Il est des textes que l’on ne doit jamais réduire à de simples feuilles de papier reliées et signées au détour d’un congrès ou d’une séance plénière. La Constitution appartient à cette catégorie sacrée. Elle n’est pas une loi ordinaire. Elle est l’âme écrite d’une nation, le miroir dans lequel un peuple choisit de contempler son passé, de comprendre son présent et de projeter son avenir.
À travers ses articles, ses alinéas et ses dispositions, c’est l’histoire d’une communauté humaine qui s’écrit, avec ses valeurs, ses craintes, ses espoirs et ses engagements. Elle ne dit pas seulement comment on gouverne ; elle dit qui nous sommes, ce que nous refusons d’être et ce que nous aspirons à devenir.
La Constitution : boussole de la nation
Une Constitution, en Côte d’Ivoire comme ailleurs, joue le rôle de boussole de la nation. Elle trace les lignes rouges qu’aucune ambition personnelle, fût-elle drapée dans les plus beaux discours, ne doit franchir. Elle fixe les fondations de l’État et détermine les conditions de son équilibre.
Rappelons ses éléments essentiels :
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La nature de l’État
Elle définit le type d’organisation politique retenue par le peuple. En Côte d’Ivoire, il est écrit noir sur blanc : « La Côte d’Ivoire est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. » Ces mots, simples en apparence, sont porteurs d’un poids immense. Car déclarer que la République est indivisible, c’est refuser que le pays se fragmente en clans, en ethnies ou en féodalités modernes. Déclarer qu’elle est laïque, c’est protéger la coexistence pacifique des religions. Affirmer qu’elle est démocratique, c’est proclamer que le pouvoir n’appartient pas à un homme, mais à l’ensemble du peuple souverain.
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Les droits
et libertés des citoyens
La Constitution est d’abord une promesse faite à chaque citoyen : celle de vivre debout, dans la dignité et la liberté. Elle garantit la liberté d’expression, si cruciale dans un pays où tant de voix ont été muselées. Elle protège la liberté de presse, que l’on voudrait parfois réduire à un chœur docile. Elle consacre le droit à l’éducation, afin qu’aucun enfant ivoirien n’ait à apprendre sous un arbre faute de salle de classe. Elle proclame le droit à la santé, alors que trop de familles voient mourir les leurs devant les portes d’hôpitaux saturés.
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La séparation et l’organisation des pouvoirs
La sagesse universelle l’a enseigné : un pouvoir absolu corrompt absolument. La Constitution institue donc trois pouvoirs indépendants :
- Le législatif, qui fait les lois au nom du peuple.
- L’exécutif, qui applique ces lois et conduit la politique de la nation.
- Le judiciaire, qui tranche les différends, protège les droits et rend justice au nom du peuple.
Leur indépendance est la garantie que nul ne pourra devenir maître et seigneur absolu de la République.
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Les institutions et leur fonctionnement
La Constitution établit la mécanique délicate de l’État. Elle décrit le rôle de la Présidence, du Parlement, de la Cour constitutionnelle, mais aussi celui des collectivités locales, pour que l’État ne soit pas seulement une citadelle d’Abidjan, mais une maison ouverte à l’ensemble du territoire national. Elle précise les règles de succession du pouvoir, car un État ne peut vivre dans la peur permanente du vide institutionnel.
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Les symboles et valeurs de la nation
Une Constitution ne se contente pas d’articles techniques ; elle proclame aussi l’âme du pays. Elle consacre un drapeau, une devise, un hymne national. Elle affirme une langue officielle, non pour écraser les autres, mais pour unir les peuples d’un même sol.
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La procédure de révision
Enfin, la Constitution rappelle qu’elle n’est pas figée. Elle peut être révisée, mais toujours selon des procédures strictes, souvent par référendum ou à travers une assemblée constituante. Car si elle doit évoluer, ce ne peut être au gré des caprices d’un clan ou d’une coterie politique.
En somme, la Constitution est au pays ce que les racines sont à l’arbre. On peut tailler les branches, on peut greffer de nouveaux rameaux, mais si l’on arrache les racines, l’arbre meurt. La Constitution, bafouée, piétinée ou manipulée, entraîne dans sa chute la légitimité de l’État et la confiance du peuple. Elle n’a de vie que si les citoyens et les élites choisissent, ensemble, de la défendre.
