La France voit disparaître progressivement son hégémonie d’autrefois en Afrique. Alors
qu’ils étaient seuls avant la colonisation et après le retrait soviétique dans les années 1980, les Occidentaux affrontent aujourd’hui, un concurrent de taille qui ne cache pas ses ambitions en Afrique : la Chine. Derrière le conflit de succession à la présidence de la République ivoirienne se joue, en réalité, le conflit d’influence entre le monde occidental et la Chine mais aussi avec d’autres puissances émergentes comme l’Inde. Il y a au-delà tout le conflit sur le contrôle des ressources naturelles de ce pays et de ce nouvel Eldorado pétrolier qu’est le Golfe de Guinée. Un peu partout dans le continent, Français, Britanniques et Américains perdent des marchés au profit des nouveaux partenaires (Chine, Inde, etc.). Après la contestation dans le monde arabe et latino-américain contre les intérêts pétroliers des firmes occidentales, l’Occident ne souhaite plus perdre le continent africain qui est le seul espace qui lui reste soumis.
Les milieux politiques occidentaux voient ainsi en Laurent Gbagbo celui qui représente cette Afrique qui cherche à se soustraire du contrôle occidental pour affirmer sa souveraineté tandis que Alassane Ouattara, «ami» des Français (en particulier de Sarkozy), ancien Directeur adjoint du Fmi, représente le gestionnaire idéal (parce que libéral) de la Côte d’Ivoire. Il est sur la droite ligne des interlocuteurs appréciés à Washington, Londres, Paris et Bruxelles.
Nous sommes en présence de l’éternel conflit entre pro et anti qui était extériorisé entre Lumumba et Mobutu. Au Congo, l’Occident avait utilisé de gros moyens pour liquider Lumumba et installer Mobutu au pouvoir parce que celui-ci défendait bec et ongles les intérêts des firmes et des puissances occidentales. Le sort de la Côte d’Ivoire risque de ressembler à celui du Congo si on n’y prend garde.
Gbagbo, comme Lumumba, est vu comme un nationaliste dangereux tandis que Ouattara, comme Mobutu, est l’homme de l’ouverture du marché ivoirien aux intérêts des firmes et Nations étrangères. Le décor congolais des années 1960 est bien planté en Côté d’Ivoire.
Autrefois au Congo, la communauté internationale, en s’appuyant sur l’Onuc (l’Onu au Congo), était unanime quant à la liquidation physique de Lumumba, de la même façon, dans le cas de la Côte d’Ivoire, la même communauté internationale, en s’appuyant sur l’Onu en Côte d’Ivoire, est unanime quant à la liquidation de Gbagbo.
Le conflit en Côte d’Ivoire est un exemple de la renaissance de la guerre froide, c’est-à-dire
de la guerre entre l’Ouest et l’Est sur le territoire africain et pour des intérêts extérieurs au
continent. Mais est-ce que les Africains comprennent cela ?
Conclusion
Au-delà de l’enjeu électoral, c’est tout le destin du continent africain (plus précisément de l’Afrique francophone) qui se joue en Côte d’Ivoire. L’issue de ce conflit déterminera si l’Afrique s’engage dans la voie de sa seconde indépendance en affirmant sa souveraineté ou si au contraire la recolonisation de l’Afrique reprend ses droits.
Si la Côte d’Ivoire perd dans ce conflit, le pillage des ressources naturelles de l’Afrique sera
plus immense et plus profond, car l’Afrique est aujourd’hui, l’unique espace où les firmes occidentales imposent leurs lois sans négociation avec les autorités étatiques.
Le retour de la France en Côte d’Ivoire entraînera une menace plus sérieuse pour plusieurs
pays de la sous-région ouest-africaine et de l’Afrique subsaharienne dans lesquels se trouvent des ressources naturelles stratégiques convoitées partout dans les capitales occidentales.
Comment sortir l’Afrique de la nouvelle colonisation afin d’assurer sa souveraineté ? Voilà la question qui doit préoccuper les Africains dans leur ensemble mais plus particulièrement les Africains francophones plus touchés par la mainmise occidentale dans l’économie de
chaque Nation. Les pays les plus puissants ont pris une telle avance qu’ils s’octroieront continuellement plus de droit de regard sur les pays les plus pauvres et les Institutions internationales sont
devenues des lieux où leurs décisions sont imposées (déjà, aucun pays faible ne fait partie du
Conseil de Sécurité de l’Onu). Nous assistons au retour de la loi de la jungle dans la gestion
de cet univers international déjà anarchique (ne dit-on pas que c’est le plus fort qui gagne et qui impose sa loi ?). Il faut voir dans la globalisation, un retour à une nouvelle forme de colonisation qui ne dit pas son nom.
La compréhension des enjeux internationaux et des plans des puissances occidentales qui ne
peuvent plus se passer du pillage des Etats africains pour assurer leur aisance matérielle doit
davantage pousser les Africains à revendiquer leurs droits. On a enfin compris que les pays occidentaux qui s’affublaient de l’étiquette d’Etats respectueux de démocratie, de Droits de l’Homme, d’éthique sont loin de respecter ces principes moraux. Il n’y a que la sauvegarde de leurs intérêts qui compte. Pour réussir à conquérir leur souveraineté, cinquante ans après l’acquisition de leur indépendance nominale, les Etats africains doivent devenir solidaires et lutter ensemble. La première étape commence par la résolution pacifique du cas ivoirien.
Fweley Diangitukwa