Voici en exclusivité le rapport final
Tchéidé Jean Gervais (FPI) : « C’est au pouvoir de décrisper l’environnement sociopolitique et permettre à l’opposition de jouer le jeu démocratique »
Après deux jours de travaux en commission, vendredi 25 et lundi 28, les différentes parties (FPI et Gouvernement) se sont retranchées hier mardi 29 janvier dans leurs fiefs respectifs en séance plénière pour la synthèse des rapports des différentes commissions, à savoir la commission Sécurité, Jeu électoral, Etat de droit et la Réconciliation. Il faut également rappeler que chaque commission paritaire comprenait dix membres ( FPI (5), gouvernement (5)). A l’issue de ces plénières, les deux parties ont commis dans chaque camp, deux rapporteurs. Ainsi ont été désignés pour le compte du FPI, MM. Tchéidé Jean Gervais et Nguessan Lavry Nicolas. Pour le compte du gouvernement, ce sont MM. Bamba Check Daniel, directeur de cabinet du ministre Hamed Bakayoko et Traoré, un des conseillers techniques du Premier ministre Duncan qui furent désignés. Selon le chronogramme pré établi, le rapport final devrait être sur la table du Premier ministre demain jeudi 31 janvier, avant d’être soumis à l’appréciation du Chef de l’Etat, Alassane Ouattara. Mais selon des indiscrétions, il faudra attendre jusqu’au week end pour tout boucler. Car toujours selon une source proche des négociations, c’est ce mercredi 30 que les différents rapporteurs finaliseront avant 12h leur synthèse. Après quoi, ils procéderont à la divulgation de leur contenu (chaque camp devant transmettre sa synthèse finale à l’autre). Les deux rapporteurs de chaque camp vont ensuite se retrouver au cabinet du Ministre Cissé Bacongo, président du comité de synthèse aujourd’hui mercredi 30 janvier vers 15h pour consolidation avant la rencontre avec le premier ministre.
Joint au téléphone en début de matinée, par Eventnews Tv, M. Tchéidé Jean Gervais n’a pas voulu entretenir une quelconque langue de bois.
De la participation du FPI aux négociations :
« On est venu pour demander que le pouvoir aille à la normalisation. C’est le seul mot que nous avons en bouche. On ne peut pas continuer de nous regarder en chien défaillance. C’est pour cela que le pouvoir doit poser des actes forts. Il doit rassurer. Nous aussi nous avons des actes à poser, mais il lui revient de décrisper la situation avant. Ce sont eux qui sont aux affaires, donc qui ont la responsabilité que la paix et la concorde reviennent au pays. Ce n’est pas au FPI, qui d’ailleurs n’en a pas les moyens matériels et financiers. C’est nous qui sommes traqués, qui sommes en prisons et qui sommes réduits à notre plus simple expression même au plan moral. On a donc peu à donner si ce n’est que de demander alors que ce n’était pas à nous de le faire, au pouvoir, le dialogue. »
De la cohérence du FPI
« Gbagbo lui-même disait le 11 avril 2011, lorsqu’il a été bombardé par les forces françaises, pris et remis aux soldats de Ouattara à l’Hôtel du Golf : la phase militaire de la crise est finie, maintenant passons à la phase civile. En clair, il voulait dire à Ouattara, on s’est battu. Il y a eu des bombardements, des morts. Vous avez fini par prendre le dessus. Maintenant asseyons-nous pour parler des problèmes de la Côte d’Ivoire et discuter politiquement de la phase civile. Voilà pourquoi, depuis le 29 septembre 2011, dès que le FPI a réussi à se recomposer, nous avons élaboré un document qu’on avait remis à l’époque au président Ouattara lui-même, pour dire que nous sommes demandeurs d’un dialogue direct avec le pouvoir pour qu’on parle des autres problèmes qui sont en suspens. Depuis cette date on eu sans cesse de dire qu’il faut que nous discutions. Malheureusement le pouvoir nous l’a à chaque fois refusé. Mieux, il a tenté de nous fondre dans un cadre appelé cadre permanent de dialogue (CPD) avec d’autres partis politiques que j’évite de qualifier ici. Nous avons dit non, car le FPI a des préoccupations spécifiques. C’est donc deux ans après et surtout après notre tournée en Europe et la mission à Dakar que le pouvoir accepte enfin de s’assoir avec le FPI pour discuter. Il faut aussi savoir que rien n’a changé dans notre démarche. C’est d’ailleurs le même document que nous avons déposé sur la table du Chef de l’Etat en septembre 2011, que nous discutons aujourd’hui. »