Car une Constitution n’est ni un brouillon qu’on efface selon l’humeur des puissants, ni un chiffon que l’on piétine sous prétexte de modernité. Elle est la ligne de vie de la nation. Et quand elle est menacée, le silence est une trahison. Les pas de côté non opportuns deviennent des pas de travers.

Dr KOCK OBHUSU, Économiste – Ingénieur
II Le silence complice des élites
La Côte d’Ivoire est aujourd’hui traversée par une étrange maladie : le mutisme sélectif de ses élites. Ces hommes et ces femmes, dont les murs des salons sont tapissés de diplômes encadrés et dont les bibliothèques regorgent d’ouvrages annotés, se drapent dans une dignité factice quand il s’agit de se montrer au peuple, mais se font soudainement muets lorsque la Constitution, ce texte sacré qui fonde la République, est foulée aux pieds.
On les appelle intellectuels, experts, cadres supérieurs, leaders d’opinion. Ils aiment se proclamer « éclairés », comme si leurs études à Harvard, à la Sorbonne ou à l’Université d’Oxford leur avaient conféré le droit exclusif de dire ce qui est bien pour le peuple. Mais où donc sont-ils quand la démocratie chancelle ? Où donc se terrent-ils lorsque des manœuvres illégales menacent la paix civile ?
Ils se pavanent dans les colloques climatisés, enfilant des mots savants comme des perles précieuses sur des colliers qui n’iront jamais orner le cou de la République. Ils récitent leurs titres comme un chapelet poussiéreux : Docteur en sciences politiques, ancien haut fonctionnaire international, consultant auprès de grandes institutions… Mais derrière ce vernis académique, que donnent-ils réellement au peuple ?
- Ni pain, car les marchés populaires restent vidés par l’inflation.
- Ni eau potable, car dans Abobo, Treichville ou Gagnoa, des familles entières font encore la queue à la borne-fontaine sous un soleil brûlant.
- Ni travail, car la jeunesse, pourtant éduquée, croupit dans un chômage humiliant.
Et quand ils osent parler, ce n’est pas pour défendre la Constitution, mais pour lancer des accusations vagues et irresponsables de type : « Le président Gbagbo est pris en otage ». Comme si le peuple pouvait se contenter de phrases lancées au vent, sans preuves, sans courage, sans suite. Cette attitude n’est pas seulement une lâcheté ; c’est une insulte au bon sens des Ivoiriens. Car accuser sans démontrer, c’est mépriser le peuple. C’est jouer avec ses blessures et ses colères.
En réalité, ces élites ont fait du silence une stratégie. Elles ont fait du détournement des sujets (quand elles parlent de candidatures de précaution) une stratégie. Elles savent qu’en se taisant, elles protègent leurs privilèges. Elles savent qu’en baissant la tête, elles conservent leurs postes dorés, leurs marchés juteux, leurs voyages de conférence et leurs invitations dans les salons internationaux. Leur mutisme est un pacte tacite avec les forces qui piétinent la République : « Je me tais, je sème la distraction et tu me laisses jouir de mes privilèges. »
Mais qu’on ne s’y trompe pas : le peuple voit ce silence, cette distraction éhontée. Il sait que chaque fois qu’un juriste brillant détourne les yeux devant une fraude constitutionnelle, c’est une partie de sa dignité qui est vendue. Il sait que chaque fois qu’un intellectuel s’abstient de dénoncer une illégalité manifeste, c’est une partie de son avenir qui est hypothéquée.
Dans l’histoire, les peuples ne pardonnent jamais longtemps à leurs élites complices. On se souvient en France des notables qui, en 1940, saluaient l’occupant allemand avec des courbettes ; de ceux qui, dans l’Afrique coloniale, vendaient leurs frères pour une poignée de privilèges ; ou encore de ces experts africains du FMI et de la Banque mondiale qui, au nom de la « rationalité économique », ont imposé des plans d’ajustement structurel qui ont appauvri des millions de familles.
Alors, que valent tous leurs titres si, au moment où la Constitution est violée, ils se taisent ou cherchent à détourner l’attention des citoyens ?
Que valent leurs longs curriculum vitae si, face au sang du peuple, ils choisissent l’encre invisible , le verbalisme creux ?
Que valent leurs réseaux internationaux si, au cœur d’Abidjan, un enfant meurt faute d’avoir bu une eau propre ?
