Au lendemain des élections régionales en France, le dimanche dernier, les Allemands n’ont pas manqué de fustiger et d’attribuer la montée du Front Nationale, parti raciste et xénophobe, aux élites françaises. Outre-Rhin, à l’unanimité, on pense que «Quasiment aucun autre pays en Europe ne produit une élite agissant de manière aussi féodale» qu’elle le fait en France.
Nous vous proposons la visite de la presse allemande par LesEchos.fr
La presse allemande est unanime : la victoire du Front National au premier tour des élections régionales est l’échec des élites françaises, qui ont failli à réformer la France pour en faire un pays moderne capable d’affronter la mondialisation. « Les camps traditionnels se freinent mutuellement, les structures de décision complexes et l’influence de beaucoup de groupes d’intérêts, y compris régionaux, donnent un sentiment de paralysie, observe la « Suddeutsche Zeitung » dans un éditorial. Quasiment aucun autre pays en Europe ne produit une élite agissant de manière aussi féodale. Nous contre eux – cela fonctionne particulièrement bien en France. »
Une responsabilité de l’Allemagne
Mais le quotidien de centre-gauche, qui observe une poussée des extrêmes dans le reste de l’Europe et au-delà (citant Donald Trump aux Etats-Unis), ne veut pas passer sous silence la responsabilité de l’Allemagne dans le vote français. « La domination de la nation au cœur de l’Europe conduit à des réflexes de rejets dans le voisinage : c’était le cas en Grèce, c’est le cas au Danemark et ce sera le cas en France. Le Pen maîtrise parfaitement la partition du sentiment anti-allemand, par exemple lorsqu’elle raille le président François Hollande comme vice-chancelier » de Merkel. Le quotidien munichois note que la recette populiste fonctionne aussi en Allemagne avec l’AfD.
Pas le courage de réformes sérieuses
« On ne peut plus nier l’échec des élites politiques (françaises), juge la « Frankfurter Allgemeine Zeitung ». Le pays paye le fait qu’aucun gouvernement au cours de la dernière décennie n’ait eu le courage de faire des réformes sérieuses. On a traîné à corriger les dysfonctionnements ou refusé de les voir », note le quotidien de droite en évoquant le chômage de masse, le déclin de l’industrie, l’échec de la politique d’intégration ou encore la baisse de performance de l’école publique. « Le fossé entre l’image que le pays a de lui-même, berceau des droits de l’Homme à la mission universelle, et la réalité du déclin n’a jamais été aussi grand ».
Défense des privilèges
Pour le « Handelsblatt », beaucoup de Français sont déçus par un système politique et des partis qui se battent pour leurs privilèges et non pour le rétablissement économique du pays. « La grande majorité est plus mûre que leur classe politique, observe le quotidien économique. Ils savent où se place la France sur le plan économique et ont une vision claire des changements nécessaires. » Mais les partis ne livrent pas, se désole le journal de Düsseldorf, relevant l’aversion des Français pour la mondialisation, vécue comme une menace à l’origine du chômage alors qu’elle est vécue en Allemagne comme la preuve du succès du « Made in Germany ».
Des « bides »
Sans concession, la chaîne de télévision publique ARD voit dans le succès du FN l’échec des gouvernements successifs à adapter le pays. « Une économie moderne avec des emplois modernes ? Le bide. Une intégration réussie des gens issues de l’immigration? Le bide aussi. Et surtout, et c’est la grande différence avec l’Allemagne : la politique française n’a pas connu de compromis jusqu’ici. Le scrutin majoritaire a fait en sorte que soit les conservateurs soit les socialistes soient au pouvoir. Or les réformes nécessaires de l’économie et de la société ne sont possibles qu’à travers une large alliance des grands partis dépassant les clivages politiques ».