Alors que le Tchad, du fait de son rôle central dans l’endiguement du djihadisme, est de plus en plus ciblé par des tentatives d’attentats, son président Idriss Déby Itno n’a de cesse de battre le tambour de l’union. Une détermination qui, avec la désignation de ce dernier à la présidence de l’Union africaine, pourrait bien finir par porter ses fruits et apporter une réponse à une question trop longtemps restée insoluble : comment porter un coup fatal au terrorisme au Sahel ?
Ces dernières années, le Tchad s’est imposé comme un porte étendard de la lutte contre le terrorisme sur le continent africain. Cette détermination a cependant un prix : les attaques sur son territoire se sont multipliées. Une recrudescence d’attentats qui n’a pas fait fléchir Idriss Déby, bien au contraire. Son engagement militaire dans la coalition régionale luttant contre Boko Haram est on ne peut plus central. Au sens propre : le quartier général du regroupement militaire se situe dans la capitale tchadienne N’Djamena. Le pays a maintenu son implication la plus totale dans des opérations militaires au Mali, au Cameroun, au Niger et au Nigeria. Et ce, même si le coût à payer est fort, comme le confiait il y a peu le ministre des Affaires étrangères, Moussa Faki Mahamat : « Certes c’est une opération qui nous a coûté des hommes d’abord, elle nous a coûté du matériel, elle nous a coûté de l’argent. Mais je crois que nous avons bien fait de le faire. »
Dernièrement, Idriss Déby s’est rendu à Ouagadougou pour une visite symboliquement importante. Au côté de son homologue burkinabè Roch Kaboré, il a visité l’hôtel Splendid et le café Cappuccino, théâtres de la récente attaque terroriste ayant coûté la vie à trente personnes et occasionné une cinquantaine de blessés. Le dirigeant tchadien, à cette occasion, est venu apporter son soutien au « peuple frère du Burkina Faso. » Idriss Déby à Ouagadougou, c’est le « Warrior » tchadien à Kosyam (palais présidentiel burkinabé), commentait avec enthousiasme L’Observateur Paalga, un quotidien d’information local. Cette aura, Déby la doit au volontarisme forcené dont il a fait preuve dans la répression systématique du terrorisme. A mesure que le spectre de la terreur s’est étendu sur la région du Sahel, jusqu’à atteindre les portes N’Djamena, il a su allier une parole forte à des mesures fermes et efficaces.
Après avoir visité les lieux du drame à Ouagadougou, le président tchadien a appelé les Etats africains à unir leurs forces pour éradiquer « l’épidémie du terrorisme qui avance dans le Sahel », avant d’ajouter : « C’est un espace d’horreur. Des innocents ont été abattus par des illuminés. Ce qui est inacceptable ». Divisés, les pays de la sous-région ne pourront pas lutter efficacement contre le phénomène sans une stratégie commune, a reconnu le nouveau président de l’UA, lors de son hommage aux victimes. « Vous ne pouvez pas, avec vos maigres moyens, combattre le terrorisme et aussi penser au développement, à l’embauche des jeunes, etc., c’est impossible. Donc, nous ne devons pas rester les bras croisés, nous ne devons pas agir seuls mais ensemble. »
Un appel qui vise bien sûr les différents chefs d’Etats, afin qu’ils mettent leurs agendas nationaux de côté, et dépassent les tensions historiques dans le but d’offrir une réponse commune dans la sous-région. Mais Déby s’adressait également aux habitants des territoires où le terrorisme s’installe. Avant de quitter les lieux du drame, il a invité les populations à dénoncer tout comportement suspect aux Forces de défense et de sécurité (FDS), car c’est avec cette vigilance des citoyens que l’on pourra « détruire les nuisances de ces voyous et de cette nébuleuse qu’est le terrorisme. »
La désignation, par les Chefs d’Etats d’Afrique centrale, d’Idriss Déby Itno comme nouveau président de l’Union africaine ne répond pas au hasard. Il faut sans doute y voir une volonté de ces derniers de donner davantage de marge de manœuvre à un homme au fait de la problématique terroriste, et ayant déjà montré sa détermination et son habileté à combattre ce fléau. Preuve que le dossier sera sa priorité durant son mandat à la tête de l’UA, le 26e sommet de l’UA qui s’est tenu le 31 janvier dernier s’est articulé tout entier autour des enjeux sécuritaires. Avec un leitmotiv, répété à l’envi par Déby Itno : conduire une véritable action, « ne pas se réduire à des mots ».
Une contribution de Alain Tchombè