Le silence des élites est pire qu’un mensonge : c’est une complicité. Car se taire, c’est consentir. Se taire, c’est prêter main-forte aux fossoyeurs de la République. Se taire, c’est dire au peuple : « Ton malheur ne m’intéresse pas, tant que mon confort n’est pas menacé. »
Or l’histoire a prouvé que les Constitutions se défendent non par les armes, mais par le courage des voix qui s’élèvent. Quand la Constitution est violée, chaque silence d’élite est un coup de poignard enfoncé dans le dos du peuple.
III. Le curriculum vitae ambulant et la comédie politique
Il arriva un jour, au détour d’une conférence de presse improvisée dans une salle climatisée d’Abidjan, qu’un homme, se croyant attendu par l’Histoire, prit la parole. Les caméras étaient braquées sur lui, les micros tendus, les regards fixés. Le peuple espérait enfin entendre une voix qui parlerait de ses souffrances, de ses attentes, de ses espoirs. Mais ce qu’il entendit ne fut qu’une récitation interminable d’un document qu’on aurait cru arraché à un bureau de ressources humaines : un curriculum vitae.
Plutôt qu’un projet de société, l’homme déroula son palmarès personnel comme on égrène les titres d’un vieux feuilleton : diplômes obtenus dans des universités prestigieuses, séjours prolongés dans des capitales européennes, stages dans des institutions internationales, voyages aux quatre coins du monde, et même quelques photographies brandies comme preuves de fréquentations influentes.
Son discours résonnait d’une arrogance triste. Il croyait convaincre par la quantité des diplômes et la rareté des tampons sur son passeport. Il pensait que le peuple, en entendant les noms ronflants d’universités étrangères, allait se sentir honoré et conquis. Mais ce que le peuple entendait, ce n’était pas l’écho des grandes bibliothèques : c’était le froissement d’un papier inutile, le bruit sec d’un parchemin qu’on jette dans le vent.
Car à quoi servent ces diplômes, aussi brillants soient-ils, si les bidonvilles de Yopougon, d’Abobo et de Koumassi s’étendent chaque jour davantage ?
À quoi sert un master obtenu à New York ou un doctorat soutenu à Paris, si des enfants, dans le pays profond, s’entassent encore sous des abris en paille pour apprendre l’alphabet ?
À quoi bon des séjours diplomatiques et des contacts internationaux, quand les robinets d’Abidjan refusent de donner de l’eau à des familles entières ?
Le peuple ivoirien n’a que faire de la liste infinie de ses stages et certifications. Il réclame autre chose : du pain sur sa table, de l’eau potable dans ses foyers, un emploi digne pour sa jeunesse, des hôpitaux qui soignent vraiment, des écoles qui forment plutôt que de trier.
Ce que l’homme ne comprenait pas, c’est que la Côte d’Ivoire n’a pas besoin d’un curriculum vitae ambulant, mais d’une vision, d’un projet clair, d’un engagement ferme.
Car gouverner un pays, ce n’est pas réciter sa biographie ; c’est écrire avec son peuple une nouvelle page d’histoire.
Mais dans cette conférence, tout ressemblait à une pièce de théâtre grotesque. Les mots s’enchaînaient, beaux et creux, mais chaque phrase sonnait comme un mensonge poli. Le peuple, qui avait tendu l’oreille, détourna peu à peu le regard.
- Là où il attendait un programme économique, il n’entendit que des souvenirs de voyage.
- Là où il espérait une parole de justice, il ne reçut que l’étalage d’un carnet d’adresses.
- Là où il rêvait d’une promesse de dignité, il vit défiler les trophées poussiéreux d’une carrière personnelle.
Alors, le contraste éclata avec violence : tandis que l’homme parlait de lui-même, la nation saignait.
Il évoquait ses diplômes comme des talismans, pendant que les enfants du quartier de Gbatanikro faisaient la queue pour un seau d’eau.
Il vantait ses séjours à Genève et à Washington, pendant que les jeunes diplômés ivoiriens, sans emploi, traînaient leurs CV froissés de bureau en bureau, mendiant un stage non payé.
Il récitait ses contacts internationaux, pendant que les malades d’Anyama mouraient faute de médicaments.
Le peuple n’était pas dupe. Il savait que cette mascarade n’était qu’une comédie politique. Une farce où l’on prend les Ivoiriens pour des spectateurs crédules, facilement impressionnables par un curriculum vitae bien rempli. Mais le peuple en avait assez des diplômes sans pain, des titres sans eau potable, des voyages officiels sans justice sociale.
