Dans notre parution du samedi 26 mars dernier, nous rappelions dans un article intitulé « Résolution de la crise ivoirienne: Et si Mamadou Koulibaly avait raison », l`appel au dialogue lancé par le président de l`Assemblée nationale aux deux camps rivaux. Intervenant sur la radio catholique « Espoir » de Port-Bouët, dans le mois de décembre 2010, le professeur Mamadou Koulibaly avait en effet invité Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara, qui se disputent le pouvoir, à s`asseoir autour d`une même table, à se parler franchement afin de régler leur différend. Cette négociation entre parties ivoiriennes devrait, de l`avis du président du Parlement ivoirien, permettre de faire l`économie des morts, des blessés, des déplacés de guerre et des dégâts matériels déplorés depuis le début de la crise née des élections. Ce qu`il a lui-même appelé « l`intermède douloureux » inhérent aux conflits post-électoraux en Afrique. L`intervention publique du professeur Koulibaly, sur les ondes de cette radio de proximité, résulte en réalité d`une longue médiation menée dans l`ombre, loin des cameras, pour tenter de rapprocher les deux leaders. Une sorte de cri du coeur que Mamadou Koulibaly poussait ainsi au grand jour, après avoir déployé de gros efforts au cours de ces missions de paix qui l`ont conduit chez plusieurs personnalités du pays et auprès des chancelleries diplomatiques présentes en Côte d`Ivoire. Selon des sources bien introduites en effet, percevant le danger qui pointait à l`horizon à la suite de la contestation électorale, M. Koulibaly s`est investi de cette mission de pacificateur pour tenter d`obtenir des deux parties, une sortie de crise par la négociation. Le président de l`Assemblée nationale, souligne notre source, a eu plusieurs audiences dans la première quinzaine du mois de décembre 2010, avant la marche étouffée du Rhdp le 16 décembre. Il a rencontré dans cet élan, le représentant spécial du secrétaire général de l`Onu en Côte d`Ivoire, Young J. Choi, qui avait certifié les résultats de la Commission électorale indépendante (Cei) déclarant Alassane Ouattara, président élu du scrutin du 28 novembre 2010. Outre le patron de l`Onuci, Mamadou Koulibaly se serait entretenu également avec les ambassadeurs de France, de Belgique, des USA, d`Espagne et de bien d`autres pays, pour requérir leur forte implication et faciliter le tête-à-tête Gbagbo-Ouattara. Le président de l`Assemblée nationale a aussi parlé avec des responsables des différentes armées présentes sur le sol ivoirien, notamment les Forces de défense et de sécurité (Fds), les Forces armées des Forces nouvelles (Fafn), l`Onuci et la force Licorne, pour leur faire comprendre la nécessité d`aboutir à la paix. L`objectif recherché par le président Koulibaly était d`amener ces forces militaires à éviter l`affrontement. Les chefs religieux, les leaders d`Ong influentes ont été sollicités pour ce lobbying de haut niveau pour la paix. Le clou de ce travail de l`ombre, ce sont, souligne notre source, les discussions franches que M. Koulibaly a eues avec les deux camps au conflit. D`abord avec leurs lieutenants, puis avec les leaders eux-mêmes.
Qu`est-ce qui n`a pas marché ?
Le président de l`Assemblée nationale est allé proposer son idée à Laurent Gbagbo, l`actuel locataire du palais présidentiel d`Abidjan, qui est du même bord politique que lui. Le président Gbagbo se serait dit favorable à un dialogue inter-ivoirien, fidèle à sa formule « asseyons-nous et discutons ». Mais certains caciques du parti au pouvoir y auraient vu un signe de faiblesse et se seraient montrés très hostiles à l`idée de M. Koulibaly. Ces derniers estimaient que le champion de La majorité présidentielle (Lmp) est le vainqueur des élections, déclaré comme tel par le Conseil constitutionnel, et que la nécessité d`une négociation avec le camp Ouattara ne se posait plus. Pis, notaient-ils, les négociations du passé, avec les Forces nouvelles et les partis politiques d`opposition, qui ont abouti à un partage du pouvoir, n`ont pas permis à la Côte d`Ivoire d`avoir la paix pendant 10 ans. Donc pas question de continuer avec un tel schéma. Après des débats houleux, nous a-t-on rapporté, Mamadou Koulibaly aurait finalement obtenu l`adhésion de ses camarades de parti à l`idée de la négociation avec le camp adverse. Le président de l`Assemblée nationale ne s`est pas arrêté là. Il aurait mené les mêmes démarches auprès de Alassane Ouattara, président reconnu par la communauté internationale. Mamadou Koulibaly a franchi les portes du Golf hôtel pour proposer la négociation à M. Ouattara et ses partisans. « On verra bien, mais dites à Laurent que j`ai gagné les élections », aurait répondu Alassane Ouattara. Et Mamadou Koulibaly de lui dire que l`urgence pour lui, c`est de donner une chance à la discussion, et une fois autour de la table, tout peut être possible. La belle initiative du président de l`Assemblée nationale, bien que louée par les deux camps en conflit, reste cependant encore une vue de l`esprit. « Le maillon qui consiste à nous entretuer, nous ne sommes pas obligés de passer par là. On peut sauter l`intermède qui consiste à passer par les tueries et arriver directement à une entente, à une cohabitation… », interpelait-il toute la classe politique. Qu`est-ce qui n`a pas marché pour que cet appel de Koulibaly Mamadou n`ait pas été entendu ? A-t-on besoin de compter les morts encore longtemps pour s`asseoir et discuter entre frères ivoiriens ? Qui a intérêt à voir les Ivoiriens mourir ? Le président de l’Assemblée nationale aura joué sa partition pour éviter d’en arriver à l’irréparable.
Hamadou ZIAO
L’Inter