Ce qui se passe à l’ouest de la Côte d’Ivoire, depuis l’éclatement de la rébellion en 2002 jusqu’à ce jour, est atroce. Mais les tueries du camp de Nahibly, à Duékoué, sont révoltantes et inacceptables. Non pas qu’elles aient provoqué plus de morts que n’en a fait la guerre qui a servi de prétexte à l’occupation étrangère des terres de la région, mais elles interviennent dans des circonstances qui mettent au jour la responsabilité, la passivité, voire la complicité des autorités administratives, politiques et militaires. Les massacres de Nahibly sont une confirmation grandeur nature du règne de l’insécurité pour les uns et l’assurance de l’impunité pours les autres. C’est surtout la confirmation que les populations autochtones de l’ouest de la Côte d’Ivoire ne sont plus chez elles sur leurs propres terres et qu’elles se bercent d’illusion lorsqu’elles espèrent que l’Etat, par les moyens qui sont les siens, les aidera un jour à être rétablis dans leurs droits. Ces pauvres populations souvent chassées des villages, pourchassées à travers champs et forêts, ont pensé, pour les survivants, trouver asile dans ce camp de Duékoué, et se mettre à l’abri des violences, sous la protection de l’Etat et de la communauté internationale au travers de la présence des Forces Républicaines et de l’ONUCI. Mais l’Etat de Côte d’Ivoire et la communauté internationale ont assisté passivement au carnage pour se renvoyer, après coup, des accusations mutuelles. C’est tout simplement révoltant et inadmissible. Toute mort provoquée, d’où qu’elle vienne, ne peut justifier la tentation d’instrumentaliser la violence. Or les habitants du quartier Cocoman qui se sont déchainés sur Nahibly le Vendredi 21 juillet dernier ont pris prétexte de la mort de cinq des leurs, suite à un braquage, pour distribuer, sans discernement, la mort au sein d’une population dont la seule vraie richesse aujourd’hui reste justement le souffle de vie. Et, malgré le caractère atroce des évènements, ils se félicitent, sans remord, d’avoir vengé d’autres morts tout aussi condamnables. Pire, face à cette bêtise humaine, le gouvernement ivoirien n’a pas compris que le temps est d’opportunité pour lui pour montrer son impartialité dans le traitement des questions sécuritaires à l’ouest. Bien au contraire, pris dans son propre piège de la politique de rattrapage, le gouvernement Ouattara ne peut trouver la vigueur nécessaire au communiqué qui a pourtant la prétention de stigmatiser les comportements négateurs des lois de la République. Croit-il apprendre une nouveauté aux Ivoiriens en affirmant que nul n’a le droit de se faire justice ? Mais il n’est pas plus dissuasif que n’est aussi engagée l’ouverture d’une enquête à but de rechercher et de retrouver les auteurs des crimes collectifs et odieux sur les réfugiés du camp de Nahibly. N’ont-ils pas été commis en présence des autorités administratives et militaires ? N’est-il pas clairement établi par des témoignages concordants que l’action des pyromanes du camp de Nahibly n’a pas été spontanée mais bien coordonnée par un système de ralliement et que l’exécution du massacre a bénéficié de la participation des dozos et des FRCI ? La timidité de la réaction du gouvernement est en elle-même une explication qui confirme sa responsabilité et prolonge sa passivité devant le drame continuel des populations de l’ouest. Sa complicité se reflète dans son incapacité à distinguer dans ce no man’s land les plus faibles des plus forts. Cette complicité se remarque aussi dans son incapacité sinon son refus de percevoir dans le tumulte des cris de détresse ceux qui viennent des nécessiteux absolus et ceux qui proviennent des gorges joyeuses. Cette complicité devient même agissante quand à travers son premier communiqué officiel relatif aux évènements le gouvernement semble comprendre la motivation des auteurs des atrocités de Nahibly. Inacceptable !