Car, il faut le dire haut et fort : la Côte d’Ivoire ne veut pas d’un curriculum vitae, elle veut un contrat social l’engageant comme Nation. Elle veut une élite qui ne se présente pas comme un produit de luxe, mais comme un serviteur de la nation. Elle veut des dirigeants qui cessent de brandir leurs parchemins pour enfin mettre les mains dans la glaise du quotidien.
Un peuple affamé ne se nourrit pas de diplômes. Une jeunesse assoiffée d’avenir ne boit pas de titres honorifiques. Et une nation qui lutte pour sa dignité n’a que faire d’un CV quand elle attend un projet.
IV Le mirage du train des BRICS
Il suffisait d’entendre son ton emphatique pour comprendre que l’homme se croyait déjà investi d’une mission planétaire. Après avoir récité son curriculum vitae comme une litanie, il leva la voix et déclara, d’un air inspiré :
« Je propose ma candidature aux souverainistes et panafricanistes du PPA-CI, de la Côte d’Ivoire, d’Afrique et de la diaspora, afin de ne point manquer le train des BRICS… »
Le train des BRICS ! Quelle trouvaille ! Voilà qu’on nous vendait, après les diplômes magiques, un ticket pour un train imaginaire, invisible, dont lui seul entendait le sifflement et voyait la fumée. Mais pour le peuple ivoirien, ce train n’avait ni gare, ni rails, ni conducteur légitime. C’était un train fantôme : des wagons de promesses, des locomotives de discours, et des rails tracés sur des nuages.
Le peuple, qui connaît trop bien les mirages politiques, ne fut pas dupe. En Afrique, nous avons vu passer trop de ces trains en trompe-l’œil. Des projets lancés en fanfare, accompagnés de logos colorés, de communiqués flamboyants, de conférences internationales filmées en direct… et qui se terminèrent dans le silence, la poussière et l’oubli.
L’exemple du NEPAD : l’ombre d’un rêve
Souvenons-nous du NEPAD – le Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique. C’était en 2001. Des leaders africains comme Thabo Mbeki (Afrique du Sud), Olusegun Obasanjo (Nigeria), Abdelaziz Bouteflika (Algérie) et Abdoulaye Wade (Sénégal) avaient brandi un projet ambitieux, presque messianique. Ils promettaient une Afrique libérée des diktats étrangers, bâtissant son avenir par ses propres forces.
Les objectifs affichaient un parfum de renaissance :
- Favoriser une croissance économique durable,
- Réduire la pauvreté et améliorer les conditions de vie,
- Promouvoir la bonne gouvernance,
- Développer les infrastructures, la santé, l’éducation et l’agriculture,
- Renforcer l’intégration régionale.
Le rêve était beau, mais la réalité fut cruelle. Le NEPAD, vite récupéré par les logiques bureaucratiques et les intérêts des bailleurs de fonds, fut vidé de son essence. Il se transforma en un organisme lourd, sans moyens concrets, bientôt intégré dans les structures de l’Union africaine et rebaptisé en 2018 « Agence de Développement de l’Union Africaine (AUDA-NEPAD) ». Une belle vitrine, certes, mais dont les rayons restent désespérément vides pour la majorité des Africains.
Voilà donc ce qui arrive quand on s’embarque dans des trains promis à l’aube et qui n’arrivent jamais en gare : on finit par comprendre que ce ne sont pas des locomotives, mais des mirages.
Des trains sans voyageurs
Et combien d’autres trains fantômes l’Afrique a-t-elle vus défiler ?
- Des intégrations régionales annoncées en grande pompe, qui promettaient la libre circulation des biens et des personnes, mais qui s’échouèrent sur les égoïsmes nationaux et la corruption endémique.
- Des sommets panafricains qui ressemblaient à des foires diplomatiques, où l’on échangeait des signatures et des photos officielles, mais où rien ne changeait dans la vie des peuples.
- Des plans de développement financés par des partenaires extérieurs, qui terminaient en statistiques truquées et en projets abandonnés faute de suivi.
À chaque fois, c’était le même scénario : un train annoncé comme salvateur, des discours qui enflamment, des promesses qui brillent… et au final, des rails qui s’arrêtent au milieu du désert.