Des revendications du FPI
Au centre des discutions, il faut citer, en premier, la libération du président Laurent Gbagbo :
« Pour nous il est illusoire qu’on peut aller à une réconciliation ici en Côte d’Ivoire, alors que le président Laurent Gbagbo est en prison. Nous demandons qu’un acte fort soit posé de la part du pouvoir. Même s’il n’a pas le pouvoir de le libérer, il peut adresser un courrier à la CPI demandant sa libération au nom de la réconciliation. L’état ivoirien peut demander à la CPI, car c’est bien lui qui a motivé son transfèrement à la Haye. Si Ouattara explique que la présence du président Gbagbo est nécessaire en Côte d’ivoire pour que son camp soit rassuré, je suis convaincu que la CPI trouvera les moyens juridiques pour libérer Gbagbo. »
La deuxième préoccupation des frontistes est la libération des autres prisonniers politiques détenus dans le nord de la Côte d’ivoire et le retour des exilés. C’est pourquoi, ils ont demandé dans leur rapport qu’il soit pris une loi d’amnistie. La question de la refonte de la CEI, la question du retrait des dozos dans les villages et campements et surtout la loi de financement des partis politiques figurent également dans ce rapport. « Sous Gbagbo, le PDCI, le RDR étaient subventionnés à hauteur de 800 millions de Fcfa par an et par parti politique. Nous demandons que nous soient payés nos arriérés de 2011 et 2012, soit la somme de 1 milliard 600 millions de Fcfa.
De la participation du FPI aux élections municipales et régionales
« Les élections ne sont pas la solution. Ce sont des éléments qui sont sur le chemin de la normalisation. C’est pourquoi, nous parlons de discussion d’abord avant de jouer ensemble là où le pouvoir nous dit que c’est en jouant ensemble que nous pouvons nous parler. Aussi, pour aller aux élections, il faut des ressources humaines. Nous (FPI, ndlr) on n’arrive même pas à former une liste de 30 personnes par région, puisque tous ceux qui devaient concourir pour nous sont tous en prison, en exil ou bien doivent se taire de peur d’être persécutés. C’est pourquoi nous parlons de déforestation. Vous savez, quand on invite son voisin à un match de football, on ne lui dit pas vient jouer même si la moitié de tes joueurs est à l’infirmerie et que tes supporters ont été chassés. »
Les arguments du FPI pour convaincre le pouvoir
« Nous, on part du principe que s’ils se sont battus pour prendre le pouvoir en Côte d’Ivoire, c’est bien pour le gérer dans l’intérêt de tous les ivoiriens sans exception. Pour nous celui qui gagnerait dans cette affaire, ce n’est ni eux, ni nous mais la Côte d’Ivoire. En plus ce sont eux qui ont la responsabilité historique de faire avancer le pays aujourd’hui. Afin que les investisseurs qu’ils sollicitent, puissent venir. Pour que la croissance à deux chiffres dont ils parlent soit une réalité. Et que la Côte d’ivoire soit un pays émergent d’ici 2020. Pour que tout cela se réalise, il faut qu’on normalise la vie politique. Vous comprenez que c’est nous qui le demandons alors que nous ne sommes pas aux affaires. Cela devrait être la préoccupation première de tout gouvernement. Et nous espérons qu’ils seront sensibles à tout cela afin de donner une chance à la Côte d’ivoire, à la paix et à la concorde sociale ».
Comme on le voit, le FPI est plus que jamais déterminé à tourner la page. Négociations de la dernière chance, ou bien simple jeu politique pour faire diversion ? La réaction du pouvoir d’Abidjan est très attendue !
Philippe Kouhon/ Eventnews Tv