«La fin de carrière est toujours un moment délicat à vivre. Elle révèle aussi souvent la personnalité du bonhomme au moment des dernières décisions, des derniers virages, des ultimes choix. Il y en a un que je surveille avec attention et affection ces derniers temps, c’est Didier Drogba. Je l’ai croisé il y a quelques jours et j’ai eu face à moi toujours le même: un passionné de foot qui se cherche une nouvelle aventure. A trente-sept ans, à un âge où il pourrait tranquillement profiter des siens, cet entêtement peut étonner… surtout ceux qui ne le connaissent pas trop. Car ceux qui savent comment fonctionne Didier ne peuvent pas être surpris par son envie de prolonger sa carrière.
José Anigo déconseille l’OM à Drogba
Il n’a pas besoin de moi pour gérer sa promotion mais le club qui le recrutera fera évidemment une bonne opération. D’abord sur le terrain car il reste un guerrier exceptionnel, toujours animé de la même rage de vaincre. C’est d’ailleurs cette image que je garde de lui lors de notre saison (2003-04) passée ensemble à l’Olympique de Marseille. Je le revois se blesser dans un choc face à Julien Rodriguez quelques jours avant notre finale de Coupe d’Europe face à Valence. Il souffrait le martyr. Il avait essayé de dépasser sa douleur en jouant sous infiltration. Parce qu’il ne se voyait pas abandonner ses partenaires avant une échéance aussi importante.
Didier, c’est un exemple également en dehors des terrains. Et un formidable meneur d’hommes. Ses prises de paroles étaient souvent décisives car percutantes, argumentées et loyales. Il ne parlait pas pour faire son petit numéro. Non, il était constamment à la recherche de l’efficacité et de la cohésion du groupe. Avec un mec comme ça dans ton groupe, tu peux dormir tranquille quand tu es entraîneur. José Mourinho l’a sans doute bien compris lui aussi. Ce n’est pas seulement pour les beaux yeux de Didier qu’il l’a fait revenir à Chelsea. Il sait tout le travail invisible qu’il peut réaliser en coulisse pour garder un groupe en éveil et tourné vers le même objectif. Que le maître des entraîneurs l’ait autant sollicité, c’est un signe, non ? Qu’il ne l’ait jamais critiqué publiquement en est sûrement un autre.
Où peut-il aller désormais? Je sais où il ne doit surtout pas aller: à l’OM! Depuis qu’il en est parti, il n’y a pas eu une intersaison sans que l’on évoque son retour. C’est devenu un classique de l’été. On en a d’ailleurs souvent discuté tous les deux. Je sais qu’il a été tenté par cette perspective. Mais je dois admettre qu’il a eu raison de ne pas céder à cette folie. C’aurait été la pire des bêtises à faire! Il aurait eu beaucoup à perdre. Trop, sans doute. Je connais trop bien ce public olympien capable de brûler ce qu’il a adulé… Alors, oui Didier tu as bien fait de ne pas m’écouter même si j’aurais beaucoup aimé retravailler avec toi. Mais peut-être nous retrouverons-nous un jour ailleurs autour d’un autre projet? Car je vois bien Didier se lancer après sa retraite de joueur dans une carrière de directeur sportif d’un grand club. Il a le sens des responsabilités, la légitimité et la malice pour occuper une telle fonction. S’il a besoin de conseils, il sait où me joindre…»
José Anigo
Avec FranceFootball