L’imposture du billet BRICS
Alors, comment ne pas sourire – ou pleurer – quand on entend aujourd’hui un homme brandir la bannière des BRICS comme une solution miracle ? Comme si l’avenir du peuple ivoirien dépendait d’un billet pour ce convoi invisible.
Car enfin, qui croit sérieusement que rejoindre un bloc économique émergent suffira à combler nos bidonvilles, à remplir nos marmites, à construire nos hôpitaux et à rouvrir nos usines ?
Qui croit que la Côte d’Ivoire pourra s’asseoir à la table des grandes puissances économiques du Sud sans d’abord balayer devant sa propre porte : respect de la Constitution, justice sociale, bonne gouvernance, souveraineté réelle ?
Comment prétendre prendre place dans le train des BRICS, alors même qu’on refuse de consolider les rails de notre propre République ? C’est une imposture. Car un pays qui ne respecte pas ses propres lois fondamentales ne peut prétendre peser dans l’équilibre du monde.
Le rideau de fumée
Derrière ce train fantôme, ce qu’on cherche en réalité, ce n’est pas l’émancipation du peuple ivoirien, mais la justification d’une ambition personnelle. Le rêve africain, noble et légitime, est utilisé ici comme un simple rideau de fumée pour masquer une candidature illégale, pour légitimer une soif de pouvoir sans base constitutionnelle.
Le peuple, lui, l’a compris. Il sait qu’on ne monte pas dans un train dont on ne voit pas les rails. Il sait que derrière les belles affiches, il n’y a souvent que le vide. Et il n’a plus envie de payer le prix de billets pour un voyage qui ne commence jamais.
V. Le masque tombe
Il arrive toujours un moment où les masques, même les mieux ajustés, finissent par glisser. Celui qui se présente comme l’artisan de l’avenir, le messager de la souveraineté et le conducteur du fameux train des BRICS, laisse transparaître la vérité : il n’est pas un bâtisseur, mais un prestidigitateur. Ses discours ne sont que des artifices. Ses promesses, des tours de passe-passe destinés à éblouir une foule épuisée par les privations.
Car enfin, comment peut-on sérieusement prétendre conduire une locomotive continentale si l’on refuse de respecter les feux rouges et les règles élémentaires de circulation au carrefour de sa propre nation ?
La contradiction fondamentale
Un paradoxe saisissant saute aux yeux. D’un côté, l’homme proclame vouloir porter haut le flambeau du panafricanisme, arrimer la Côte d’Ivoire aux locomotives émergentes du Sud et hisser le pays à la table des grandes puissances. De l’autre, il participe, ou du moins cautionne, le piétinement méthodique de la Constitution nationale.
Or, la souveraineté africaine commence par la souveraineté du droit chez soi. Celui qui méprise les lois fondamentales de son pays ne peut en aucun cas se proclamer apôtre de la dignité et de la liberté des peuples. C’est là le cœur du scandale : se draper dans les couleurs du panafricanisme tout en foulant aux pieds la boussole de la nation.
Comment peut-on prêcher l’intégration africaine alors qu’on participe à la désintégration des règles démocratiques ivoiriennes ? Comment se poser en champion de la souveraineté alors que l’on s’assoit sur la volonté du peuple exprimée dans la Constitution ?
L’image du chauffeur sans permis
La métaphore est implacable : un homme qui ne respecte pas un feu rouge à Cocody veut s’imposer comme conducteur d’une locomotive continentale. Mais chacun sait qu’un chauffeur sans permis conduit toujours à la catastrophe.
Le permis, dans ce cas, c’est la légitimité constitutionnelle, la fidélité aux institutions, le respect scrupuleux des règles communes. Or, sans ce permis, le conducteur, aussi brillant soit-il en théorie, mène inévitablement son train – et ses passagers – droit dans le mur.
L’Afrique n’a pas besoin d’un conducteur téméraire qui prend des virages serrés en ignorant les panneaux. Elle a besoin d’hommes et de femmes capables de lire la carte, de suivre les rails tracés par la Constitution, et de respecter les feux de signalisation qui garantissent la sécurité collective.
Le double langage des imposteurs
Ceux qui jouent ainsi avec la Constitution manient l’art du double langage. Ils parlent de souveraineté, mais ils méprisent la première forme de souveraineté : le respect de la volonté populaire.
Ils invoquent le panafricanisme, mais c’est pour mieux détourner l’attention du peuple, pour transformer ses rêves légitimes en instruments de propagande personnelle. Ils brandissent des drapeaux et des slogans pour masquer leur incapacité à fournir ce que réclame la nation :
- De l’eau potable pour les familles qui peinent chaque jour à remplir leurs bidons.
