regroupés au sein du Rassemblement des Houphouétistes pour la démocratie et la paix (Rhdp). C’est chose faite depuis le mardi 15 décembre 2015, à la Rue Lepic. Au terme d’une réunion du Bureau politique du Rdr, on lit ceci dans le Communiqué final, au titre des perspectives politiques : « Après une analyse approfondie de la situation sociopolitique nationale, le Bureau politique estime que le moment est venu, pour mettre en œuvre la grande ambition du Président Alassane Ouattara, de rassemblement politique des
disciples de Félix Houphouët-Boigny. A cet égard, le Bureau politique note avec satisfaction le retour définitif de la paix et de la stabilité en Côte d’Ivoire, avec la tenue de l’élection présidentielle sans violence. Il constate que cet acquis majeur, est le fruit de l’unité retrouvée entre les héritiers politiques de feu Félix Houphouët-Boigny. Cette unité s’appuie sur un fondement idéologique : l’Houphouétisme et le respect des valeurs républicaines. » Il a donc fallu que les héritiers politiques de feu Félix Houphouët-Boigny retrouvent leur unité pour que la Côte d’Ivoire connaisse un retour définitif de la paix et de la stabilité ! C’est heureux que cela vienne d’eux-mêmes. Un tel aveu tardif, après avoir plongé le pays dans la violence et la désolation pendant plus d’une décennie et, après avoir nié leur responsabilité en accusant et condamnant des innocents, mieux vaut tard que jamais. Et il convient, au regard de ce bond qualitatif, de rendre hommage, objectivement, au Bureau politique du Rdr. Et particulièrement au ministre Amadou Soumahoro, Secrétaire général par intérim qui l’a présidé, pour sa constance dans la consolidation de la mémoire de l’histoire de notre pays. Car, c’était encore lui qui avait révélé publiquement que « tous ceux qui se sont attaqués à Ouattara se sont retrouvés au cimetière ». Amadou Soumahoro apporte beaucoup à la mémoire collective. C’est pourquoi il devrait attirer l’attention de la Grande Chancelière, Henriette Dagri Diabaté, pour une médaille. La mauvaise foi dans le débat sur les origines de la crise ivoirienne ne pouvait pas s’éterniser. L’aveu du Rdr, le flash de sa mémoire honnête, ont leur pesant d’or. L’histoire repose sur la vérité. Faute de ce pan important de notre passé récent, que les héritiers d’Houphouët-Boigny n’étaient pas d’humeur à assumer, on aurait eu à la base, une contre-vérité, qui allait aboutir à une mauvaise conclusion. A une histoire léguée à nos enfants, qui porte sur une observation du réel, mais malheureusement falsifiée par des ambitions politiques. On comprend que le Rhdp, en pleine conquête du pouvoir, en proie à ses passions, pouvait penser que ceux qui accusaient ses membres d’être à l’origine des convulsions de la Côte d’Ivoire, le faisaient par pure hostilité politicienne. Il était difficile de le reconnaître, sous peine de donner des arguments à l’adversaire. Le discours dont il avait besoin était uniquement de type apologétique et nombriliste. Un discours de courtisan montrant ses attributs les plus retentissants ou glorieux et ses succès les plus fameux. Mais aujourd’hui, repus par les excès d’un pouvoir qu’ils ne méritent pas, ils avouent, d’eux-mêmes, dans une perspective affective favorable : la souffrance de notre pays venait de leur désunion. Tels que nous connaissons le Rdr et ses leaders, nous ne nous attendions pas à ce qu’ils se montrent facilement capables de se détacher de l’opinion affective, de garder un esprit libre qui pose les arguments en toute honnêteté, en toute objectivité. Perché sur un nuage évanescent, ils se désintéressaient de la souffrance des Ivoiriens, en niant leur responsabilité, leur impatience brutale. Si maintenant ils sont passés à table, non pas par honnêteté et maturité, mais par inattention comme Guillaume Soro au téléphone avec Djibril Bassolé, l’essentiel, c’est que la vérité a fini par triompher. Et nous savions seulement que grâce à la patine lénifiante du temps, la lumière repousserait un jour ou l’autre, les ténèbres les plus tenaces. Pendant longtemps donc, le Rhdp a combattu sa volonté de reconnaitre la paternité de la crise ivoirienne. Il y a eu plusieurs morts. Des viols, des pillages, des femmes enceintes éventrées, des bébés tués, des innocents emprisonnés. Des exilés en détresse, des expropriations, des traumatisés à vie, etc. Avec cet aveu du Rdr, l’opinion va mieux le connaître et en tirer les conclusions. Mais cela ne suffit pas. Avouant indirectement sa responsabilité civile et pénale écrasante dans le drame ivoirien, le Rdr et le Rhdp en général, signalent leur obligation légale de réparer les dommages causés par eux-mêmes ou par des acteurs à leur charge à la faveur de cette crise. Il s’agira pour eux, de subir la peine prévue par les lois en réparation des délits commis dans le cadre de ce crime contre paix nationale. Dans tous les cas, attendons de voir.
Germain Séhoué
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