- Du travail pour une jeunesse désespérée, condamnée à la débrouillardise ou à l’exil.
- Des écoles dignes pour les enfants qui étudient encore sous des arbres ou dans des classes délabrées.
- Une justice indépendante pour que chaque citoyen sache qu’il vit dans un État de droit et non sous la loi des plus forts.
Le moment de vérité
Le masque tombe donc. Ce n’est pas un projet de société qui nous est proposé, mais une mascarade. Ce n’est pas un programme économique sérieux, mais une fuite en avant dans les chimères. Ce n’est pas une vision, mais une imposture.
Le peuple, lucide, ne s’y trompe pas. Il sait désormais que celui qui prétend le conduire vers le train des BRICS n’est pas un conducteur mais un illusionniste. Et il sait qu’un peuple qui se laisse conduire par un illusionniste finit toujours par se réveiller dans le noir d’un tunnel sans sortie.
VI. Pendant ce temps, la nation saigne
Pendant que certains élites s’occupent de brandir leurs diplômes comme des trophées et de vendre des illusions de trains imaginaires, la Côte d’Ivoire, elle, continue de saigner en silence. Le peuple, ce grand oublié de leurs calculs, vit chaque jour le supplice de l’abandon.
La jeunesse sacrifiée
Dans les rues d’Abidjan comme dans les hameaux reculés du pays profond, la jeunesse, qui devrait être la sève vivifiante de la nation, croupit dans l’ombre du chômage.
Des milliers de diplômés, après des années de sacrifices et de privations, errent sans emploi, diplômes sous le bras, condamnés à l’attente interminable d’un hypothétique concours, à la débrouillardise du transport clandestin ou à la honteuse mendicité intellectuelle de petits boulots précaires.
Ce n’est plus seulement une génération au chômage ; c’est une génération confisquée, une génération volée, réduite à vendre ses rêves sur les marchés ou à s’exiler au péril de sa vie, traversant déserts et océans pour échapper à la misère d’une terre pourtant riche.
Les quartiers oubliés
À Abobo, à Yopougon, à Koumassi et dans d’innombrables quartiers populaires, la vie se déroule au rythme cruel des coupures d’eau et d’électricité.
Les femmes, dès l’aube, arpentent des kilomètres avec des seaux sur la tête pour chercher de l’eau dans des puits souvent insalubres. Les familles économisent la moindre goutte comme un trésor, pendant que les discours officiels promettent des barrages et des forages qui n’arrivent jamais.
Dans certaines maisons, on se passe une seule ampoule, déplacée de pièce en pièce, comme pour rappeler que la lumière est devenue un luxe. Et pourtant, l’électricité et l’eau, ces besoins élémentaires, sont la base même de la dignité humaine.
L’école qui s’effondre
Dans le pays profond, des enfants continuent d’apprendre sous des arbres, exposés au vent, à la pluie et au soleil brûlant. Les classes, quand elles existent, sont bondées, avec parfois plus de 80 élèves pour un seul maître.
Comment parler d’émergence quand l’avenir même du pays, ses enfants, est sacrifié ? Les livres manquent, les tables bancales se partagent à deux ou trois. Les enseignants, sous-payés, démotivés, peinent à maintenir un semblant d’ordre et de discipline.
Et pourtant, l’école, ce lieu qui devrait être le sanctuaire du savoir et le tremplin de l’égalité des chances, devient un miroir brisé de l’échec collectif.
La santé en lambeaux
Dans les hôpitaux publics, les malades gémissent dans des couloirs surpeuplés. Des femmes accouchent sur le sol, faute de lits disponibles. Des enfants meurent de paludisme, maladie pourtant évitable et soignable.
Les familles vendent leurs biens pour acheter quelques comprimés, pendant que les pharmacies privées prospèrent sur la détresse des pauvres.
La santé n’est plus un droit, mais un privilège réservé à ceux qui ont les moyens de payer. Et ainsi, les plus démunis, abandonnés, meurent dans l’indifférence quasi générale.
La justice confisquée
Pendant ce temps, la justice, censée être la dernière forteresse du citoyen, est perçue comme un théâtre où le riche gagne toujours et le pauvre perd d’avance.
Un simple citoyen qui ose contester est écrasé par la machine judiciaire, pendant que les puissants circulent au-dessus des lois. Les prisons débordent de petites mains, de voleurs de poulets ou de jeunes manifestants, tandis que les vrais pillards des deniers publics siègent confortablement dans les salons climatisés.
Le contraste révoltant
Et dans ce décor de souffrance, que voient les Ivoiriens ? Des élites qui paradent en costume, vantant leurs séjours à l’étranger et leurs contacts internationaux. Des discours qui parlent d’émergence et de trains des BRICS, alors même que les marmites restent vides et que les enfants vont à l’école le ventre creux.
Le contraste est insupportable : d’un côté, des conférences grandiloquentes sur l’avenir du continent ; de l’autre, une réalité quotidienne faite de privations, d’injustice et de désespoir.
La nation saigne donc. Elle saigne par ses jeunes sans avenir, par ses femmes épuisées, par ses enfants abandonnés, par ses malades sacrifiés. Et chaque goutte de ce sang est une accusation silencieuse contre ceux qui, au lieu de panser les plaies, préfèrent se perdre dans les mirages d’ambitions personnelles.
VII. L’heure de vérité
Il arrive toujours un moment dans l’histoire des nations où les masques tombent, où les illusions se dissipent, où les peuples cessent d’attendre et décident enfin de se lever. Ce moment, pour la Côte d’Ivoire, c’est maintenant.
Le peuple n’est plus dupe
Les Ivoiriens ont appris, à force de trahisons et de promesses non tenues, à reconnaître les mensonges sous les beaux discours.
Ils savent distinguer la sincérité de l’opportunisme, la conviction de la démagogie.
Derrière les mots ronflants, ils entendent le cliquetis métallique des casseroles des imposteurs. Derrière les sourires officiels, ils voient la grimace d’un pouvoir qui se nourrit de leurs souffrances.
Ils savent que la République ne se construit pas sur des curriculum vitae dorés, mais sur l’engagement désintéressé et le respect scrupuleux de la Constitution.
La Constitution comme ultime rempart
Il n’y a pas d’émergence sans justice, pas de dignité sans liberté, pas de souveraineté sans Constitution respectée.
La Constitution n’est pas un parchemin qu’on peut déchirer selon les humeurs des puissants. Elle est l’ultime rempart contre la dictature et l’anarchie.
La trahir, c’est trahir la nation. La bafouer, c’est piétiner le contrat sacré qui unit les citoyens entre eux.
Un pays sans Constitution respectée est comme un navire sans boussole, condamné à errer sur une mer agitée jusqu’au naufrage.
Le verdict des souffrances
Ce n’est pas dans les salons feutrés ni dans les amphithéâtres universitaires que se joue l’avenir de la Côte d’Ivoire. Il se joue dans les marchés de Treichville, où les femmes comptent chaque pièce pour nourrir leurs enfants.
Il se joue dans les champs du Gôh et du Worodougou, où les paysans épuisés voient le fruit de leur sueur acheté à vil prix.
Il se joue dans les hôpitaux saturés d’Abobo, où des malades meurent faute de médicaments.
Chaque cri d’enfant affamé, chaque regard désespéré d’un jeune sans travail, chaque soupir d’une mère accablée par la misère est un verdict silencieux. Et ce verdict est clair : le peuple n’a plus confiance.
Le courage de dire non
L’heure de vérité, c’est celle où un peuple décide de briser le cercle du silence et de la peur.
C’est celle où les citoyens comprennent que se taire, c’est être complice de sa propre humiliation.
C’est celle où l’on dit enfin « non » — non à la confiscation de nos rêves, non aux impostures maquillées en projets de société, non aux élites qui se servent au lieu de servir.
Car il n’existe pas de tyran sans le consentement passif des peuples. Et quand le peuple retire ce consentement, la citadelle du mensonge s’écroule.
Le prix de la dignité
Oui, l’heure de vérité exige des sacrifices. Elle exige du courage, de la constance, parfois même de la douleur. Mais l’histoire nous enseigne que les peuples qui refusent de payer le prix de leur dignité finissent toujours par payer le tribut plus lourd de leur servitude.
Alors, que vaut-il mieux ? Courber l’échine sous le poids de l’injustice ou se redresser, fût-ce au prix de la souffrance, pour reprendre en main son destin ?
La réponse, chaque Ivoirien la porte au fond de lui-même.
VIII. L’appel au peuple
Peuple de Côte d’Ivoire, l’heure n’est plus aux murmures résignés ni aux attentes silencieuses. L’heure est à la clarté, au courage et à l’action. Nous avons trop longtemps accepté que d’autres écrivent notre histoire à notre place, trop longtemps confié notre destin à des imposteurs dont la seule compétence est de manipuler les foules avec des discours creux. Aujourd’hui, il est temps de reprendre la plume de notre avenir.
Dire non aux impostures
Nous disons non à ceux qui nous promettent des trains fantômes, peints aux couleurs chatoyantes des BRICS, mais qui n’ont même pas le respect de poser des rails solides dans leur propre pays.
Nous disons non aux diplômes brandis comme des talismans alors que nos marmites restent vides.
Nous disons non à ces élites qui, derrière des titres ronflants et des curriculum vitae interminables, ne savent offrir que la faim, la soif et le chômage.
Nous disons non à la confiscation de nos rêves et à la manipulation de nos espoirs.
Exiger le respect de la Constitution
Avant tout projet, avant toute promesse, avant tout slogan, il y a une exigence première : le respect strict de la Constitution. Car sans Constitution respectée, il n’y a ni souveraineté, ni démocratie, ni dignité.
Un peuple dont la loi fondamentale est piétinée n’est pas un peuple libre, mais un troupeau livré aux bergers du hasard et aux prédateurs de l’ambition.
C’est pourquoi nous exigeons que la Constitution soit appliquée dans sa lettre et dans son esprit, sans détour, sans manipulation, sans marchandage.
Ce que veut le peuple
Le peuple ivoirien n’a que faire de discours savants ou de chiffres savamment alignés dans des rapports brillants. Ce qu’il veut, c’est du concret.
Il veut de l’eau potable qui jaillit des robinets dans les foyers, et non des camions-citernes humiliants.
Il veut du travail digne et stable pour sa jeunesse, et non des promesses d’emplois fictifs.
Il veut des écoles dignes où ses enfants ne sont plus entassés à cinquante sous un arbre pour apprendre.
Il veut une justice impartiale, qui ne plie pas devant les puissants et qui protège les faibles.
Il veut des hôpitaux humains, où la pauvreté ne condamne pas à la mort silencieuse.
En un mot, il veut un projet de société clair, concret et sincère.
L’élite que nous appelons
Nous ne voulons plus d’une élite de parade, défilant ses titres comme des bijoux inutiles. Nous appelons une élite lucide, humble et courageuse, capable de se mettre réellement au service du peuple et non d’elle-même.
Une élite qui ne se laisse pas séduire par les chants des sirènes étrangères, mais qui regarde d’abord les besoins du pays.
Une élite qui sait que la souveraineté ne se quémande pas, elle s’arrache. Et que la dignité ne s’offre pas en cadeau, elle se conquiert.
Trop, c’est trop
Ivoiriens, l’histoire ne fait pas de cadeaux à ceux qui attendent. L’histoire se donne à ceux qui osent.
Nous sommes arrivés à ce moment critique où l’on doit dire : trop, c’est trop. Trop de manipulations, trop de trahisons, trop de promesses sans lendemain.
Si l’on nous tend un billet pour ce train fantôme des BRICS, nous le déchirons sans trembler. Car notre avenir n’est pas dans des mirages lointains, mais dans le courage présent de défendre notre Constitution et notre souveraineté.
Un appel à la mobilisation
Le temps est venu de se lever, non pas avec des armes, mais avec la force de nos voix, de nos plumes, de nos caméras, de nos rassemblements pacifiques, de notre volonté inébranlable.
Levons-nous pour dire non aux impostures et oui à la dignité.
Levons-nous pour rappeler que la Côte d’Ivoire appartient à son peuple, et non à une poignée d’élites auto-proclamées.
Levons-nous pour écrire ensemble une page nouvelle, claire et souveraine.
Peuple ivoirien, écoute ce que ton cœur murmure depuis trop longtemps : il est temps de marcher la tête haute. Il est temps de redevenir maître de notre destin. Il est temps de faire comprendre aux imposteurs que notre silence n’est plus à vendre.
Car l’avenir de la Côte d’Ivoire ne s’écrit pas dans l’ombre des impostures, mais dans la lumière des peuples qui savent dire, à un moment de l’histoire :
« Trop, c’est trop. »
©Dr KOCK OBHUSU, Économiste – Ingénieur
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